Le Moment, Aout 1938 (Année 6, no. 1032-1057)

1938-08-01 / no. 1032

BUCAREST 6me ANNEE — No. |Q32 l'axe postale payée directement, conformement BUOAMfT ; 13. RUB BREZOIAISfU Redaction, Administration Tél. 3.10.40 Direction] Téléphone 4.23.34 ^ ■ IMPRIMERIE et Ateliers de Photogravure „Le Moment" 2, rne Arist. Demetriade. Tél. 5.19.911 HIRICCIKUR I ALFRED HEFTER Propriétaire: ■a m „Le Moment S. A. , s. Inscrit au registre de publications U du Trib. d’Ilfov sous le No. 243/1938 à l'approbation No. 247/1Ô35 des P» T* T*1 Paces 3 Lei Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D'INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES« APRÈS LA CONFÉRENCE DE COPENHAGUE LE BLOC D’OSLO Pendant près de dix ans, la „Po­litique d’Oslo” et l’„esprit d'Oslo” ont représenté les tendances qui vi­saient à libérer le commerce mon­dial de ses liens, et les efforts de reconstruction de l’économie mon. diale. La convention signée le 22 dé­cembre 1930 à Oslo, entre la Bel. gique, le Danemark, l’Islande, la Norvège, la Hollande et la Suède, auxquels la Finlande se joignit un peu plus tard, était redevable de cette identification de l’idée d’Oslo avec une conception libérale du commerce, au fait qu’au milieu d’une dépression générale, elle ten­tait de diriger la circulation des marchandises vers des voies nou­velles et meilleures, en donnant „un coup de fouet aux Alations com­merciales’’. L’objet principal de la conven­tion était de s’informer mutuelle, ment et à l’avance de toute mesure intéressant la politique commer­ciale. Ainsi devient-il possible d’em­pêcher ou d’atténuer, au moyen de négociations, l'élévation ou l’app­lication de nouveaux tarifs protec­teurs, avant leur mise en vigueur. L’accord d’Oslo sembla remporter un succès initial, du fait de la sig­nature de la Convention d’Ouchy, conclue à Genève le 18 juillet 1932. La Hollande, la Belgique et le Lu­xembourg s'engageaient à abaisser leurs tarifs douaniers de 50% davr un délai de quatre ans. Mais ces bonnes intentions échouèrent de. vaut l’opposition de la Grande Bre­tagne, qui, en se référant a un traité commercial anglo-hollandais de 1837, revendiqua la clause de la nation la plus favorisée. Cepen­dant, la convention d’Ouchy et son I --il giüi STS. ■--- ---1 . --- iB» 4 l> 4j Peu de temps après la j, <( dénonciation du Pacte j, <{ de Rome, un second |> <| pacte régional, celui des |> <1 pays d'Oslo a pris fin )’ 'I provisoirement. M. Ele­'I mer Hantos, le célèbre économiste hongrois es-J time qu'il n'est plus pos- J* I sible à un bloc de pe- ^ 4| tits Etats de pouvoir en­tretenir une coopéra- j, <1 tion économique à eux- |> <| seuls, mais qu'ils ont be- j|> <1 soin de la collaboration '< effective des grandes >’ '• puissances. r 1_ _ __________!> idée fondamentale, la diminution progressive des tarifs douaniers peuvent servir d’exemple classique pour tout rapprochement commer­cial ultérieur entre Etats indépen­dants. La convention d’Oslo rencontrera dès le début de grandes difficultés. La convention n’avait pas encore pu donner de résultats pratiques, qu'elle se trouva dissociée par la dévaluation de la Livre et des de­vises Scandinaves, d’autant plus que tous les pays signataires en­tretenaient des échanges commer­ciaux avec d’autres pays, comme l’Angleterre et l’Allemagne, bien plus importants qu’entre eux. Entre temps un changement ra. dical avait eu lieu dans les métho­des commerciales en usage dans le monde entier. A la place de tarifs préférienteis, au lieu de droits de douanes modérés et d’un libre échange relatif, la Grande- Bretagne elle-même s’était décidée à constituer avec l’Empire un bloc de plus en plus fermé. Ce que les Etats nordiques n’avaient pu ré­aliser à Oslo, en