Le Moment, Avril 1939 (Année 7, no. 1234-1257)

1939-04-01 / no. 1234

ftPCAREST 7-roe ANNÉE No. 1284 BUCAREST 15, RUE BREZOIANU ■ Rédaction, Administration TéL 3.10.4® Direction: Téléphone 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photogravure „Le Moment" 9, rue Arist Demetrlade, TéL 1.19.91 Di RECTEUR: ALFRED HEFTER Propriétaire: Le Moment S. A, Inscrit an registre de publications dn Trib. d’Ilfov, sous le No. 243/1938 T«x« pestet« Bqn1ffge myt ««nfenalmmf •‘wàî'e K®» 247.SÔ2895Â «ä« I* &ir»eti«n GinéraisPs T« T# 8 PAGES 3 LEI 1*^1 •ri#" '* Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRE D'INFORMATIONS POLITIQUES. ÉCONOMIQUES ET SOCIALES Les obligations coloniales de l’Angleterre L’OPINION ANGLAISE PREND CONSCIENCE DE SES DESTINÉES COLONIALES ET AVISE AUX MOYENS DE DÉFENDRE SES DROITS -jw-wJ-u-rrT'rVrWT (De notre correspondant particulier) Londres, mars 1939 On ne saurait dire qu’il y ait encore en Angleterre des imita­teurs de ces hommes politiques à l’esprit é­­troit qu’on désignait au siècle der­nier sous le nom de „little englan­­ders”. Le peuple est de plus en plus conscient de son patrimoine colonial et réagit avec décision contre les atteintes qu’on veut por­ter contre ses droits. Certes il est bien des citoyens qui, pour la cau­se de la paix, voudraient s’enten­dre avec l’Allemagne au sujet de ses anciennes colonies. Mais le problème a considérablement chan­gé d’aspect, depuis que le Reich a dépassé ses premières revendica­tions, et qu’il prend position main­tenant pour une redistribution des colonies en proportion de la popu­lation des Etats intéressés. L’opinion se rend compte que ce n’est pas le désir de laver la honte de l’Allemagne, qui pousse le Reich à prononcer ses revendications ac­tuelles. Elle craint de plus en plus que les allemands ne se servent du prétexte des colonies pour s’im­planter dans les possessions des autres pays et peu à peu, en rai son même de leur nombre et du dynamisme de la race allemande, pour dominer le monde. Aussi, les réactions sont-elles nombreuses et spontanées. Dans la presse, nous avons souvent des analyses de la situation coloniale actuelle, et des échanges commer­ciaux des pays soi-disant privés de colonies. Des associations patrioti­ques attirent l’attention du public sur les implications du problème colonial. Des films sont en prépa­ration pour montrer à tous l’oeu­vre de colonisation britannique. Des sociétés spécialisées étudient au jour le jour la situation pour en informer leurs membres et aus­si le public intéressé à ces ques­tions. Parmi celles-ci, l’Empire In­dustries Association, présidée par Lord Lloyd et dirigée par Sir Henry Page-Croft, est des plus ac­tives. Une autre vient de se fonder à la Chambre des Communes, sous la présidence de Lord Lugard, le grand pro-consul africain, et sous la direction de M. Amery, ancien ministre des dominions et colonies: c’est la Colonial League qui s’est assurée un conseil imposant et des moyens d’action effectifs. Outre le bulletin périodique et les publica­tions de la ligue, une série de projets sont à l’étude pour attein­dre les masses et les réveiller à leurs destinées coloniales. En mê­me temps la ligue a établi des rap­ports étroits avec les organisations similaires à l’étranger; et l’autre jour, M. Amery a été l’hôte de l’Association Coloniale de Paris où il a exposé sa politique avec force. Ce n’est pas seulement la dé­fense générale des intérêts colo­niaux de l’Empire que se réserve la Colonial League, mais surtout la défense des droits britanniques contre la campagne des revendica­tion nazies. