Le Moment, Septembre 1936 (Année 4, no. 474)

1936-09-18 / no. 474

Biblioleca 'a' ^ BUCAREST 4’"* ANNEE - W* 47A DIRECTION, REDACTION ADMINISTRATIVEN, PUBLICITE 15, Rue Brezoianu iliphonei Direction 4.25.34 lg(|aetiont Administration 3.10.40 &( ■ --------­IMPRIMERIE 'Aristide Demetriade — Tel. 4.56.61 télégr. Moment Bucarest Directeur : ALFRED HEFTER Ta±a postale papim directement, renfermement à Pnpproba+lon No. 247.592/1933 des P. T. T. 8 Pages 3 Le) Le Moment Quotidien illustré d’informations Politiques, tconomiques et Sociales Journal de Bucarest ' .......-..........................“f= Les élections présidentielles Campagne électo­rale sans politique (De notre correspondant permanent) New-York, septembre Plus la campagne électorale amé­ricaine s’intensifie, plus il appa­raît que son issue du point dç vu<^ pratique importe peu. Les grandes controverses qui devaient diviser les deux partis en présence se dis­sipent avec une rapidité remarqua­ble. On sait encore qu’il faudra vo­ter pour Roosevelt ou pour Lan­­don, mais fort peu de gens sont ca­pables, à l’heure actuelle, de vous dire d’une façon claire ce qui déter­minera leur choix. En réalité il y a un nombre sur­prenant d’indécis et il m’arrive cha­que jour d’être consulté, moi', Français, par des amis américains sur ce que je ferais à leur place. Les causes de cette indécision sont faciles à comprendre. La prin­cipale est que le programme des Républicains est encore plus vague que celui des Démocrates. Et ce n’est pas peu dire! Théoriquement les Républicains sont plus conservateurs, mais le malheur veut que leur candidat, le gouverneur Landon, est lui-même suffisamment pénétré me pour donner de te1 un démenti voilé à cei le soutiennent. Dire ce que pense vr gouverneur Landon, est reconnaître, une tâche eile. Les Démocrates oh à s’apitoyer tantôt sur so! nullité tantôt sur le fi est déchiré entre ses *so persona« 'tes qui 6 *. New Dealiste à peine assagi, et la pression qu’exercent sur lui les in­térêts puissants qui ont fait de lui leur champion. Le candidat en progrès Le candidat Landon a fait quel­ques progrès comme orateur. Il Prospérité d’abord! Tel est leslogan national aux Etats-Unis. C’est pourquoi une seule question compte pour les électeurs: qui de Roosevelt ou de Landon demandera le moindre ef­fort financier au pays. semble être un peu moins paralysé devant le microphone. Les spécia­listes de radio-diction qui l’accom­pagnent dans ses tournées ont réussi à améliorer sensiblement sa voix et le rythme de ses phrases mais on ne peut pas dire qu’on éprouve encore grand plaisir à l’é­couter. Quant à la substance de ses dis­cours, le moins qu’on en puisse dire •st qu’elle ne jette pas grande 1ère sur le fond de la pensée £que de celui qui les prononce. Liverneur Ï.A^;doi ■— certaines réformes inaugurées par Roosevelt étaient nécessaires, le gouverneur Landon admet implici­tement qu’il ne les répudiera pas. Il critique d’une façon générale les méthodes gouvernementales des dé­mocrates mais il se garde bien de dire comment les Républicains s’y prendront pour obtenir le même résultat par d’autres moyens. La tactique de Landon consiste en somme à créer une impression et à éviter soigneusement de s’aven­turer sur le terrain dangereux des promesses. Ce qu’il faut insinuer dans l’es­prit des électeurs c’est que Roose­velt vise à une espèce de dictature sur le modèle fasciste ou commu­niste (l’une et l’autre étant du res­te interchangeables) et que, sous couvert d’étendre le rôle du gouver­nement central dans un but de pro­grès social et humanitaire, les New Deálistes songent en fait à détruire les vertus fondamentales de I’A- mericanisme traditionnel (indivi­dualisme, esprit d’entreprise, goût de la liberté et du risque, etc...) Ni fascisme, ni commu­nisme En réalité et pour qui connaît l’Amérique il n’y a aucune chance pour que ces qualités caractéristi­ques du citoyen américain puissent être détruites par Roosevelt ou amëiT de culture poIitiqüJT de leurs com­patriotes ne change rien à la si­tuation. L’Américain est un animal