Le Moment, Fevrier 1939 (Année 7, no. 1184-1206)

1939-02-01 / no. 1184

BUCAREST 7-me ANNÉE No. 1184 BUCAREST 15, RUE BREZOIANU ■ Rédaction, Administration Tál. 3.10.40 Direction: Téléphone 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photogravure „Le Moment" 2, rue Arist. Demetrlade, Tél. £.19.91 DIRECTEUR: ALFRED HEFTER Propriétaire: Le Moment S. A. Inscrit au registre de publications du Trib. d’ilfov, sous le No. 243/1938 Taxa postale aqnftle an esptees conformant ent l'ordre Mo* 247.592)933 de la Direction Générale iV X« T Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D'INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES 8 PAGES 3 LEI A LA VEILLE DE LA CONFÉRENCE DE LA TABLE RO NDE Le réveil du nationalisme arabe et musulman I. L’Azltar, l’Urfversfté arabe du Caire, foyer de toute l’agitation islamique (De notre envoyé spécial) Le Caire, janvier 1939 D n’est pas douteux que le pro­blème palestinien a eu pour résul­tat immédiat de sonner le réveil non seulement du nationalisme dans les pays arabes et musulmans, mais aussi de rapprocher ces con­trées, de leur faire oublier les que­relles locales qui les divisaient, ainsi qu’il était de rigueur depuis des siècles en Orient, bref de donner le coup de fouet qui a fait surgir le panarabisme du sommeil où il était plongé depuis des siècles. Sous les voûtes millénaires de l’Azhar, au Oaiii e, dans les rues sa­les et nauséabondes de Bagdad qui ont pourtant connu la gloire de Ha­­roun el Rachid, à Damas et dans les souks de Beyrouth, on ne parle que des frères de Palestine persécutés par les Juifs et lies Anglais. Et on discute des moyens de leur venir en aide. La question pafestincenine a de­puis longtemps dépassé le cadre du Jourdain et de la Mer Morte pour gagner l’ensemble du Proche Orient dont les frontières s’étendent des Indes à la Libye italienne, en pas­sant par l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Transjordanie, l’Arabie Séoudite, le Yémen, et qui finissent aux portes du grand désert égyp­tien. C’est dans tous les pays limitro­phes de la Palestine qu’il faut aller étudier le problème, si l’on veut vraiment comprendre le sens des événements de Palestine. Mais une enquête sur place serait vouée à l’échec si elle n’était pré­cédée d’une connaissance de la si­tuation en Egypte, car depuis que la Turquie s’est européanisée, c’est la ville du Caire qui a succédé à Constantinople comme capitale du monde musulman. * * « J’ai eu l'occasion, cette année, d’assister au Caire à trois congrès panarabes. Tous les pays islami­ques, à l'exception de la Turquie, y étaient représentés. Devant des assemblées déliran­tes d’enthousiasme, des orateurs en tarbouche ou en turban ou bien encore coiffés du „hégab” palesti­nien ont prononcé des discours ausi nombreux que violents. Pour dire quoi ? Que la Palestine doit demeurer arabe ; que la déclaration Balfour est Illégale puisqu’elle avait été précé­dée d’une promesse formelle, faite ( au nom de l’Angleterre au Chérif Hussein de La Mecque, d’après la­quelle un Empire arabe et musul­man devait être créé après la Grande Guerre ; que l’immigration juive doit ces­ser immédiatement ; que la lutte continuera tant que les revendications légitimes des A- rabes n’auront pas reçu satisfac­tion. CHARLES ARCACHE (Suite page 6) IfD.CAcmdh&m pk&ndAe une jctécùtion/f M. DUFF COOPER, ancien Premier Lord de l'Amirauté britannique nous envoie ce article où il expose son point de vue sur l’imminence des élec­tions législatives anglaises ainsi que sur la néces­sité pour la Grande Bretagne d’un gouvernement d’union nationale. Londînes, janvier 1939 La Chambre des Communes s’est réunie et il semble certain que c’est la dernière session de l’actuel Par­lement Britannique. A moins qu’une catastrophe effroyable ne se pro­duise dans l’intervalle, les élections générales auront lieu au printemps ou à l’automne. Avant d’aller aux urnes, le Premier Ministre doit décider sur quele plate-forme il fera appel au pays. Se présente­ra-t-il comme le chef d’une Coali­tion représentant différents cou­rants de la pensée politique, ou comme le chef d’une solide troupe de partisans parfaitement d’accord et fermement unis sur tous les pro­blèmes politiques importants d’au­jourd’hui ? Il y aura, alors, huit