Le Moment, Octobre 1937 (Année 5, no. 786-810)

1937-10-01 / no. 786

BUCAREST 5m* ANNEE - N° 786 B P C A REST 15, ruë^jj^azoiann Rédaction, AdliBfflPftttïion Tél. 3.10.40 Dlrectica«aE^Qh^ne : 4.25.34 ïmprlmeri« et 'AÜJffers de Photogrjw Viye JI^MOMENT” Z nu Arist. triade. Tél. 4.56.61 'Afa^lrectear i Âà^âteD HEFTER 8 PAQ1S 8 LEI Après la Conférence des Pré­sidents des Instituts démis­sion de la Petite Entente Ai Voici, donc, une fois de plus, vérifiée l’in­destructible , cohésion des trois pays de la Petite-Entente ! Après la réunion du Conseil Permanent de Sinaia, la Conférence des Pré­sidents des Instituts d’Emission des trois pays amis et alliés, a prouvé que dans le domaine des questions financières, comme sur d’autres plans aussi, la coordina­tion des points de vue respectifs, revêt des formes de plus en plus idéales. Le communiqué final, donné à l’issue de cette Confé­rence, a révélé d’ailleurs dans sa sobre éloquence, cette admirable identité polyvalente. Nous saisissons cette occasion, pour dresser un suc cint bilan des progrès réalisés. Us sont immenses! La Petite-Entente a considéra­blement évolué ces dernières an­nées. Cessant d’être une simple al­liance triangulaire politico-mili­taire à caractère purement défen­sif — caractère pacifique qu’elle gardera toujours — cette conjonc­tion de trois Etats a quitté sa forme initiale pour épouser un idéal plus grand encore, celui d’une fra­ternité active des trois Peuples, donnant ainsi une noble et haute leçon de sagesse à une humanité inhumaine, où la haine remplace la concorde et l’anarchie la collabo­ration concertée. La Petite-Entente offre, au­jourd’hui, à ce monde à la dérive, désaxé de fond en comble, un exemple de sérénité intelligente — pins: une idée nouvelle! En rac­courci et d’une façon anticipée, elle montre ce que pourrait être l’Eu­rope pacifiée par la sagesse des dirigeants de demain, lesquels, me­surant la vanité de tout effort de narcissisme, mesurant toute l’ino­­pérance des tentatives autarchi­­ques, remplaceraient Mars le cour­roucé, ce dieu macabre et sangui­naire, par Concordia, douce déesse de la paix et de l’amitié, et pra­tiqueraient — enfin — la coopéra­tion à laquelle les progrès scienti­fiques du siècle actuel les con­damne— Ainsi, l’alliance politique et mi­litaire du début, s’est-elle progres­sivement transformée en une col­laboration plurilatérale, faisant de trois pays une grande puissance. Tout en sauvegardant leurs vies spécifiques respectives, la Rouma­nie, la Yougoslavie et la Tchécos­lovaquie se fondent aujourd’hui en un seul organisme, lequel se com­porte sur l’échiquier européen comme un seul Etat — Etat expri­mant la volonté de cinquante mil­lions d’habitants. Pour arriver à accuser les traits de ce Tout compact, agissant umi­­tairement, les trois pays du trian­gle de la Petite Entente ont dû — ces dernières années — procéder à une coordonnation de leurs acti­vités diverses et respectives sur tous les plans. Ainsi, l’harmonisation des inté­rêts économiques a-t-elle donné naisance à ce qu’on appelé la Pe­tite-Entente Economique, qui tend à devenir un organisme sous-jacent chaque jour plus serré et plus ef­ficace; la synchronisation des in­térêts politiques a engendré la Pe­tite-Entente Politique et celle des intérêts sociaux la Petite-Entente Parlementaire. A tout cela est venu s’ajou­ter la Petite-Entente de la Presse, la Petite-Entente des Instituts d’E- mission, la Petite-Entente des Ins­tituteurs, etc. Nous ajoutons, enfin, la coopération dans les domaines: touristique, postal ainsi que dans celui des formalités douanières. Progressivement, les liens entre Bucarest, Belgrade et Prague, se serrent dans chaque secteur d’acti­vité humaine. Petit à petit, les trois pays amis et alliés se forgent une même pensée, une même ma­nière de réagir — un même idéal. „Ce que manque à notre époque, c’est un supplément d’âme!