Le Moment, Mars 1939 (Année 7, no. 1207-1233)

1939-03-01 / no. 1207

BUCAREST 7-me ANNÉE Xr. 1207 B UCAREST 15, RUE BR EZOIANU ■ Rédaction, Administration TéL 3.10.40 Direction: Téléphone 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photogravure ..Le Moment” Inscrit au registre de publications du Trib. d’Ilfov, sous le No. 243/1938 Ta*« penial« aqutile eit enpleen «enferm&ittaial Fordre No« 247.592|939 d® la Direction Général* Po T« To Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D'INFORMATIONS POLITIQUES. ÉCONOMIQUES ET SOCIALES 8 PAGES 3 LE! 2, rue Arist Demetriade, TéL 1.19.91 DIRECTEUR: ALFRED HEFTER Propriétaire: Le Moment S. A* EN MARCHE VERS L’AVENIR Hier 27 février, à l’occasion de l’anniversaire d’un an de la pro­mulgation de la Nouvelle Constitu­tion, Sa Majesté le Roi après avoir assisté au défilé des membres du Conseil Supérieur National et des Gardes Nationales, a reçu dans la Salle du Trône, les membres du Conseil Supérieur National. A cette occasion M. Armand Ca­­linesco, vice-président du Conseil, MESSIEURS, En ce jour de grande fête, c'est à Mon peu­ple que J'adresse les premières paroles, et Je le remercie pour la ’ réponse impressionnante qu'il a donnée par le plébiscite d'il / a un an, à l'appel de régénération ialvatrioe de la patrie. Cette ré­­oonse a avivé Mes forces et M'a Fortifié moralement dans la no­­ole cause d'une assise meilleure et olus saine de l'organisation de la Roumanie. Mes remerciements vont ensuite à ces hommes, en tête avec S. B. le Patriarche, qui ont compris les aspi­rations de cette nouvelle assise et l'ont pas épargné un seul instant eur labeur dans l'oeuvre grandiose de la renaissance nationale. Le bilan de l'année qui s'est écou­­ée, tel que Nous l'a présenté au­jourd'hui dans son beau discours le vice-président du Conseil de minis­tres, met en évidence ce qui a pu être réalisé dans un si bref inter­valle, grâce à une nouvelle devise, grâce à l'impératif catégorique de salut de l'Etat. L'Etat, dans la nouvelle concep­tion, n'est pas une abstraite notion administrative, il est la synthèse même de la communauté nationale; il est la représentation autoritaire de tous les intérêts civiques. L'Etat c'est la nation organisée. Le bilan qui vient de m'être sou­mis est positif et ses fruits que l'on pressent à pome aujourd hui. aug­menteront à l'avenir. Les effets salutaires de l'acte du 10 février 1938 se révéleront au fur et à mesure des jours à venir. Si la Roumanie a pu réaliser un progrès évident, c'est parce que à la base du travail déposé se trou­vait la foi immuable que ce qui était fait était bien. Le nouveau régime, limité unique­ment aux intérêts supérieurs rou­mains et à ceux de l'intégrité natio­nale, a pu donner des résultats pros­pères, a pu travailler consciencieu­sement à la consolidation et au relè­vement de la Roumanie. Moi, qui de Ma place de respon­sabilité et de veille, ai suivi pas a pas ce labeur, Je Me rends compte mieux que quiconque des efforts qui furent faits. Mais c'est Moi aussi Qui trouve de mon devoir d'affirmer aujourd hui que ces efforts ne sont qu'un début, ne sont que l'assise d'un fondement solide sur lequel s'érigera l'édifice majestueux et inébranlable de la Roumanie de la Renaissance Natio­­nale. J'a pu constater avec un® indi­cible satisfaction que l'élan qui a animé Mon peuple lors du plébis­cite, s'est manifesté aussi un an plus tard, par les inscriptions dans le Front de la Renaissance Nationale. De la sorte, nous avons prouvé à nouveau que la sagesse dont au cours des siècles le peuple Roumain a toujours témoigné aux grandes heures de rédemption- est tout aussi vive aujourd'hui que pour le passé. C'est à cette sagesse collective, à cette compréhension des heures décisives que Je me suis fié jusqu'à ce jour ef üé* continuerai à toujours Me fier dans Mon travail, voué îm­­muablemenf au plus pur idéal de Mon âme : placer Ma patrie au rang qui lui revient dans le monde civi­lisé. Depuis que J'ai commencé à ser­vir le pays, une seule pensée m'a guidé comme un fil lumineux d'A- riadne : celle qu'une foi parfaite et un travail sans répit peuvent seuls conduire à la totale victoire. Dans cette foi, qui fut le guide de mes premiers pas dans la vie publique, J'ai accédé au trône de mes devan­ciers et c'est dans cette foi que J'ai travaillé et travaillerai toute Ma vie au poste de responsabilité où la grâce divine et la volonté nationale M'ont placé. En ce jour- où on fête la première page de la nouvelle vie roumaine, il y en a peut-être qui doutent de notre avenir florissant. (Suite page 6) a fait le bilan des réalisations de zette première année de renouveau national. SA MAJESTE LE ROI a répondu par le discours suivant: Ä • * • Le