Le Moment, Janvier 1939 (Année 7, no. 1161-1183)
1939-01-01 / no. 1161
BUCAREST 7me ANNÉE No. 1161 BUCAREST >5, RUE BREZOIANO ■ Rédaction, Administration Té!. 3.Î0.4© Direction s Téléphone 4.25.34 imprimerie et Ateliers de Photogravure ..Le Moment" 2, rue Arist. Demetriade. TéU 5.19.91 m DIRECTEURS ALFRED HEFTER Propriétaire: Le Moment S. A. Inscrit au registre de publication* du Trib. d'Ilfov, sous le No. 24Î/I938 ¥*«8 pe»*sAi eopnW#* en isap»^«« 8 PAGES 3 LEI â. t ©jrdire K©« 24/.502.J liââ »le la Dsaecftiosa ......— ■ ■. —. ■ 11 . i ■ ■ Gérais **o Ao Xo Au seuil de l’année . 1939 * O“ ne trouve pas un \ TA homme qui veuille re-ÄJ'Äl vivre sa vie — éerivait Concourt dans son * Journal. Il nous a été difficile de faire jusqu'ici une statistique pour contrôler à quel point cette affirmation est exacte et conforme à la réalité, mais nous croyons ne pas nous tromper si, en nous référant à la situation internationale de l'année dont nous vivons aujourd'hui le dernier jour, nous proclamions avec conviction qu'il n'y a pas un homme qui veuille revivre 1938. Pourtant, ce n'est pas pour inciter nos lecteurs à un noir pessimisme que nous tenons aujourd'hui à leur rappeler — comme s'il était possible de les oublier — les faits saillants qui ont marqué de taches de rousseur es 364 feuilles du calendrier, que nous n'avons cessé de tourner depuis le dernier nouvel an. En marge des événements qui se sont déroulés nous voudrions inscrire ces stances de Jean Moréas: „Ne dites pas: la vie est un joyeux festin. Surtout ne dites point: elle est malheur sans fin“... Oui ! il est vrai : le discours que ]ç. r* OâI ''S'*1- - J'*’’ le 20 février au F/éichstag était annonciateur de journées grises, pour les Autrichiens qui chérissaient l'indépendance et pour les Tchèques qui tenaient .à leur intégrité territoriale. Mais il y eut aussi le 21 mai qui a prouvé à l'Europe que même les chevaliers sans peur peuvent éprouver... de3 craintes. Il y eut les démissions de MM. Eden et Duff Cooper qui laissaient supposer un relâchement des liens franco-britanniques et une nouvelle orientaticn.de la politique internationale du Royaume Uni. Mais il y eut aussi la visite des Souverains britanniques à Paris, les déclarations si francophiles de M. Chamberlain, le voyage de ce dernier en France et voilà que dix mois après la retraite de M. Eden, on parle déjà de sa rentrée dans l'arène gouvernementale. Evidemment, il y a de ces événements internationaux qui ne sont pas compensés par d'autres encourageants. L'annexion de l'Autriche et l'amputation de la Tchécoslovaquie restent définitivement inscrites au passif. Et encore: en toute objectivité, ce serait le cas de se demander si ce ne fut pas là, tributs payés pour gagner à la Paix encore un an de règne, durant lequel — (voyez le massif armement dont s'est doté entre temps la Grande Bretagne) — elle l'a peutêtre consolidé, ce règne. En général, les incidents se sont soldés par des ententes: qu'on pense au grave incident polono-lithuanien du 15 mars et qu'cn le, compare aux relations qui existent aujourd'hui entre la Pologne et la 'Lithuanie, que l'on pense aussi à la tension des rapports anglo-italiens, ayant suivi de près la signature de l'accord du 16®,vril et qu'on la compare au changement intervenu après Munich dans l'attitude de Rome envers Londres et viceversa; qu'on pense encore à l'ultimatum adressé fin septembre par Moscou à Varsovie et qu'on envisage leurs rapports actuels; qu'on pense enfin, au pacte de Salonique, à la déclaration franco-allemande, à la motion votée à Lima par les 21 républiques des deux Amériques et on s'apercevra que Pasteur avait raison, lorsque dans son discours ■de jubilé, il conseillait à la France «tt à l'humanité de ne pas se laisser décourager par les tristesses de •Jertaines heures qui passent sur âne nation, ou une autre et de ne pas désespérer d'un avenir paisible et prospère. Ah! certes, le rideau tombe sur 1938 et la guerre d'Espagne n'est pas encore finie. Au contraire, elle a repris de plus belle. 1939 hérite également de la guerre sanglante dont le monde jaune devrait rougir. Et nous célébrons cette fête de famille qui s'appelle Réveillon, en pleine querelle entre deux soeurs latines. Mais — comme le faisait déjà remarquer Goethe — le présent ne mérite pas qu'on s'en inquiète. C'est au passé qu'il faut penser, c'est pour l'avenir qu'on doit travailler: au passé pour en tirer les enseignements; pour l'avenir, afin de chercher à lui donner plus de valeur et à le rendre plus serein. Aussi, au seuil de la nouvelle année, c'est vers cet avenir que nos regards se dirigent, confiants et optimistes, scrutateurs et courageux. Le 30 décembre 1938 " JZ aimée T'**«" restera' auns i'aistoire du peuple roumain comme un document de la haute conscience nationaliste de ceux qui dirigent le