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, avec le formidable pro­gramme de réarmement britanni­que, l’Allemagne ne songe pas à attaquer l’Empire britannique pour reprendre par la force ses ancien­nes colonies. Aussi, le Fuehrer a l’air de se montrer plus coulant, et de chercher à persuader ses an­ciens adversaires de la sagesse des revendications allemandes. Mais l’opinion britannique a peut­­être quelque raison de ne pas trop se fier à cette tolérance. ►► h En effet, la conquête de la Tchécoslovaquie, la prise de Me­mel et la pression exercée par l’Allemagne sur ses voisins immé­diats de l’Est, ont fait voir à l’An­gleterre qu’en réalité le Fuehrer vise à l’hégémonie en Europe si­non dans le monde; et que ses mé­thodes sont totalement étrangères aux promesses solennelles qu’il a pu faire jusqu’ici. THOMAS GREENWOOD (Suite page 6) Dans la collection du ,Moment" nous avons trouvé à la date du 21 Janvier 1936, à cette rubrique mê­me, les lignes suivantes, signées par notre directeur: „La France attend le moment Daladier. Un gouvernement Daladier représente­rait pour elle plus qu’un gouver­nement de courage et d’initiative: un gouvernement qui réaliserait le bloc unitaire et invincible de touß les Français”. # * * Après le discours si digne et si ferme, si spécifiquement français et si profondément humain que M. Daladier a prononcé hier soit à la Radio-Paris, ce bloc semble s’être réalisé. M. Daladier ne s’est pas adressé seulement aux Français mais aussi „à tous ceux qui dans le reste du monde, ont l’âme honnête et géné­reuse". Comme on reconnaît, dans ces paroles, la France au coeur péné­tré du souffle épique de la cheval­­lerie et dont l’esprit aspire à l’u­niversel! M. Daladier n’a pas caché la vé­rité. 11 a dit: „la situation est gra­ve”. Et il l’a dit sachant que l’ef­fort n’est intense qu’aux périodes de suprême péril national et qu’en sa Francs, lorsque le danger est loin, ou semble loin, les énergies s’amolissent ou se dispersent. M. Daladier a énoncé l’idéal de la France, qu’il a résumé en ces mots: „La paix des hommes li­bres”, laissant visiblement enten­dre que par ses paroles il ne se réfère pas uniquement et exclusi­vement à ses concitoyens. D’ailleurs, en donnant toute une série de définitions de la „force française” il n’a pas oublié de mentionner que „la force françai­se, ce sont les amitiés de la France, aussi bien celles consacrées par des accords que celles qui, spontané­ment attachent la France aux peuples libres et à ceux qui souff­rent”. Cet attachement de la France à tous les peuples qui veulent être libres ou qui souffrent, proclamé non sans but précis par le prési­dent du conseil français, illustre très éloquemment sa ferme inten­tion de maintenir son pays et dans son rôle et dans sa tradition. Il est professeur d’histoire et il sait mieux que quiconque comment déjà au début du XVIIl-ème siècle, la France conçut tout un plan pour assurer l’indépendance des petits Etats, menacés alors par l’hégé­monie espagnole. Et il sait aussi que le cardinal de Richelieu fit savoir aux princes allemands que si l’Espagne s’avisait de vouloir confisquer les libertés (ce mot re­vient toujours) germaniques, la Le 30 Mars 1939 M. YVON DELBOS, ancien ministre des Af­faires Etrangères de France, examine la situa­tion européenne après les derniers événements de mars et exprime sa conviction que le peut encore être péril con­juré par une sage poli­tique des puissances pa­cifiques. Les nations pacifiques peuvent sauver le monde Paris, mars 1939 Au moment où l'on escomptait une détente internationale, où était question d’accords économi­il ques qui auraient abonti à la pa­cification et au désarmement, où l’on parlait d’une grande confé­rence à laquelle MM. Hitler et Mussolini devaient sagement s’as­seoir, où certains allaient même jusqu’à croire que l’Allemagne, par son exemple et