économique. II n’est pas un ani­mal politique. Jacques Fransalès (Suite en page 6) Les invectives de Nuremberg Le système inaugu­ré par Hitler au con­grès de Nüremberg est ion seulement inadmis­sible, mais aussi sans précédent dans l’histoire du mon­de. Chez les anciens Grecs, exis­taient autrefois des insulteurs payés qui invectivaient les armées adverses dans le but de les démo­raliser. Mais qu’un chef d’Etat, en pleine période de paix et publique­ment, se permette d’insulter un peuple étranger et ses dirigeants, voilà ce que l’histoire de notre pla­nète n’avait pas encore entendu. Sous ce rapport, le congrès de Nü­remberg marque une innovation dans les relations internationales. Le silence méprisant avec lequel Moscou a accueilli les insultes de Berlin, est la seule réponse qui pou­vait leur être donnée. Mais le procédé inauguré à Nu­remberg cette année, mérite toute­fois qu’on s’y arrête parce que les insultes qui y furent débitées tra­hissent un état d’esprit et de nerfs qui doit être examiné en toute ob­jectivité. En effet, Hitler, insultant, s’est élevé contre le danger communiste. Or tout le monde sera d’accord avec nous pour penser que le danger du communisme russe existait déjà au moment de l’accession de Hitler au pouvoir. Pourquoi alors avoir at­tendu trois ans pour inaugurer le système des invectives? D’autant plus que le communisme russe a beaucoup perdu de sa virulence i­­nitiale. Et puis, après trois ans de gouvernement, quand Hitler pré­tend avoir consolidé le régime pour mille ans, au moins, sa peur du communisme devrait être moins grande qu’au moment où il a mis la main sur l’Allemagne. Pourquoi s’est-il tu alors que le communisme présentait des dangers de contami­nation pour le Reich et pourquoi insulte-t-il aujourd’hui, alors qu’un tel danger a disparu? On peut donc dire que la peur de M. Hitler pour le communisme n’e­xiste pas. Mais en réalité, il existe autre chose. La Russie soviétique, au lieu de s’épuiser en des luttes sociales stériles, a organisé une force militaire formidable qu’elle met aujourd’hui au service de la paix du continent. Et elle a pu or­ganiser cette force précisément parce que le régime communiste s’est complètement transformé. Le seul pays qui menace la paix en Europe et qui doit donc craindre la force militaire de la Russie, est l’Allemagne. Tous les peuples qui se sont lais­sés entraîner par la politique de Hitler ont commencé à se retirer en dehors de sa sphère d’influen­ce, se rendant compte que le régi­me national-socialiste s’effondrera dans une aventure guerrière qui se­rait pleine de risques pour eux. Plus la force militaire de la Rus­sie augmente, plus l’Allemagne se sent isolée. C’est ce qui explique les invectives de Nüremberg. La Russie est devenue un danger pour le Reich non à cause du commu­nisme, mais à cause de son armée. Les régiments russes, non seule­ment sont dangereux pour les Alle­mands, mais chassent tous leurs alliés d’hier, qui ne sont plus sûrs d’une victoire aux côtés du Reich. C’est ce qui explique pourquoi Hitler a eu recours, contre la Rus­sie, non pas aux armes, mais à l’in­sulte. Il se vante de ses deux mil­lions de soldats et parle de l’una­nimité du peuple allemand qui le suit jusqu’à l’extrême limite. De tels éléments, précieux pour la guerre, constituent d’habitude des secrets d’Etat. Et si Hitler les a dé­voilés, on peut affirmer qu’il ne se base plus sur eux. D’habitude celui qui se sent fort est calme; il ne menace pas, il n’insulte pas. La conscience de sa force lui donne une sérénité voisine de celle des dieux; à Nüremberg, Hitler a fait preuve de nervosité, d’un manque total de maîtrise de soi-même accompagnés d’auto-com­pliments parfaitement suspects. Tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a dit à Nüremberg prouve sa faibles­se et son désespoir. D’habitude de telles manifestations verbales sont précédées de faits, les seuls qui soient en mesure d’expliquer et de légitimer des décisions héroïques. Des insultes seules se retournent contre celui qui les profère. Le congrès de Nüremberg