pays, guidés par le souci permanent de garantir son indépendance, son unité, son libre arbitre. » $ En effet, quel fut le mobile principal ayant déterminé la suppression de la Garde de fer et la liquidation du système que ce mouvement avait inauguré? Rien d'autre que le sentiment que dans cet organisme se manifestait le virus morbide incubé dans les jeunes consciences roumaines, par l'infiltration lente, mais massive, de la propagande étrangère. Le jour où on a pu établir que des forces occultes puisaient leur raison d'être et leurs moyens de lutte, non seulement dans une idéologie étrangère au pays, mais aussi dans les fonds de propagande de notre Etat, ce jour-là l'ancienne Garde de fer fut stygmatisée par les dirigeants responsables de l'a/enir du pays, décidés à en finn avec uns agitation d'une exceptionnelle gravité au point de vue national, politique et social. On a pu établir en 1938 que Torganisation de l'ancienne Garde n'était que le mouvement réflexe de l'appareil dirigé avec un art savant, au dehors de nos frontières, d'où venaient (outre les slogans tout fabriqués) les moyens matériels pour l'exécution du programme. On s'acharnait avec optimisme et opiniâtreté à fanatiser uns jeunesse sans expérience, inclinée vers le romantisme social, en lui offrant, sous l'enveloppe dorée d'un nationalisme mystique, des formules préparées dans les communistes, pouvant laboratoires servir à la fois aux âmes en quête d'une révolution sociale, ainsi qu'aux autres en mal d'un idéal pur chrétien et d'une morale supérieure. On attirait avec habileté et tes ouvriers à peine rémunérés par les noyaux communistes, et les paysans désorientés par la démagogie partidiste, pour offrir aux uns la possession des usines, aux autres, un nouveau partage des terres, et à tous, les rênes d'un Etat mises à leur disposition par une révolution populaire. Derrière cet idéal social, qu'on propageait sous le signe de la justice et de la croix, les dirigeants LA SITUATION EN MEDITERRANEE voe par le parti travailliste anglais Londres, décembre 1938 De nombreuses personnes croient que la voie de la paix est ce qu’on désigne par euphémisme la politique d’apaisement. En pratique, cela veut dire qu’en cédant aux exigences des dictateurs quelque chose qui appartient à quelqu’un d’autre, on obtient un répit de courte durée. Toute revendication est appuyée par !a menace du recours à la violence. Elle est généralement présentée comme la seule condition nécessaire au rétablissement de la paix, satisfaction étant donnée à ce qu’on représente comme étant les justes demandes de l’un ou l’autre des Etats totalitaires. C'est en vertu de ce procède que la Rhénanie a été réoccupée, que l’„Anschluss” a été réalisé avec l’Autriche, et que l’Etat tchécoslovaque a été amputé. Une méthode analogue a été employée par M. Mussolini. Après l’Abyssinie, l’Espagne; après l’Espagne, la Tunisie, Nice et la Corse. Chaque pas en avant est précédé par une forme quelconque d’accord, de traité ou de réglement, avec l’une ou l’autre des puissances de l’Entente. H est, par conséquent, tout à fait conforme à ces précédents que la presse italienne se livre à une campagne bruyante, proclamant les revendications de l’Italie sur plusieurs1 territoires r -al aussitôt après la signature du traité anglo-italien. Les deux extrémités de l’Axe agissent réciproquement. Nous devons nous attendre à ce que les revendications italiennes à l’égard de la France une fois satisfaites, la Grande Bretagne se voie réclamer des territoires coloniaux. Il faut bien reconnaître que les entailles se rapprochent de plus en plus de l'os. Il est possible que les gouver-Le Major C. R. ATTLEE, leader de l'opposition à la Chambre des Communes, nous envoie cet article sur les revendications italiennes et le statut méditerranéen. A la veille du voyage de M. Chamberlain à Rome, nous publions, à titre documentaire, les opinions de M. Attlee comme représentant le point de vue autorisé du parti travailliste anglais. — — S' T- 9 -T V UÏ,"ICJ,'IIV' nements des deux démocraties occidentales commencent maintenant à se rendre compte que le sacrifice aux Etats totalitaires de ce qui appartenait à d’autres pays non seulement ne les ont pas assouvis, mais n’ont fait qu’aiguiser leur appétit. Il y a sept ans, les revendications qui sont présentées aujourd’hui eussent paru inconcevables. Le processus d’expansion impérialiste n’avait pas encore repris. La Société des Nations était encore forte et ses principes étaient admis dans le monde entier. La loi de la jungle était en voie de regression. Même dans l’anarchie d’avant guerre, les revendications actuelles de l’Italie auraient été considérées comme quelque chose de tout à fait extraordinaire. A l’époque où l’impérialisme battait son plein, on se contentait généralement d’annexer les territoires de