ans que le gouvernement national aura été formé, afin d’affronter une situa­tion critique. Lorsqu’il s’est cons­titué, c’était un gouvernement de coalition pure. Un gouvernement qui comprenait Lord Hailsham, Lord Samuel et Lord Snowden, était un gouvernement d’hommes professant sincèrement des opini­ons politiques profondément dif­férentes, mais ayant la ferme vo­lonté de collaborer temporairement afin de résoudre une crise. Une coalition de ce genre se trou­ve placée finalement en face d’un dilemne. Il faut, ou bien qu’elle se brise, ou qu’elle s’installe à de­meure. Les divergences d’opinions qui divisent ses membres doivent ou bien disparaître, ou bien rendre impossible toute collaboration pro­longée. C’est la premiere alterna­tive qui a prévalu. Les trois hom­mes d’Etat que nous avons men­tionnés plus haut — le vrai tory, le vrai libéral et le vrai socialiste — ont tous démissionné. Il n’est pas douteux que ceux qui restent forment un excellent gou­vernement, d’autant meilleur qu’il n’a qu’une seule opinion. Personne ne croit véritablement que Sir John Simon soit plus libéral que Sir Samuel Hoare, et ce n’est pas tra­hir un secret que d’affirmer que l’harmonie du cabinet n’a jamais été troublée par les opinions so­cialistes de Mr. Malcolm MacDo­nald où du comte De La Warr. Le parti conservateur britanni­que a une faculté de digestion re­marquable. Ce n’est pas la pre­mière fois qu’il a absordé ses adver­saires et qu’il les a assimilés. Vers les années 80 du siècle dernier, les unionistes libéraux formaient une belle bouchée dont faisait même partie un radical aussi violent que Joseph Chamberlain. Ils n’en fu­rent pas moins avalés, et nul d’en­tre eux ne reparut jamais à la sur­face. Et celui qui était soupçonné de républicanisme devint le pilier de l’aile droite, l’apôtre de l’empire, le protagoniste de la réforme doua­nière, le plus conservateur que l’on ait vu. Un sort analogue est échu au parti libéral national et au parti travailliste national. Personne ne saurait dire, au­jourd’hui, qu’il est possible de décéler la moindre divergence entre les programmes électoraux des can­didats appartenant à ces trois bran­chés du gouvernement national, et la seule différence qu’on puisse re­lever, dans les lettres d’encourage­ment qu’ils reçoivent de leurs chefs respectifs est la signature qui se trouve à la fin. Le parti national travailliste qui était autrefois un véritable foyer pour ceux qui avaient perdu leurs causes, eot devenu maintenant une hôtellerie pour ceux qui ne sont pas en place, et dont on peut dire, du moins, qu’ils cherchent vrai­ment une situation. Mais y a-t-il un mal quelconque, demandera-t-on, à conserver des étiquettes mêmes quand elles ont perdu leur signification ? C’est cer­tain. Aujourd’hui que les institu­tions parlementaires sont discrédi­tées dans l'a plus grande partie du monde, il est de toute importance que, là où elles sont maintenues, el­les aient droit au respect et qu’elles soient respectées. A vouloir perpé­tuer un trompe l’oeil on risque de perdre toute considération. A. DUFF COOPER Ancien Premier Lord de l’Amirauté (Suite page 6) Le 30 janvier 1939 Le ministre Darre, grand spé­cialiste pour les questions agrai­res et de ravitaillement du Troi­sième Reich, a iait un lpng exposé sur la politique agraire du Sud- Est européen, par rapport à l’Al­lemagne, à la conférence de la commission économique du national socialiste allemand.parti « * * A analyser de près l’étude de M. Darre, on peut arriver à des conclusions concernant le pro­gramme économique de. l’Allemag­ne, par rapport aux pays du Sud- Est. 1) Le III-ème Reich veut con­stituer un bloc de l’ordre. (Ord­nungsblock). Sous cette dénomina­tion — assez élastique, — on es­père englober des pays qui ne veu­lent pas se rallier à un mouve­ment idéologique quelconque, com­me serait le pacte anti-komintern, ou à la politique raciale. 2) Le „bloc des pays de l’or­dre” devrait fournir à l’Alle­magne des bases solides pour des conventions commerciales et éco­nomiques de longue durée. Il pa­raît que le gouvernement allemand a besoin de savoir qu’il pourra compter sur les produits agrico­les et l’exportation en général des pays du Sud-Est européen, pour de nombreuses années à venir afin de dresser un tableau exact de ce qu’il doit demander pour combler ses nécessités, aux pays d.e l’Occident. 