partie à cause de l’opposition des Etats les plus fa­vorisés, l’Empire britannique y Dr, ELEMÉR HANTOS Ancien Ministre Professeur à l’Université de Buda­pest (Suite page 6) NOTRE GRANDE ENQUÊTE EN CHINE LA CHIME EN UNIFORME (De notre envoyé spécial) Chungking (la nouvele capitale de la Chine) Juillet (par avion) De Hongkong Burmah, des cités du à Wouhan jusqu'aux dé­serts pierreux du Go- Ä w jusqu’aux steppes illimitées de la Mongolie Exté­rieure, ’le peuple chinois est en uniforme. Des soldats, des soldats, et encore des soldats, des soldats partout. Des millions de soldats. La couleur kaki va de la teinte crème foncé, couleur de poussière, jusqu'au vert pommé, en passant par toutes les gammes de jaune et de brun, le tout émaillé de „bleus de mécanicien". Les géné­raux et les officiers supérieurs portent de petits insignes à leurs cols, mais la plupart des jeunes officiers indiquent leur grade au moyen d’un bouton rond et res­semblant aux insignes politiques que portent les Américains, épin­glé sur leur uniforme. Ce bouton este souvent surmonté d'un autre inlsigne avec l'effigie du généra­lissime Tchiang Kaï Chek. La po­lice militaire arbore des insignes rectangulaires protégés de la pluie par une feuille de mica; les sim­ples soldats portent très souvent, sur leurs manches le numéro de l'unité à laquelle ils appartien­nent. Mais les soldats ne sont pas les seuls à porter l'uniforme. Les gens enclins à critiquer le régime se plaignent qu'il y ait en Chine six corps ayant le droit de vous arrê­ter: 1) la police ordinaire; 2) le Mintouan ou milice locale, qu’on rencontre le plus souvent dans les petites agglomérations et qui reçoit des ordres des magis­trats locaux; 3) le Pao An Tin ou corps char­gé de préserver l'ordre; 4) le Kouo Ming Tang ou police du parti dominant; 5) l’armée régulière et 6) dans quelques districts éloig­nés, le Pei Toung Ting, ou irré­guliers. Tous portent des uniformes de modèles différents. Les étudiants, les postiers, les boy-scouts, le corps sanitaire appartenant à la fameuse organisation boudhiste à Swasti­ka: „Confrérie de bonne volonté", tous portent des uniformes d'une espèce ou d'une autre. Les emplo­yés du gouvernement sont censés revêtir cette sorte de demi-uni­forme que les bolchéviks ont a­­dopté les premiers, veste à col montant et chemise apparente. • # • Bon nombre de femmes ont suivi l'exemple des hommes. Les robes et les pantalons flottants ont toujours été l'apanage des deux sexes dans cet antique pays. Que les filles portassent des cou­­lottes, il n'y avait là rien de nou­veau pour elles. Ce qui était nou­veau, c’était la renonciation à toute élégance de la jeunesse ri­che des deux sexes, à demi euro­péanisée, fondue dans la masse anonyme en uniforme, qui défend le pays. Dans ce berceau du pacifisme, où le soldat se trouvait ravalé au dessous du domestique et où il se différenciait à peine du criminel, les trompettes sonnent — non plus des mélodies chinoises geig­nardes, mais de brefs appels stri­dents et martiaux. Aussi incroya­ble que cela puisse être aux étran­gers „vieux durs à cuire de Chi­ne" qui marmonnent toujours sur „l’indigène qui ne change pas", Houang le Chinois s'est secoué pour affronter la lutte de sa vie, pour sa vie. La discipline est partout pré­sente, dans certains corps et dans certaines écoles d'instruction, dans certaines casernes, elle atteint une précision qui est presque prus­sienne. Les enfants des écoles, les enfants réfugiés, sont organisés militairement et, au commande­ment, ils se figent en un garde à vous irréeprochable. Des recrues servant depuis trois semaines sous l'étendard céleste („Soleil blanc EDGAR ANSEL MOWRER (Suite page 6) Depuis plusieurs jours