populations peu nombreuses, faibles et arriérées, et il arriva même qu’une des puissances de proie ait dû rendre une partie de son butin, par mesure de compensation. Ordinairement ces compensations consistaient uniquement en portions de territoire récemment annexé. On pensait aussi, d’une façon générale, qu’il était bon d’arguer des prétentions, soit d’affinité raciale, soit d’anciens liens historiques. A défaut, on ne manquait pas d’employer l’argument de la nécessité pour les grandes puissances de remplir leur mission civilisatrice. MAJOR C. R. ATTLEE Membre du Parlement Chef de l’opposition à la Chambre des Communes (Suite page 6) ► I* ► ► I ► ► ‘ .1- v ■ y-r T A Le Moment présents, à ses aÉortnés, correspondants, (scieurs et- amis (es meilleurs Doeux de nouoei an. ont pu identifier les tendances précises de quelques officines internationales, destinées à saper la résistance intérieure de l'Etat et à affaiblir le sentiment de la res ponsabilité solidaire d'un peuple, qui, devant une menace préparée dans ses menus détails à l'étranger, devait se présenter sans unité, sans courage, sans confiance, divisé par la haine sociale et démoralisé par la décomposition de l'autorité, à l'ombre du terrorisme. Dans ces conditions, en Roumanie comme en Espagne, comme en Extrême Orient et comme dans d'autres endroits du monde, l'ennemi du dehors aurait attendu avec satisfaction T heure d'intervenir, pour „pacifier un pays en proie à une guerre civile“ ou „les minorités d'autre race qui seraient menacées dans leur existence“ soit „l'idée de la civilisation qui serait compromise", etc., etc. ALFRED HEFTER (Suite page 6) LES CONSEILS D’UN MORIBON D 3938, —F Mort , petit, toi au moins tache de fc’ea aller ea habit et non ea guenilles, comme moi». DIMANCHE 1 JANVIER 19ÿ S. M. le Roi CAROL II a donné à l’occasion de la Nouvelle Année un Haut Ordre de jour à l’aimée, que nous publions page IIL THÉÂTRES NOUVEAUX OTHELLO au Théâtre de la Ligue Culturelle Je ne voudrais, en cette fin d’année, point trop m’attarder sur ce sentiment de grisaille qui laisse toute chose révolue ou bien sur le point de l’être, ni trop appuyer sur cette traditionnelle et trépidante gaieté qui, semblant par là défier ce déclin, se porte, tous feux et rires devant, à la rencontre de l’an nouveau. Mais plutôt — et comme, tel un clair présage, les premières neiges, encore toutes proches et riches de leur renouveau de blancheur semblent-elles me convier — me voici porté à espérer. Je laisserai donc en proie, au cortège fuyant de l’an qui expire, rancoeurs et reproches, et vous montrerai au firmament théâtral — comme deux promesses — deux nouvelles étoiles. presque jumelles. Puissent-elles porter dans l’âme de nos foules leur part de miracle, de , piété, et de .hpsté. , | Laine* la scène du l'autre, celle du thèa^^ÿ^’ilaire „Travail et Loisirs”, sous l’égide du ministère du Travail: Dernières parues dans la constellation de Melpomene et de Thalie, qu’elles soient bientôt les premières, c’est le souhait que nous leur faisons pour la nouvelle année. Et puisque s’adressant aux masses, souhaitons-leur un répertoire digne de leur apostolat où toutes , les vertus se trouvent à l’aise et loin de toute pédanterie. Je voudrais qu’au noble drame de Hugo de Hofmannsthal suive un autre aussi beau, aussi édifiant, aussi profondément émouvant que „Jedermann”. Quant au savoir faire, le nom de M. Victor Ion Popa nous suffit, seul. Et que se soit dans la féerie enfantine de la Reine Marie ou bien dans la comédie „Le chameau passe par le chas de l’aiguille” de Frantzisek Langer, jamais le style de cet excellent metteur en scène ne nous parut plus simple, plus direct. Mais, pour revenir au Théâtre Religieux, il semble même inconvenant de penser que chez nous il soit si tard venu, tandis que chez les autres il se place à l’origine de cet art. Mystères, Passions : Sans rebrousser chemin, sans archaïser, sans „bonbonifier“ d‘un goût d'encens douteux ou de légende —> comme on a, hélas ! trop de ten-. dance à le faire, à tort et à travers — ces propos qui doivent aller à l’âme du peuple, il faut, tout juste, rendre au langage qui se doit de prêcher la foi chrétienne» ce dépouillement de tout artifice, cette nudité, visage de la foi, seule parure des textes de l’Evangile. (Il semble surprenant qu’un Anton Pan n’ait pas songé à composer en vue d’un théâtre religieux). Et sans jouer les prophètes, je. vois ce théâtre, mieux, des théâtres ambulant les jours fériés à travers le pays, portant dans les villages, en toute simplicité, à l’instar de l’église et d’accord avec elle, et semant la bonne parole. .....pourquoi pas à Maglavit, ou ailleurs, notrè Oberamergau? Mais me voici pris à songer aux vastes éblouissements de la foi chrétienne miraculant les solitudes de l’âme.... i EUGÈNE ÇERNATESCO (S une page SJ