par ses con­seils, modérerait le gouvernement italien, tons ce«s espoirs se sont soudain évanonis. Le Reich aggravant encore les méthodes dont il avait usé en sep­tembre dernier a, pins nettement que jamais, fait comprendre au monde qu’il ne s’arrêtera dans ses conquêtes que lorsqu’on sera en mesure de l’arrêter. Son nouveau coup de force con­tre la Tchécoslovaquie, rayée cette fois complètement de la carte d’Europe, a des conséquences mo­rales et matérielles dont il faut ti­rer les conclusions qu’elles compor­tent. C’est la preuve qu’il est de plus en pins engagé dans la voie de la violence. Il a violé dans leur esprit et dans leur lettre les ac­cords de Munich et, alors qu’il é­­tait l’un des garants des nouvel­les frontières tchécoslovaques, c’est lui qui les a envahies avec ses canons, ses tanks et ses avions. Quant à la déclaration franco­­allemande du 6 décembre dernier, on voit ce qu’il a fait de son arti­cle 3, prévoyant une consultation mutuelle dans le cas de complica­tions intéressant nos deux pays et pouvant menacer la paix. Il ne reste plus rien des accords de Munich, ni de l’esprit nouveau qu’on avait cm y apercevoir, ni, dans les circonstances actuelles, de l’espoir d’une entente directe et amiable avec l’Allemagne. En outre, M. Hitler n’a pas seu­lement manqué à ses engagements envers les autres, mais à ceux qu’il semblait avoir pris envers lui-même. Pour annexer l’Autri­che et la région des Sudètes, il avait invoqué le germanisme, le droit des peuples à disposer d’eux­­mêmes, en ajoutant qu’il ne con­voitait pas les nations d’une au­tre race: il n’en est pas moins en train de germaniser, les Tchèques et les Slovaques, qui n’ont abso­lument rien d’Allemand. L’Europe est devenue une jun­gle où ceux qui ne veulent pas ê­­tre dévorés doivent comprendre les nécessités qu’impose leur salut. Les nécessités sont d’antant plus impérieuses que la force de l’Allemagne s’est considérablement accrue grâce à l’or, aux matières premières, aux usines, aux armes sur lesquels elle a fait main basse. En même temps, son installation dans le quadrilatère de Bohême et la Slovaquie a une importance stratégique qui n’est pas moins grande. C’est une terrible menace pour la Pologne, la Russie et la Hongrie. Quand les intentions de l’agres­seur sont à ce point évidentes et ses moyens à ce point accrus, il n’y a pas un instant à perdre pour réaliser l’union et organiser la ré­sistance de tous les pays menacés. Malheureusement, on n’y est pas encore parvenu et, pendant que certaines des victimes désig­nées hésitent encore, le Reich pour­suit la série de ses coups de force. L’annexion de Memel, réalisée comme un défi, en réponse aux protestations provoquées par celle de la Tchécoslovaquie, aggrave l’encerclement de la Pologne; elle est aussi une menace directe pour les Etats baltes et pour la Russie. Ainsi, en une dizaine de jours, le Reich a installé ou amorcé sa domination de la Baltique à la mer Noire. Si on laissait se développer encore cette action foudroyante, la réalisation de la Mitteleuropa, c’est-à-dire l’asservissement de l’Europe serait bientôt un fait ac­compli. Et ce n’est qu’un aspect du péril, car il y a aussi celui qui se manifeste de l’autre côté de l’axe, avec les revendications ita­liennes dirigées contre la France. L’intérêt véritable et perma­nent de l’Italie serait de renoncer à ces prétentions et de se préoc­cuper plutôt d’empêcher l’hégémo­nie allemande, car même si elle obtenait, en les favorisant, des a­­vantages apparents, elle n’en se­rait pas moins vassalisée comme les autres. Mais je crains qu’on ne se fît la même illusion en comptant sur l’Italie, pour freiner l’Allemagne, que celle qui consistait à compter sur l’Allemagne pour freiner