Le Moment, Juiliet 1938 (Année 6, no. 1005-1031)

1938-07-01 / no. 1005

BUCAREST 6"» ANNÉE-No. um BIIOAMST is. itm brbzoiahiu Rédaction, Administration Tél. 3.10.40. Direction » Téléphone 4.23.3,4 H IMPEIMEEIE et Ateliers de Photogravure -2Srs' „Le Momen,S<,> jffiix&UDW, 2, rue Arist. Demetriade. Tél. 5 Tl 9.91 DIRECTEUR I % ALFRED HEFTER laie postale payée directement, conformement à PapprobationNo. 247.592\l93ä des P* .W-8 Pag es 8Lei Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRE D'INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES Allons nous vers une inflation de Por? (De notre rédaction de Paris) Paris, juin 1938 le plus Parmi les moyens dont tous les pays se servent aujourd’hui pour combattre la de­pression économique, commun est l’inflation, c'est-à-dire la multiplication de la monnaie. Le procédé est simple et l’effet ne manque jamais, au moins immédiatement: la monnaie est le moyen d’achat par excellence; quand la monnaie abonde, tout le monde achète, les prix augmen­tent, l'industrie travaille, le com­merce prospère. Mais il y a deux espèces de mon­naie: l'or, qu’on tire des mines; et le papier qu’on imprime dans les usines graphiques. Et de même qu’il y a deux espèces de monnaie, il y a deux formes d’inflation : l’in­flation de l’or, et l'inflation de pa­pier. Une augmentation rapide de la production de l’or agit comme une inflation; elle n’est qu’une inflation métallique. Elle augmente la quan­tité de la monnaie d’or en circula­tion et donne une vive impulsion à l’industrie et au commerce. Il y a eu un exemple mémorable de cette inflation vers la moitié du XlX-ème siècle. J’ai enseigné cette année, à l'Université de Genève, l’histoire de la révolution de 1848 en Europe. Quel rapport y a-t-il entre les révolutions qui éclatèrent pn 1 RIS g 3 P,pr’,:n * W-­ne, à Milan, et la ruée vers les champs aurifères découverts pré­cisément en cette année en Califor­nie quelques semaines après que cet immense territoire eût été an­nexé aux Etats Unis? A cette é­­poque là, la Californie était bien loin de l’Europe. Et pourtant la découverte des mines d’or de Californie en 1848 fut un évènement décisif même pour l'Europe en révolution, parce qu’avec la découverte des mines d’or de Californie et celle des mi­nes d’Australie qui a suivi immé­diatement, a commencé la première grande inflation de l'or de l’his­toire. De 1848 à 1851, en trois ans, la production d’or dans le monde a quadruplé: elle est passée, en chiffres ronds, de 50 à 200 tonnes par an. De 1850 à 1870, en vingt ans, grâce à l’impulsion donnée par la Californie, le monde a produit autant d’or que dans les 250 ans qui se sont écoulés de 1600 à 1850. Cette énorme production a pro­voqué dans le monde une abon­dance'de moyens monétaires, dont on n'avait encore aucune idée; et cette abondance a sauvé l’Europe et l’Amérique de toutes les diffi­cultés politiques et économiques contre lesquelles elles avaient lut­té pendant la première moitié du XîX-ème siècle. La grande industrie, qui jus­qu’alors avait eu des débuts si dif­ficiles, a pris tout à coup un large essor; les chemins de fer se sont multipliés partout; les villes ont grandi rapidement; dans l'enri­chissement général les Etats ont trouvé les moyens de résoudre beaucoup de problèmes politiques qui semblaient insolubles. L’Italie a pu constituer son unité, l’Alle­magne fonder son empire, les E- tats-Unis résoudre la question de l’esclavage par une guerre civile de quatre ans, sans se ruiner. Le monde va-t-il bénéficier d'une nouvelle inflation de l’or, du mê­me genre, mais peut-être même encore plus considérable que celle qui le sauva il y a un siècle? On le dirait, si on en croit les statis­tiques de la production de l’or. De­puis huit ans, depuis le commence­ment de la grande depression, la production de l’or a beaucoup aug­menté. Et elle devrait être un re­mède naturel à la dépression, en faisant augmenter