déjà les télégrammes se taisent sur problème espagnol, isur la ques­le tion du retrait des volontaires, sur les efforts ten vue d’une pa­cification, sur la médiation et sur tout ce qui regarde le côté politique du conflit ibérien. On ne rend compte que des opérations militaires. Pourquoi? * * * On a remarqué avec justice que dans son dernier discours aux Communes, M. Neville Cham­berlain a moins parlé de l’Es­pagne que de la Tchécoslovaquie et a davantage insisté sur la solidarité franco-britannique que sur une réconciliation générale. Réaliste, le Premier Ministre anglais s'est rendu à la réalité. Il a prêté plus d'attention au problème tchécoslovaque, puis­qu'il a aperçu qu'une solution de ce problème n'est pas impossible et qu'il vaut mieux, pour le pres­tige de l'Empire, ere gist r er un succès dans un endroit de l’Eu­rope qui l'intéresse moins, qu'es­suyer continuellement des échecs à remédier un mal qui ne sera guéri qu'avec le temps. Le commerce britannique souf­frira un peu, mais le jour où reviendra à la Grande Bretagne le rôle de syndic, elle saura ré­cupérer ses pertes. M. Chamber­lain connaît l'histoire. Il sait que le commerce est mauvais con­seiller diplomatique. Quand, au temps de Wolsey, l'Angleterre sacrifia François I-er parce que les marchands anglais l'exigeaient elle détruisit la balance du pou­voir en Europe, au profit de Char­les Quint et elle eut ensuite beaucoup à s'en plaindre. Et M. Chamberlain a encore in­sisté sur l'alliance franco-britan­nique, car c'est toujours l’Histoi­re qui lui a enseigné que chaque fois terre que la France et l’Angle­ont été unies, elles ont été invincibles. Mais cela ne suffit pas pour nous expliquer pourquoi le pro­blème espagnol a été mis „à la suite". C'est que après deux ans de guerre civile, bien d'erreurs de calcul ont été remarquées et ,qu'on ne veut plus y persévérer. 1 ) On a envisagé la guerre d'Es­pagne a l'échelle de toutes les guerres, s’immaginant que le jour où l'une ou l’autre des deux par­ties en lutte sera victorieuse, la guerre prendra fin et l'Espagne rentrera dans la vie normale. Or, la guerre d’Espagne n'est pas une guerre entre deux Etats, mais une guerre civile entre deux partis, entre deux idéologies, en­tre deux systèmes. La conquête des territoires, finie — une nou­velle lutte intérieure commencera pour savoir quelle forme de gou­vernement, quel régime donner à la nouvelle Espagne. La paci­fication du pays sera donc diffé­rée de beaucoup par delà d'une victoire militaire. Pourquoi donc intervenir — à l'instar d'autres puissances —par les armes en faveur d'un ou de l'autre camp, quand cela ne ré­sout pas le fond du problème? 'Pourquoi essayer en vain de per­suader encore les Etats interven­tionnistes à se rétirer d’Espagne et de se faire débiter par ces Etats quand, en fin de compte, ils se retireront eux-mêmes de ce qui a constitué pour eux une mauvaise affaire? 2) La deuxième erreur de calcul dans laquelle on ne veut plus persévérer est celle-ci: on croyait qu'a la suite de cette guerre ci­­vile, l'Espagne ne pourra s'enga­ger que sur une des deux voies suivantes: le „nazisme" ou le bolchevisme. Aujourd'hui on se rend compte que l'Espagne vit les moments critiques qu'a vécus l'Angleterre au XVII-ème siècle et la France après 1800: une époque de tran­sition entre un ancien et un nou­veau régime, mais d’ici à attri­buer à l'Espagne l'intention ou la volonté de devenir nazie ou bolchevique c'est comettre une troisième erreur: cele de croire que ces formes d'Etat sont défi­nitives et bonnes pour n’importe quel coin du monde et n'importe quel climat. Délivrées de ces erreurs, les puissances occidentales laissent actuellement faire et passer, adop­tant T attitude bien britannique de l’„attendre et voir venir”. INTÉRIM Le 30 juillet 1938 ..