Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 14. (1972)

1972 / 1-2. szám - Nagy Péter: Libertinage et Révolution

Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae, Tomus 14 (1—2), pp. 1 -80 (1972) Libertinage et Revolution* par Péter Nagy (Budapest) «Les livres libertins commentent donc et expliquent la Révolution.» Baudelaire I. Le libertin, à travers les âges 1. Le libertin, tel qu'en lui-même . . . Existe-t-il un mot dont le dix-huitième siècle ait davantage usé que du mot « libertin» ? Quel ternie, appartenant au vocabulaire de l’honnête homme, demeure en réalité aussi confus? Cette confusion ne tient pas moins à l’origine du mot qu’à la variété de ses emplois selon la mode et le milieu. Elle est accentuée par le fait que la plupart des recherches sur l’origine, l’étendue et la signification du mot s’arrêtent au seuil du dix-huitième siècle, et que les chercheurs — lexicographes ou philosophes, théologiens ou sémiologues tiennent pour établi et indiscutable son emploi à l’époque des Lumières.1 Les faits ne corroborent pas cette certitude nous aurons l’occasion de le démontrer maintes fois au cours de cette étude. On peut considérer comme acquis que le mot apparaît dans un texte français imprimé pour la première fois en 1477, dans une traduction du Nouveau Testament; il y est la transposition du latin «libertinus».2 Et le terme réapparaît presque un siècle plus tard sous la plume de Calvin défendant la pureté de la Foi.3 Il est intéressant de voir comment ce terme ambigu dès sa nais­sance — garde deux siècles durant son ambiguïté; comment libertin, libertaire, libertinien se distinguent lentement dans l’usage pour gagner plus de précision, sans perdre pour autant leur ambiguïté originelle. Déjà l’origine du mot n’en est pas exempte en latin: libertinus = affranchi * Cet essai considère sous un aspect spécifique une tranche de la production romanesque française du XVIIIe siècle. C’est ce qui explique ses omissions: nous n’avons traité ni les romans philosophiques ou autres qui ne relèvent pas du libertinage propre­ment dit, ni les romans libertins qui ont paru après 1789. La plupart des romans traités sont, selon le goût du temps, anonymes. Comme notre traitement est plutôt critique qu’historique, nous n’avons pas mis en question les attributions; nous les avons acceptés selon le catalogue imprimé de la Bibliothèque Nationale et selon le dictionnaire de Barbier. Pour des raisons techniques le texte de cette publication est légèrement abrégé en relation de sa version originale. Toutes les citations ou presque — qui ont eu la fonc­tion de prouver les assertions de notre exposé — ont dû être omis des notes. Que le lecteur nous excuse et qu’il se réfère en cas de doute à l’original. 1 Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 14, 1972

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