les prix et en stimulant l'activité économique à mesure que l’or produit se trans­forme en monnaie. Mais ici une é­­trange difficulté surgit: on dirait que notre époque, qui a abusé et abuse tellement de l’inflation du papier monnaie, a peur de l’infla­tion de l'or. Pour que l’inflation de l’or a­­gisse efficacement sur les prix, il faut que l’or puisse circuler libre­ment, comme il a circulé de 1848 à 1914. Aujourd'hui, on cherche à (Suite page 4) UlBOiiï AiJfcrrREG Le 29 juin, 1938 Nous écrivions hier ici même: „II parait que le gouvernement britannique se déclarera disposé et en état de garantir les place­ments de capitaux et les crédits commerciaux et industriels en Eu­rope Centrale et Orientale”. • * • Le problème est de beaucoup plus important qu‘on ne le pense. Le changement d'aspect et d'o­rientation de la politique commer­ciale britannique aura une très grande répercussion en Europe Centrale. Ces répercussions ne se­ront pas limitées au domaine du commerce ou de l’industrie seule­ment, mais elles détermineront un mouvement d'ordre financier, dont la portée sera• plus grande que toutes les initiatives qu'on a pri­ses depuis la guerre jusqu'à nos jours. Il s'agit d'étendre le principe de !assurante-crédit à toutes les ex­portations dirigées vers les cen­tres de l'Europe Centrale et O- rientale. Il suffit de dire que le montant de ces assurances pour l'année 1937-38 a été de 43 mil­liards de lei et qu'on envisage l'augmentation de ce montant jusqu'à 75 milliards de lei. Déjà pour cette année, on a accepté à l’escompte des traites d'assuran­ces jusqu'à 50 milliards de lei, ce qui représente le maximum auto­risé en ce moment. Le dernier numéro de „Finan­cial Times” s'occupant du rôle et de l'importance de l'assurance­­crédit pour Fexportation britan­nique, nous informe que la der­nière fourniture de freins Westing­house aux Chemins de Fer de l’E­tat Polonais, a été réalisée grâce à l'escompte de ces traites d'as­surance-crédit et que la plus im­portante partie des exportations de textiles a été facilitée par le même systhème. D’ailleurs, le crédit de 16.000.000 livres sterling, accordé à la Tur­quie, a été conclu dans le même cadre et nous pouvons supposer que toutes les initiatives qu'on prendra jusqu'à la fin de cette année en Europe Centrale seront organisées commercialement sur les mêmes bases. Le programme économique de la Grande Bretagne dàns les pays danubiens et balkaniques prend une physionomie très nette. Sa tendance est de faire place à l'in­dustrie et au commerce anglais dans l’espace danubien et dans l'Europe Orientale, dans ces zo­nes précisément où l'infiltration allemande s'est exercée avec plus d”insistance et de succès. Durant l'année 1937 on a même pu parler de l’hégémonie écono­mique allemande dans les pays danubiens, au détriment de l'An­gleterre, de la France, des Etats Unis et de tous les autres pays qui participaient, d'une manière ou d'autre, au développement éco­nomique de l’Est de l'Europe. Au delà du monde slave on ne sait qu’assez peu de choses au su­jet des Sokols. On sait simplement que c’est une société nationale de gymnastique et qu'outre les Sokols tchèques il y en a d’autres polo­nais, serbes ou bulgares. Certains pensent même que Sokol doit être quelque chose de vraiment ex­ceptionnel et qu’il doit se distin­guer, en quelque sorte d'une quel­conque société de gymnastique de Nordhausen ou d’un club sportif de Liverpool. Mais peu nombreux sont ceux qui peuvent préciser en quoi consiste vraiment la diffé­rence. Le développement des Sokols est très étroitement lié à l’évolution politique du peuple tchécoslova­que. Sa fondation date du réveil de la conscience nationale, lorsqu’­­après la disparition de l'absolutis­me dans la vieille Autriche, les peuples oppressés se préparaient lentement mais sûrement à briser leurs chaînes. L’année de la fondation est 1861. Les premiers chefs du mouvement des Sokols