â.. MA RDI: LA NOUVELLE MORALE INTERNATIONALE par le Major ATTLEE UN REQUIEM POUR LA REINE MARIE A LA CURTEA DE ARGES S. M. le Roi en uniforme d'amiral sort de l’église. A Sa droite le Grand Voïvode gauche le prince Nicolas et l’Archiduc Antoine de Habsbourg, Mihai et à sa LUNDI I AOUT 1938 M. BECK ministre des Affaires étrangers de Pologne qui est parti hier pour Oslo dans un grand intérêts diplomatique CHRONIQUE LITTÉRAIRE FOLKLORE TECLA Mr. Constantin Braïloï, proies* seur au conservatoire de Buca­rest et un de nos plus scrupu­leux, érudits et travailleurs col­lecteurs de folklore, publie une remarquable étude sur Ja façon dont uh éminent folkloriste et •inspecteur au Ministère des Beax­­,Arts enterifd faire son mé­tier de spécialiste en littérature et musique populaire. Le héros Appelle Mr. G. Breazul. Il a publié un livre de noëls et can­tiques populaires. A la différence de ceux qui dénaturent les tex­tes originaux sans le dire, Mr. Breazul modifie ces textes, le dit, carrément et même paraît s‘en vanter. De sorte qu'on ne peut l'accuser de malhonnêteté, mais tout au plus d'innonce scientifi­que et morale. Le3 petits arrangements de Mr. Breazul sont d’ailleurs d'un grand pitoresque. Lorsque, par exemple, deux n,oëls lui plaisent spécialement, il est pris du désir irrésistible de .les marier ensem­ble. Ainsi ,(242) il ,a mélangé deux textes recueillis par G. Dem. Teodoresco, probablement pour doubler leur beauté: les vers de 1 à 10 appartiennent au texte No. ,2, de 11 a 14 au texte No. 1, de 15 à 16 de nouveau au texte No. 2, puis de 17 à 20 au texte Nio.^ 1, etc., etc., sans parler des pe­tites inovations personnelles à l’intérieur du vers. Quelquefois les libertés que M. Breazul s’arroge (probablement en sa qualité d'inspecteur des Beax Arts) ne se bornent pas à la seule littérature, mais s’attaquent direc­tement à la langue roumaine. Par exemple, le mot „dar“ signifie en roumain deux choses: don, ca­deau (du lat. dere), et aussi mais, cependant (du lat. de veto). A un moment donné (28), où „dar“ signifie cadeau, M. Brea­zul trouve qu'il lui siérait beau­coup mieux de renoncer à cette signification et de prendre celle de „mais”. En ce but, il triture les vers afin que le substantif donne Timpressiom de conjonc­tion. Et il est amusant de regar­der comment notre transformis­te s'y prend. Dar est masculin au singulier. En roumain l'article masculin est le suffixe ul ou u. Si on le met, si on dit daru, on ne peut plus croire que dar est con­jonction. Alors M. Breazu re­court à un double truc. D'abord, il intercale un trait d'union. Il (écrit dar-u. Comme ça, Je petit .u parait une petite phantaisie .euphonique de 9 ‘auteur. Et pour .bien faire croire que c’est une habitude personnelle, M. Brea­­,zul accroche des u partout, même .aux verbes: Dar-u, dar-u, ce-çi aduc-u? Comme cela, on croira que tout u ajouté aux mots est une inno­cente manie de l'auteur. Cela me rappelle un autre per­sonage historique, le célèbre .Vladescou-Olt, satrape du district .d’Olt, homme à la fois très rusé et très inculte, qui estropiait tous les mots. C’est lui qui, em plein .parlement, a parlé de l’église or­todoxé autoféeale roumaine. Com­me il risquait de devenir un per­sonnage comique, il trouve une solution. Désormais il estropiera .tous les mots, sans distinction. .Comme cela, il pourra dire qu'il le fait exprès. Par exemple, il .disait toujours „Kalisbat“. Or, comme depuis quinze ans il al­lait tous les été à Karlsbad, on ne pouvait l'accuser d'ignorer la prononciation exacte. Donc il D. I. SUCIIIANU i_. (Suite page 2)

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