“ — constate, avec mélancolie, quelque part, Paul Valéry. La Petite-Entente est en train d’offrir, aujourd’hui, aux trois pays respectifs ce „supplément d'âme" supra-nationale. Le bon et doux Papa Briand — — ce poète politique — doit sou­rire certainement dans l’au delà. Le 29 septembre 1937 La conférence des experts na­vals fiançais, anglais et italiens est arrivée à conclure un accord de principe concernant la sécurité de la navigation en Méditerranée. • * * La conférence qui s’esf réunie en première séance lundi, au siège du Ministère de la Marine en vue de mettre au point la participation technique de l’Italie à raccord de Nyon, a, en quarante huit heures, terminé ses travaux et elle est ar­rivée à conclure la convention qui par la suite sera soumise à Tap­­probation des gouvernements res­pectifs. C’est dire combien les délégués ont été animés de bonne volonté et de Tintention de se mettre rapide­ment d’accord. Se posant sur le terrain neutre des préoccupations techniques et banissant dès le début, toute consi­dération de prestige ou de politi­que, ils ont vite fait d’arriver à une égalité de droits, de devoirs, d’obligations matérielles et de res­ponsabilités morales. La France et la Grande Bretagne obtiennent deux satisfactions: 1. L’une, d’avoir réussi à gagner Tadhésion de Tltalie à l’accord de N y en; 2. L’autre, d’avoir écarté T Alle­magne de la Méditerranée. L’Italie, ainsi qu’on peut se ren­dre compte par la carte que nous publions ci-joint, obtient elle aussi, plusieurs satisfactions: I. — La première, c’est d’avoir décidé la Grande Bretagne et la France à renoncer au système de patrouiller ensemble en Méditer­ranée et d’avoir fait remplacer le système établi à Nyon par une autre: celui de confier à chacune des trois puissances, la protection des voies de communication qui les intéresse spécialement. II. — A Nyon (voir la carte), on avait décidé que l’Italie n’ait à surveiller que la mer Tyrénienne et la mer Adriatique. Par T accord de Paris, elle ob­tient, en plus, le contrôle de la zone qui entoure la Sardaigne et de celle qui se trouve au sud de Malte, tout le long des côtes tripolitaines. En outre, les trois puissances collaboreront pour faire la police dans la Méditerranée Orientale jusqu’à Port Said, zone qui, dans le projet initial, était presqu’exclu­­sivement réservée aux navires bri­tanniques, sauf les eaux territoria­les du côté de Beyrouth, qui étaient réservées à la flotte française. III. — Les navires de guerre bri­tanniques patrouilleront également dans la mer Egée, ce qui est encore une satisfaction donnée à Tltalie, qui voulait être sûre que les ba­teaux soviétiques ne descendront pas en Méditerranée. * * * Par T accord de Paris, on fait donc le premier pas vers une ac­tion efficace en vue d’un règlement général dans la situation interna­tionale créée par la guerre civile espagnole. C’est un grand pas, évidemment! Mais la paix méditerranéenne et la Paix tout court ne sont pas encore définitivement garanties. Une ex­plication franche entre les trois pays doit suivre. Et les proposi­tions franco-britanniques, espérons­­le, la faciliteront. Il faut absolu­ment mettre fin à des dissenti­ments nés, le plus souvent — comme Ta dit M Mussolini — de l’incom­préhension. Vienne, septembre 1937 Comme H fallait s'y attendre, la visite de Mussolini a donné lieu, en ce qui concerne l'Autriche aussi, à une série de complications plus ou moins sensationnelles dans lesquelles l'Autriche semble plutôt une mar­chandise, un objet d'échange des négociations Rome-Berlin: Mussolini abandonne l'Autriche, Schuschnigg se retire pour faire place à un cabi­net de nationaux-socialistes et alors l'accord austro-allemand est „véri­tablement réalisé" (on pense sans doute à un accord secret) et l'on raconte encore bien davantage. Du côté autrichien, on n'a adopté aucune attitude devant ces bruits divers qui furent particulièrement répandus dans la presse anglaise; on