3) Il considère l’espace de l’Eu­rope Centrale comme un terri­toire, géographiquement et his­­toriquement, destiné à compléter l’économie de l’Allemagne, qui constitue „le coeur même de l’Eu­rope”. L’Angleterre et la France doivent se contenter de leur em­pire. La Russie doit se diriger vers l’Asie et le lll-ème Reich, vers le Sud-Est de l’Europe et, en outre, vers ses anciennes et nouvelles co­lonies. 4) M. Darre ne propose pas la création d’un système en Europe Centrale. Il autarcique ne veut pas couper les pays de cette par­tie du continent, d’une manière absolue, du reste du monde „Nous voulons — a-t-il dit — établir a­­vec tous les pays du monde, des échanges commerciaux. Mais il reste bien entendu que ces échan­ges de biens, qui constituent le Lire page 7: M. HITLER EXIGE LA RESTITUTION DES AN CIENWES COLONIES ALLEMANDES ET ATTA­QUE LE BOLCMÉVESME ET LES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES commerce international, ne doi­vent pas influencer les principes de la vie nationale et le système philosophique d’une nation, sans lequel d’ailleurs, celle-ci ne pour­rait pas vivre. Smon, nous revien­drons à l’ancien principe de la dé­pendance économique, qui porte­­rait atteinte à l’indépendance na­tionale”. On ne demande pas mieux, et on espère que ce que le Reich ré­clame pour lui-même, ne sera pas refusé aux autres. 5) Il est vrai, affirme M. Darre, que les pays du Sud-Est ne pour­ront pas suffire à ravitailler l’Al­lemagne. Pour nourrir le peuple, l’Allemagne a besoin d’importer de très grosses quantités de vivres d’autres parties du monde. Toute­fois, le Troisième Reich fera un grand effort afin de s’approprier le maximum de la production des pays du Sud-Est européen, en pro­posant dans ce but des conventions pour plus de dix ans. ALFRED HEFTER (Suite page 3) DANS LE MONDE EN ARMES Tous les Etats se déclarent pacifiques, mais la paix, chacun d’eux la conçoit d’une manière différente. „THE TIMES” — „Je suis, tu es, u est pacifiste !" MORALE: Etre oacifiste est un verbe irrégulier. M. ARMAND CALINESCO, Ministre de l’Intérieur, auquel S. M. le Roi vient de décerner l’ordre du „Mérite Culturel” au grade de chevalier II-ème classe „pour é­­cole”. par M. Victor lon Popa *) „Ghiceste-mi in cafea” (Lis-mol dans le marc de café) est le titre d’un „petit roman” qui précède dans le dernier ouvrage littéraire de M. Victor Ion Popa, neuf autres „plus petits” qui feront certaine­ment les délices des lecteurs qui les auront découverts. M. Victor Ion Popa est „metteur en scène”. Cela se révèle à profu­sion dans les dix tableaux qu’il a décrits avec verve et humour dans le volume qui fait l’objet de no­tre chronique d’aujourd’hui. Dix ta­bleaux de la vie réelle, quotidienne et autochtone. Carageale les aurait dénommés „Instants” („Momen­te”), Murger les aurait appelés „Scènes de la vie... bourgeoise”. M. Victor Ion Popa les a intitulés „purement et simplement” — com­me il dit — „petits romans”, peut­­être pour s’imposer une évasion hors de la vie de théâtre, si intime­ment et étroitement liée à sa pro­pre vie. Mais ils restent des ta­bleaux, des tableaux vivants et vé­ridiques de la vie sans histoire et pleine d’histoires de nos braves, bien que petits bourgeois moldaves ou valaques contemporains. M. Victor Ion Popa est, à son honneur et pour l’agréable diver­­tissement de ses4 lecteurs — carica­turiste aussi C’est dire que pour la description de ces instantanés que comprend l’album „Ghiceste-mi în cafea”, l’auteur a mis à riche contribution son oeil de caricatu­riste. Il a saisi sur le vif tout trait ayant de l’humour, le grossissant et lui donna.nt exactement autant de relief qu’il convient pour en garder la ressemblance et en même temps créer le comique. Enfin et, par surcroît, l’auteur de ,,Ghiceçte-mi în cafea” est drama­turge. Au propre. Et il ne saurait ni nous le celer ni nous le dissimu­ler. Ses héros se meuvent, ont des tics, jouent, s’agitent. Ils décrivent eux-mêmes l’ambiance oui les en­toure les vêtements qu’ils portent, leur état civil, leur vie intérieure. *) Ed. „Ideia” 277 pages, lei 60. (Suite page 2) i VICTOR ION POPA par lui même.

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