trahit pour la première fois, chez Hitler, une volonté qui ne peut se réaliser. Si la Russie présente réellement un danger aussi grand, les insultes ne suffisent pas, quelque violentes qu’elles soient. Pour être consé­quent, Hitler aurait dû procéder contre la Russie par la voie des faits. Mais au lieu d’accomplir des actes, il a invité l’attaché militaire russe à assister à la parade mili­taire de Nüremberg. Le congrès qui a eu lieu cette année dans la vieille ville alleman­de marque un commencement : le commencement de la déchéance du régime national-socialiste en Alle­magne. Pour la première fois à ce congrès nous avons vu un Hitler nerveux et incertain. S’il s’est trou­vé en Allemagne des hommes pour empêcher Hitler de rompre les re­lations diplomatiques avec la Rus­sie. il existera aussi des hommes qui sauront l’empêcher de créer une atmosphère incompatible avec le maintien de ces relations. La Russie le sait et c’est ce qu’attend Moscou. C’est pourquoi elle a répondu aux insultes de Hitler par un silence plus tragique que les plus triviales invectives. Le 16 septembre 1936 Les chances d’obtenir une neu­tralité générale dans la guerre ci­vile d’Espagne deviennent de plus en plus faibles. La politique des gouvernements français et anglais, bien que très rags, ,t’g p'ijJjQkque le ■•■mK • en~t tre les deux Espagnes s’apaise, et se limite, en même temps, à l’inté­rieur des frontières. L’espoir d’arriver à une entente par la voie d’une conférence des ambassadeurs, est devenu chimé­rique. Le Foreign Office a pu en effet constater que Lisbonne était plus près de Berlin que de Londres. Cependant, le gouvernement an­glais persiste dans son idée d’or­ganiser un contrôle international afin que puisse être appliqué le principe de non-intervention. Le gouvernement français, saisi par les nouvelles très alarmantes qui annoncent l’arrivée de l’étran­ger d’escadrilles, qui, tantôt vien­nent prêter main forte aux rebelles, tantôt aux gouvernementaux, ma­nifeste son grand souci d’apprendre chaque jour que de nouveaux ba­teaux allemands transportant du matériel de guerre, approchent des ports contrôlés par le généràl Franco. Cela est d’autant plus grave que le Portugal, devenu une sorte de quartier général, a refusé de par­ticiper à la conférence des ambas­sadeurs. Le „Times" écrit à ce sujet: „On comprend avec sympathie les difficultés du Portugal, mais on espère que le gouvernement de Lis­bonne surmontera le malaise créé par ces soupçons que des fournitu­res de guerre parviennent aux for­ces gouvernementales espagnoles par l’intermédiaire de la France et qu’il se ralliera au point de vue an­glais et français, selon lequel une politique efficace de non-interven­tion s’impose de façon impérieuse. On ne peut nier que les insurgés es­pagnols reçoivent plus d’aide de l’étranger que le gouvernement et on ne peut nier que le Portugal ait servi de moyen d’accès aux fourni­tures de guerre des insurgés. On croit donc que le gouvernement portugais, en dépit de toutes ses inquiétudes, sera disposé à colla­borer loyalement à une politique de non-intervention du moment où il sera convaincu qu’un accord gé­néral sera équitablement appliqué". Il est donc très alarmant de sa­voir que l’Angleterre ne peut plus compter d’une façon non-condi­tionnée sur le Portugal. A Londres, on n’est pas trop pessimiste, mais le „Manchester Guardian" annonce que l’époque approche rapidement où il faudra décider de ce qu’il y a lieu d’orga­niser à défaut d’une non-interven­tion. Et en attendant, la conférence I locarnienne paraît déjà menacée par l’attitude de l’Allemagne dans la guerre civile espagnole, surtout lorsqu’il ne subsiste plus aucun — PROCHAINEMENT s 0 VENDREDI 18 SEPT. 1936 J hnpage3'< % ' € Ç Le retour du maré­­chai Averesco % € En page 5-. € € Le slavisme du XX-e siècle 5 En page 7! I L'immixtion de l’Al* I I lemagne et de 1 Ir­­lande dans les I affaires espagnoles doute sur le rôle que joue en Es­pagne, en particulier en ce qui con­cerne l’action des nationalistes contre Madrid, l’aviation alleman­de. (Nos