pense en effet qu'il s'agît là de nouvelles sensationnelles qui dispa­raîtront comme elles sont venues. Même s'il en est ainsi, H est né­cessaire d'examiner l'état actuel, de rechercher si des changements essen­tiels IBS sa sont pas produits dans la situation laissée autrefois par Doll­­fuss. Les milieux qui prétendent qu'il existe un atiédissement, sinon une froideur complète des relations au-A la veille de la visite ds M. Mussolini en Allemagne, certains cercles viennois ont été allarmés des conséquences que cette ren­contre avec le Führer pourrait avoir pour le sort de leur pays. Notre correspondant de Vien­ne s’emploie à dissiper les faux bruits, et nous fait une analyse exacte des rapports italo-autri­­chiens. stro-îtaiîennes, s'appuient sur cer­taines apparences, sur le manque d'harmonie des entretiens lors du dernier voyage du chancelier Schus­chnigg en Italie, sur divers ajourne­ments de compétitions sportives et enfin sur la volonté manifestée par l'Italie de procéder à un remanie­ment de ses rapports commerciaux avec l'Autriche, car l'Italie est obli­gée, depuis la guerre d'Ethiopie de procéder à une concentration en­core plus grande de son trafic de commerce et de paiements. L'Italie s’efforce d'équilibrer les importations et les exportations vis­­à-vis de l'Autriche. En dehors des suites de la campagne d'Abyssinie,’ les liens nouvellement noués avec la Yougoslavie auront des répercus­sions économiques, de sorte que l'I­talie est amenée à procéder a une révision de ses relations commercia­les avec l'Autriche et aussi avec la Hongrie, afin d'avoir les mains plus libres. . JkWf' A ce propos, il faut également signaler le fait que l'Italie s'est dé­­barassée, ces derniers teffiyps, d'une grande partie des actions* et au­tres valeurs autrichiennes se trou­vant en sa possession afin d'éviter une poussée trop rapide du solde de clearing. Ces facteurs et quelques autres sont exploités par les milieux qui ne seraient pas fâchés de voir les rela­tions austro-italiennes prendre une mauvaise tournure ou qui ne les e­­xaminent qu'avec une grande mé­fiance; ils croient que l'intimité du temps de Dollfuss entre Rome et Vienne appartient déjà au passé et que les relations d'abord amicales entre Schuschnigg et Mussolini se sont de plus en plus refroidies. Cette affirmation répandue de­puis des mois dans la presse étran­gère à propos du voyage de Musso­lini en Allemagne a pris diverses for­mes et revient au fondl à dire que le temps de l'assimilation de l'Autriche dans le sens national-socialiste est (Suite page 6) Lettre de Vienne L’AUTRICHE ET LA VISITE IU DUCE A BERLIN La visite de M. Mussolini en Allemagne n’aura penr l’Autriche anenne snite fâcheuse De notre correspondant particulier) L’Itailie est favorable aujourd’hui à tout ce qui peut consolider la paix en Europe. La bonne volonté que Tamiral Pmi et les autres officiers de la délégation italienne ont mise pour faire aboutir la conférence de Pa­ris, — en est une preuve. L’article de M. Virginio Gayda, paru aujourd’hui dans le „Giornale d’Italia“, où il est dit que le fas­cisme, comme parti politique, n’a pas de programme d’expansion, et Tltalie, comme Etat, n’a pas de programme agressif, et 6ù il est encore dit qu’une conciliation est toujours possible entre TEurope fasciste et TEurope démocrate et libérale, — en est une autre. Verra-t-on enfin revivre cette précieuse solidarité internationale qui est la seule, la plus sûre ga­rantie pour la défense de la paix et de la civilisation? Nous croyons voir, oui! pour la première fois, dans le ciel pauvre et presque sans étoiles d’aujour­d’hui, un vrai coin bleu. INTERIM APRES LES DISCOURS DE BERLIN j j XA schéma dej» grandes ,t'ôtes fnarltimes méditerranéennes surveillées par les flottes britannique et française ■, MM. Hitler et Mussolini ont tous les deux terminé leurs dis­cours par le mot : PAIX. (Les journaux) LE COMPOSITEUR (prêtant