Conclave s’ouvre demain Bruxelles, février 1939 L’Europe de l’ancien régime comptait deux républiques monar­chiques: l’une se perdit à cause de son système électoral, c’était la ré­publique de Pologne avec ses diètes bruyantes et violentes où tous les nobles avaient le droit de se rendre pour élire le roi; l’autre se sauva par son système électoral, c’est le Saint Siège. Avec une patience séculaire l’E­glise romaine a travaillé à déga­ger de plus en plus l’élection du pape de tout élément de trouble et de pression, de tout danger de révolte (schisme), de toute polémi­que autour du vote. En effet, dans aucune assemblée, que je sache, le secret du vote n’est assuré aussi complètement que dans un con­clave. Les pièces justificatives de cha­que élection, et même de chaque phase d’une élection, sont détrui­tes par le feu: les chroniques de la vieille Rome papale reflètent tout l’intérêt des Romains pour la sfumata, la petite colonne de fu­mée que les badauds réunis sur la place de Saint Pierre voient mon­ter au dessus du toit qui abrite la soixantaine d’électeurs venus de tous les coins du monde, et sépa­rés d’une façon absolue de tous les autres humains tant que dure l’é­lection. Chaque cardinal reçoit un papier sur lequel est imprimé: EGO CARDINAL... ELIGO IN SUMMUM PONTIFICEM R. D. MEUM, D. CARDINALEM... Il n’a qu’à ajouter, après EGO CARDINAL, son nom et, à la fin, le nom de son candidat. Il scelle son bulletin à la cire, mais avec un cachet qui ne lui est pas habituel. II le dépose — si le conclave a lieu dans la Chapelle Sixtine, -— sur l’autel au dessous du Jugement de Mîchel-Aiige, où le terrible peintre a placé le gouffre destiné aux car­dinaux prévaricateurs. Un élément de trouble extérieur, dans les conclaves, était constitué par le droit d’exclusive ou de veto qu’avaient trois Puissances catho­liques, l’Autriche, l’Espagne, la France. Les trois derniers vetos qui se A la veille du Concla­ve qui élira le nouveau Pape, le Comte SFOR­­ZÁ, ancien ministre des Affaires Etrangères d'I­talie nous envoie cet article où il évoque une série de détails aussi inédits que pittores­ques, sur les précédents des assemblés pléniè­res des Cardinaux. sont vérifiés depuis 1800, c’est-à­­dire les trois dernières manifesta­tions d’une insolente immixtion po­litique dans ia vie de l’Eglise au moment suprême de I’éleetion d’un pape furent l’oeuvre de l’Autriche impériale, qu’on avait réussi à fai­re passer comme un Etat pénétré de christianisme, alors qu’en réa­lité la Hofburg ne connut qu’une religion froide et formaliste dont les Empereurs de Vienne firent toujours un strumentus regni. Ce fut au conclave de Venise en 1800 (on avait choisi Venise pour fuir la France et être sub potes­­tate arnica) que le cardinal autri­chien Herzan brandit le veto im­périal. Et ce fut au conclave de 1823, qui élut Léon XII, que l’Au­triche, encore une fois, empêcha par son veto l'élection du cardinal Severoli, qu’elle considérait comme trop „italien”, mais sur qui la gran­de majorité des cardinaux avait réuni ses suffrages. Le dernier veto, plus près de nous, fut des plus dramatiques. Au conclave qui, en 1903, devait donner un successeur à Léon XIII, le candidat favori était le cardinal Rampolla. Au moment où, à la sui­te de quelques scrutins, son élec­tion apparut à tous comme certai­ne, le cardinal-évêque de Cra­­covie, Puzyna, se leva. Ses collè­gues, atterrés, comprirent de quoi il s’agissait: — „Nomine et aucto­­ritate Suae Majestatis Apostolicae Francisci Josephi”, commença-t-il et, bredouillant rapidement, il an­nonça la formule du veto „contra Emineutissimum Dominum meum cardinalem Marianum Rampolla del Tindaro”. Atterré à son tour fut Puzyna lorsque, dans le silence de mort qui avait frappé le conclave, le cardi­nal sicilien se leva, pâle et digne, et détachant les mots déclara, lui aussi en latin: „Je regrette une atteinte si gra­ve à la liberté de l’Eglise et à la dignité du Sacré Collège; mais quant à moi, rien de plus honora­ble ne pouvait m’arriver”. Le successeur de Léon XIII, Pie X, était un humble et saint prêtre, incapable de concevoir l’opportu­nité d’égards politiques. Elu pape grâce à l’exclusive portée au con­clave contre Rampolla, une de ses premières bulles, la Commissum nobis, supprima tout droit de veto de la part de gouvernements sé­culiers et interdit à tout cardinal ou membre du conclave, sous peine d’excommunication, d’accepter d’un gouvernement quelconque la char­ge de présenter un veto dans tout conclave futur. Chateaubriand qui était Ambas­sadeur de France à Rome, loi :, du conclave qui, en 1828, donna un successeur à Léon XII, écrivit à son ministre des Affaires Etrangè­res à Paris: „Trois choses ne font plus les