lecteurs peuvent, à ce sujet, se reporter aux déclarations faites hier par un journaliste amé­ricain en mission en Espagne, dé­clarations que nous publions dans ce numéro même). Au Foreign Office, on va plus loin encore, et on soutient que, si le Reich n’adhère pas à la commis­sion de contrôle, et si ce contrôle LES FRERES SIAMOIS ne peut s’établir, il deviendrait douteux que la conférence des cinq puisse avoir lieu. De nouveau, les fils de la poli­tique suropéenne sont très em­brouillés. Alfred Hefter — „Notre uolitioue c’est de pratiquer l’amour sans ’alousie”. I Choses de cinéma Qu'est-ce qu'un «metteur en scène?» Paris, septembre 1936 Coup sur coup, à vingt quatre heures d’intervalle, la Gazette des Tribunaux, journal de jurispruden­ce rapporte et commente deux ar­rêts de la cour d’Appel de Paris et de celle de Bordeaux qui ne man­quent pas de piquant. » » • Le premier de ces arrêts vise la question de propriété littéraire et artistique en matière de films. Vous étiez vraisemblablement persuadé que le véritable auteur d’un film, le principal responsable de la bonne ou de la mauvaise qua­lité d’une réalisation, c’était le metteur en scène. Un des premiers vous vous le rappelez, René Clair, avait fait une campagne ardente pour que, désor­mais, on ne désigne plus le metteur en scène que sous le titre d’„auteur du film”. „Un film de Korda”, „un ^ihUjde Duvivier“, „un film de Lu- MTC des formules que cendu couramment lent a-t-on enten­­film de Warner“, Ing Thalberg“, „un ; le nom de ces pro­­?e inconnu du grand imént en question af­itre contestée au producteur d’un film cinématographique, qui en a assuré la succession des scènes comme le dialogue, et dont on peut dire que l’oeuvre ne serait pas ce qu’elle est sans sa conception, ses efforts et son travail, qui conserve de ce fait le droit moral à la pro­priété littéraire et artistique, on ne saurait reconnaitre les mêmes droits au metteur en scène qui, bien que qualifié de „réalisateur“, par la Société des auteurs, n’en de­meure pas moins essentiellement remplaçable, sans que l’essence de l’oeuvre en soit modifiée — s’agis­sant au surplus, d’un simple louage de services pour un rôle purement technique“. 1 „Dans de telles conditions, un metteur en scène ne saurait exiger, invoquant son prétendu droit mo­ral d’auteur, que son nom figurât sur les affiches ou en-tête du film“. Voilà qui vient renverser toutes les notions reçues jusqu’à présent sur la question; et les différents metteurs en scène à qui nous avons soumis cette décision s’en sont mon­trés vivement émus. Mais il convient de préciser que dans le cas particulier qui a motivé cet arrêt qui, pourtant fait juris­prudence, le producteur réunissait sur sa tête à la fois les qualités d’auteur du scénario et du dialo­gue, alors que le metteur en scène n’avait mis à sa disposition que ses connaissances techniques et avait seulement joué le rôle d’un „exé­cuteur“. * * * Rapportons maintenant les con­clusions de l’arrêt pris par la Cour d’appel de Bordeaux. C’est un pe­tit morceau de littérature dont nous serions criminels de vous priver. „Si, en matière de films cinéma­tographiques, le visa de la censure n’établit pas en faveur des exploi­tants d’appareils de projection une immunité absolue en ce qui con­cerne le délit d’attentat aux bon­nes moeurs et les met seulement en règle avec les dispositions de l'ar­ticle 97 de la loi du 5 avril 1884, l’intention coupable constitutive du délit dont il s’agit peut ne pas être retenue à l’encontre des prévenus de ce délit, alors que l’accès des salles était interdit aux enfants et que, d’autre part, si les sujets pro­jetés dans un nudisme parfois in­tégral sont susceptibles d’évoquer un désir libidineux chez le specta­teur qui supplée par l’esprit à l’in­suffisance de l’idée réalisée par l’auteur, les gestes équivoques peu­vent être si rapides que ces scènes vivantes peuvent aussi n’avoir pas le temps d’offenser la pudeur, de telle sorte que, même dépourvues Georges Cravenne (Suite m page 3)

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