l’oreille au patéphone qui se trouve à sa gauche). — R me semble que cette voix de basse sonne faux!... (TENPRBPT 1 OCTOBRE tQST K1V PAGK 3 : A la veille des élections généra­les EN PAGE 6: Bangkok 4 4« reportage illustré par le Dr. Steinmetz „Les diables de la mer", qu’on a donné récemment au Fémina, con­tient une idée cinématographique ingénieuse. U s’agit d’un homme furieux contre un autre homme parce qu’il lui ressemble — mora­lement bien-entendu. Il faut ajouter que la ressemblance ne porte pas sur des défauts, mais sur des traits de caractère qui sont plutôt des qualités, et dont les deux hommes sont rudement fiers. Mais, voilàî le premier a une fille; et cette fille aime Çautre et voudrait l’épouser. Et le premier sait que les qualités dont nops parlions sont très incom­modes daiip la vie et contiennent tout cec/qli’il faut pour faire un raté. Dé là sa fureur. U veut bien être une espèce de raté, et s’en vante; mais il ne veut pas que sa fille ait un mari comme la mère de cette dernière. Il est fort disposé à juger avec complaisance, voire même avec admiration, le genre d’homme qu’il est lui-même; mais lorsqu'il s’agit du bonheur de sa fille, sa bienveillance se mue en auto-critique sévère et en nette désaprobation. C’est un processus psychique fort intéressant, et que l’excellent acteur Victor Mac La­­glân réalise à l’écran d’une façon impressionnante. Les régisseurs ont, d’ailleurs, eux­­aussi leur part de mérite. Car ils ont su rendre cinématographique­ment ce combat intérieur entre deux opinions du même homme sur le même homme qu’est cet homme lui­­même, par des combats extérieurs, combats vrais, avec force coups de poings, d’autant plus saisissants qu’ils ont lieu entre un homme pres­que vieux et un tout jeune-homme, et qui sont, par dessus le marché, adjudant et simple marin sur le même vaisseau—sans parler de l’au­tre rapport hiérarchique: celui de futur beau-père à gendre éventuel. Et cela, entre parenthèses, nous ap­prend un détail curieux au sujet de l’armée américaine, armée très dis­ciplinée, mais où la discipline n’em­piète nullement sur ce qu’en jargon de sciences politiques on appelle„les droits de l’homme“. En effet, lors­que les deux marins,le sous-officiers et le matelot, se battent pendant le service, ils sont punis: le premier est cassé de son grade et l’autre mis aux arrêts. Mais cela parce qu’ils s’étaient battus pendant le service. Toutes leurs querelles ora­les et manuelles qui avaient eu lieu en dehors du service restent des af­faires strictement privées ou l’Army and Navy n’a pas à fourrer son nez, et que les deux combattants se fe­raient un déshonneur de rapporter aux autorités. C’est parce que, voyez-vous, dans les pays civilisés, la discipline est inhérente à l’idée même de profession. Elle n'est pas moins forte à la banque ou à l’usine qu’à la caserne. D’autre part, la question de sujétion, de rapport de chef à subalterne, qui est une ques­tion de service, n’est valable, logi­quement, que pendant le service. En dehors de celui-ci, les hommes sont ce qu’ils doivent logiquement être: c’est à dire des citoyens, des ci­toyens libres. J’ai rappelé tout ceci car c’est une vieille idée que j’ai souvent dé­veloppée dans les chroniques, que tout bon film doit, du même coup, être un documentaire, un très ins­tructif tableau des moeurs. Et la plupart des films américains, parce que la plupart sont bons, consti­tuent presque tous, des fragments de fresque sociologique. Et voici, maintenant, un exemple français dans le même sens. Il s’agit de „Cargaison blanche“ qu’on donne actuellement au Scala. C’est un très bon film français : bien joué aussi, merveilleusement dé­coupé, intensément spirituel. U y a, là aussi, du documentaire et des enseignements de morale ethnique. Le chef d’une bande de trafiquants D. I. SUCHIANU (Suite page 2) ♦ ♦ ♦ * <► *«► * * * 4«

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