furent Miroslav Tyrs, qui mourut plus tard dans un ac-Le résultat en a été que l'ex­portation vers la Hongrie, la Rou­manie. la Grèce, a diminué ces dernières 5 années en des propor­tions inquiétantes, surtout pour la Grande Bretagne, la France et les Etats Unis. Ces pays ont vu diminuer leurs exportations de 27 à 16% en Roumanie et de 38 à 28% en Grèce. Les importations, par rapport à ces mêmes pays, ont diminué dans presque la mê­me proportion. La Grande Bretagne est décidée à activer son commerce avec la Roumanie, la Yougoslavie, la Bul­garie, la Grèce et la Turquie. Pour le moins dans la même mesure qu'elle Va fait avec la Tchécoslo­vaquie. Il suffit de dire qu’en 1937 la Grande Bretagne a ven­du en Tchécoslovaquie pour 2,5 millions de livres et en a acheté pour 8,5 millions de livres ster­ling. Quelques jours seule­ment nous séparent d'un des plus grands specta­cles que la jeune Répu­blique Tchécoslovaque ait jamais organisés et qui dans les circonstan­ces particulièrement o­­rageuses d'aujourd'hui devient un symbole de calme intérieur et de force. tée dans le pays. En 1871, on fonda une revue dénommée „Sokol”. A la première fête des Sokols, en 1881, 76 sociétés ont déjà participé. De­puis lors l'augmentation a été fou­droyante. En 1887, il y en avait 19.000, en 1913: 128.000, en 1920 556.000 et en 1930 663.000 mem­bres sokols. En même temps le nombre des sociétés s’élevait de 171 à 3.144. Les congrès panslaves des So­kols à Prague devinrent de mani­festations bruyantes pour l’unité des slaves et contre la politique é­­trangère de l’Autriche—Hongrie. Pendant la guerre, l'influence des Sokols devenus formellement sym­bole national, a été exceptionnelle. Sur le modèle des organisations des Sokols et dans leur esprit on créa la légion étrangère dont l’e­xistence a eu une influence ex­ceptionnelle sur la reconnaissance par l’Entente des droits des Tché­coslovaques comme état indépen­dant. Quand en 1918, on mit fin à 300 années de servitude, ce fut en grande mesure au Sokols et aux HANS JAEGER (Suite page 6) (De notre correspondant particulier) Prague, juin 1938 ^ cident sur les Alpes et qui a donné son nom à la Maison Centrale de Prague des Communautés tchè­ques des Sokols. Plus tard les chefs en furent les frères Edouard et Jules Gregr et Henri Fuegner. Ce sont les anciennes légendes slaves qui ont fourni l’explication et la signification du mouvement­­des Sokols. La fondation du „So­kol” de Prague fut rapidement imi-Aujourd'hui la Grande Bretag­ne a un très grand programme, qui n’est pas seulement celui des financiers et des commerçants, mais aussi celui du chef de la plus grande puissance, en fait de trans­ports du monde. Elle est appelée à ravitailler l'Italie, laquelle aura besoin, rien que pour cette année, d'importer de céréales et des ma­tières premières pour environ 30 millions de livres. Où fera-t-on ces achats? En Hongrie, en Roumanie, en You­goslavie, et, en partie, en Russie. Un télégramme de Budapest an­nonce, dans cet ordre d'idées, l'achat par l’Italie de 2.800.000 quintaux de blé hongrois, dont la moitié sera payée en livres ster­ling. En outre, on envisage la créa­tion de plusieurs ports et bases navales en Méditerranée pour les avions, pour les bateaux et pour les sous-marins, de nouvelles gran­des voies ferrovières et d'autres importantes lignes de transport : investissements financiers, inves­tissements industriels, ce qui im­plique une très active politique commerciale. Un pareil programme, ne saura être réalisé en Europe Centrale et Orientale que sous un régime so­cial et politique, stable, unitaire, et exempt de toute influence ex­trémiste. de toute surprise révo­lutionnaire ou terroriste. S. M. le Roi Caret!. II ayant la vision des grandes transformations en cours de réalisation, rïa pas hésité de prendre les mesures dic­tées par les circonstances, en di­rigeant son pays vers ses desti­nées de paix, de