papes: les intrigues des femmes, les menées des ambassa­deurs, la puissance des Cours”. Mais, en catholique ardent qu’il était, il ajoutait: „Ce n’est pas non plus tli l’intérêt général de la so­ciété qu’ils sortent, mais de l’inté­rêt particulier des familles qui cherchent dans l’élection du chef de l’Eglise des places et de l’ar­gent”. Il est probable que, même en 1828, Chateaubriand exagérait la portée des propos et des vantardi­ses qu’il entendait dans les salons des Colonna ou des Orsini... Le dé­faut principal des Ambassadeurs était, alors comme aujourd’hui, l’excessive importance donnée aux propos des „gens du monde”; et Chateaubriand lui-même, dont l’es­prit désabusé voyait si clair, n’é­chappa pas toujours à ce travers. COMTE SFORZA Ancien Ministre des Af­faires Etrangères d’Italie (Suite page 4) DANS LA SALLE DU TRONE M. Armand Calinesco, vice-président du Conseil prononce son discours à l’occa­sion de l’aniversaire de la Constitution. A l’arrière plan les conseillers royaux et les membres du gouvernement. MERCREDI 1 MARS 1930 ' LE DUC DE ALBA représentant diplomatique à Lon­dres du gouvernement Franco, le­quel s’est fait l’interprète du désir du Cabinet anglais de voir restau­rer la monarchie en Espagne. Le prochain „Mag­­gio Musicale Flo­rentine” Florence, février 1939 Le Mai musical florentin est de­venu en peu d’années — le pre­mier ne date que de 1935 — un de» quelques grands événements artis­tiques annuels en Europe. Les plus grands compositeurs contemporains y présentent leurs oeuvres nouvel­les, les artistes et les ensembles mu­sicaux les plus illustres s’y font en­tendre, l’élite cultivée et mondaine' des . deux mondes s’y donne rendez­­vous; enfin, aux vrais amateurs, il offre la joie de voir recréées cer­­! taines oeuvres précieuses du passe I qui dans ce climat, et restaurées avec le plus grand art, retrouvent leur vie ancienne. Elles retrouvent leur vie; elles nous rendent pour un instant à cet ce vie qu’elles évoquent et que le paysage toscan, que chaque rue de Florence, que chaque palais, chaque tabernacle au coin des rues, gardent toujours en réserve. Il est facile de sentir ce que peut donner une représentation de la Strega du vieil Grazzini, dit „II Lasca”, qu’on nous promet pour cette année, sur la Piazza Peruzzi, l’un des lieux les plus charmants de la Florence du XVe siècle, et dont on a entre­pris déjà de banir tout ce qui en gâté la pureté ; ou encore, la repré­sentation de l’Aminta du Tasse, a­­vec la musique de Gluck, dans les -jardins- Boboli, parmi les-gerbes de fleurs du printemps florentin et avec l’arrière-plan de la coupole du Dôme et des collines. Plaisir intellectuel et musical où tous les sens sont intéressés, où toutes les harmonies sont attein­tes; plaisir tel que le rêvent les poètes, plaisir d’évasion totale, de création complète, plaisir de rêve précisément qui, pour quelques heures, transfigure le visage du monde. Tous ceux qui, avec l’inté­rêt pour les choses de l’art et de l’esprit, savent goûter une atmos­phère, un climat, un séjour dans le royaume enchanté des fées auront à Florence un plaisir qui est rare­ment réalisé d’une manière à la fois aussi délicate et aussi pleine. Tel qu’on 1^ prépare dès main­tenant à Florence tel qu’on l’a composé, le programme du Mag­­gio de cette année — qui aura lieu du 27 avril au 6 juin et bénéficie du patronage de la Princesse Ma­rie-José, dont on sait l’intérêt pour les arts — ne sera pas inférieur à ceux des années précédentes. Programme très riche, très bien partagé, en outre, entre la musi­que symphonique, la musique cho­rale, l’opéra, le ballet et la comé­die musicale, entre l’ancien et le nouveau, entre le gai et le grave, le gracieux et le puissant, préparé avec un sens de l’harmonie et de la qualité qui fait de sa seule lec­ture déjà un plaisir pour le con­naisseur. Il ne faut pas songer à en ren­dre compte dès maintenant. nous suffira d’en dégager les élé­Il ments principaux, nous réservant de présenter plus à loisir certaines oeuvres dont la nouveauté, ou la rareté, exigent un commentaire. Car, en effet, si le Maggio nous offre des représentations du Trovatore, de Guillaume Tell, a­­vec les artistes italiens les plus réputés, du Vaisseau Fantôme a­­vec des chanteurs de Bayreuth; s’il nous annonce l’exécution du Requiem de Verdi dans la magni­fique église franciscaine de Santa Croce, et celle de la Passion se­lon St. Mathieu par l’Orchestre Philharmonique de Berlin, nous sa­vons que nous ne serons pas déçus et que l'occasion nous sera donnée d’apprécier ces oeuvres, et de les juger à nouveau, dans une exécu­tion digne d’elles. Vittorio Gui. JACQUES MERCANTON (Suite page 2)

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