prospérité, vers son affirmation intégrale dans le domaine national et international. ALFRED HEFTER (jitL- LE CONGRÈS L'UNION INTERNATIONALE DES VILLES l. ROUAN (Roumanie) J. WLODEK (Pologne), MONTAGU HARRIS (Grande Bretagne) VINCK (Belgique) DAVIDESCO (Roumanie) GUV MOFFETT (Etats Unis) r\ MAY CHESTER SAMUEL (Etats Unis) JEAN VERMEULEN (Roumanie) SIR HENRY BUNBURY (Grande Bretagne} PUGET (France) PROF. KYK1AZIDES (Grèce) Dr. O. LEIMGRLÎ.ER (Suisse} {VËNDÉEDFT JUILLET 1938 L ou pour toute autre villégiature, n’oubliez J r de vous abonner au "I JTOIQJ RNÄL ,Le Moment’ -mï vous met au courant des qui vous met au courant événements du monde entier. ABONDEMENTS POUR LA SAISON» 70 LEI PAR MOIS 33 Î3 Quo vous partie^ j TOUR LA POUR LA mH M M. JORA CONFOND M. Michel Jora s'occupe de la musique des films roumains, plug précisément: de celle qui accom­pagna les obsèques du professeur, Marinesco et de celle qui fut aj­­daptée au film documentaire „Cis­nadioara”. Cette musique ne plaît guère à M. Jora. Si, c'était vous, lecteur, ou moi qui n’aymns pas ai­mé cette musique, nous eussions été libres de le dire. Mais M. Jora n'a; pas ce droit. Il est musicien de mé­tier. Le prestige social de la com­pétence professionnelle donne du: poids aux affirmations. Un pro­fessionnel n'a pas le droit d’affir­mer; il doit prouver. A vrai dire, M. Jora veut prou­ver; mais il le fait mal. M. Jora; est un homme intelligent, il est mon ami et je l'aime beaucoup. Mais des pannes de raisonnement peuvent arriver à tout le monde. Rien ne m’indigne autant quq de voir raisonner de travers. Vo­yez-vous, lorsqu'on avale de tra­vers, on paye: on se suffoque, on tousse à se déchirer les poumons. Lorsqu'on fait un pas de travers, on paye aussi: on tombe et on sa casse la figure. Mais supposez qué ce soit vous qui ayez exécuté la mouvement incorrect, et que ce soit votre voisin qui tousse ou qui tombe. Serait-ce juste? C’est pour­tant bien ce qui arrive lorsqu’un spécialiste raisonne à faux sur un sujet de sa spécialité. C'est lui qui est fautif, et c'est néanmoins lé public qui est. trompé. L'office de la propagande ciné­matographique a fait un très, très beau documentaire sur la région de Cisnadioara. La musique qui acompagnait le déroulement des tableaux était un morceau de Sa­rasaié. Dès les premières mesu­res j’ai été frappé par la corres­pondance sentimentale entre les sons et les images. Ce fut une im­pression directe et irréfléchie. Plus tard, me rappelant l'origine espag­nole de l'air qu'on avait joué, j'ai cherché à m'expliquer le paradoxe. Car il est bien curieux qu’une mé­lodie espagnole ait pu si bien — mieux qu’une chanson roumaine — travailler dans la même direc­tion affective que ces paysages si purement roumains. Je me suis dit que l'ame musicale roumaine est très près de la mentalité musicale tzigane. Il ne faut pas oublier que le tzigane fut, depuis toujours, le véhicule de Tart musical en Rou­manie. L’accent tzigane — surtout sous une forme soignée, comme dans le morceau de Sarasate — est comme le résumé concentré de la sensibilité musicale roumaine tout entière. Si on avait choisi un air, toujour tzigane, mais tzigane-rou­main, cela aurait été moins syn­thétique, et moins évocateur. Voyez-vous, les choses du senti­ment doivent être jugées avec des arguments qui tiennent des... cho­ses du sentiment. Il est incorrect de les juger — comme fait M.\ Jora — avec des arguments pour ainsi dire juridiques. Car, lors­qu’il trouve absurde d'introduire du Sarasate dans Cisnadioara, il se fonde sur une incompatibilité entre la citoyenneté roumaine des habitants de Cisnadioara et la ci­toyenneté espagnole de feu Sara­sate. Ce qui, pour un musicien de métier est pour le moins bien cu­rieux. Cette confusion entre le politi­que et le musical est encore plus visible dans l'autre cas, dans la D. I. SüCIIIANU (Suite page 2)

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