l’Ita­lie. Sans vouloir rien dire, qui puis­se contrarier cette évolution, tant est qu’elle puisse se pro­si duire, je pense que c’est d’abord sur nous-mêmes et sur nos amis que nous devons compter. Si j’ai essayé de montrer, sans fard, la dure réalité, ce n’est pas pour en tirer une conclusion déses­pérée. YVON DELBOS Ancien ministre des Affaires Etrangères de France (Suite page 6) France serait là pour les défendre. Car la France — comme l’a dit M. Daladier — entend servir l’hu­manité en faisant en sorte que ,Jes hommes vivent ainsi qu’ils le veu­lent, croient selon leur coeur, pen­sent ainsi qu’ils en ont Pesprit et agissent selon leur conscience”. C’est pourquoi la France „n’ac­ceptera jamais que les relations d’un peuple à l’autre ne soient re­­glémentées que par la force”. Autour de ces vérités, éternelle­ment françaises, M. Daladier a réussi à mobiliser toutes les cons­ciences civiques de l’Empire, car „le peuple qui a élevé vers Dieu Pâme d’un Saint Louis” a gardé dans son caractère, dans son in­telligence morale, le reflet des hau­tes et nobles lumières. M. Daladier les a rallumées. INTÉRIM UNE EXPLICATION COMME UNE AUTRE LE MONDE. — Pourquoi ne te tiens-tu pas tranquille, Europe ? L’EUROPE. — Que veux-tu?« C’est le Printemps !«, SAMEDI 1 AVRIL 1939 S. A. R. le PRINCE-RÉGENT PAUL DE YOUGOSLAVIE, dont nne visite à Berlin est const déré« comme probable. CONCERT DE MUSIQUE ROUMAINE Après une éclipse de deux an­nées l’association „Muzica Noua’* reprend une activité que nous sou­haitons moins parcimonieuse à l’avenir. On n’est pas sans connaître les bienfaits de cette association créée pour la diffusion de la musique contemporaine. Il n’y a pas long­temps la „Muzica Noua” nous ré­vélait dans de mémorables con­certs bi-mensuels ou même hebdo­madaires plusieurs compositeurs aussi remarquables que chez nous inconnus. Cette fois-ci elle fît choix d’un programme exclusivement consa­cré à nos jeunes créateurs, ce dont on ne saurait assez la louer. Le concours de l’excellent or­chestre de la Radio rehaussait sen­siblement l’intérêt d’une man i tes. tation vraiment nationale qui pour­ra donner des remords à plus d'ua. Voici maintenant les titres des oeuvres entendues: F. Lazar — Musique pour la Radio. Silvestri — Concert No. 1. Zeno Vancea — 3 Danses. Elenesco — Rapsodie Roumaine. Branzeu — Fantaisie. Scarlatesco Rogalsky — Baga­telle. Une programme éclectique où bien des conceptions figuraient et l’échelle des valeurs variait infini­ment. Il y a là un danger. La te­neur d’un prr gramme roumain doit être soigneusement contrôlée, car il est bien inutile de donner prise aux critiques faciles de gens tou­jours à I’f ffût d’une faute à signa­ler. Pourquoi leur permettre des objections fondées? A vrai dire la musique de feu Lazar n’avait rien à chercher da as un concert consacré aux jeunes. L’oeuvre est connue. La valeur con­siste surtout en habiletés, masque d'une grande pénurie d’idées origi­nales. Comme vraie pièce de résistan­ce ( !) figurait le Concerto potu; cordes de C. Silvestri. Ce brillant jeune compositeur s toutes les hardiesses. Peu lui im­porte d’écci cher les oreilles de l’au­ditoire. Il assène sans pitié les ac­cords barbares à de malheureux mélomanes que n’en peuvent mais et la terreur qu’il répand dans cer­tains cercles est considérable. Toutefois ces audaces n’arrivent pas à cacher le grand talent d’un de nos meilleurs créateurs sono­res. U y a de la musique dans ce concert et si l’avidité de la secon­de partie paraît une gageure, du moins l’auteur prouve par là son dédain de tout succès facile. Pour être comprise, cette musi­que demande un effort, je le sais bien. Mais tout accent original dé­route et le pionnier d’un idéal nou­veau souffrira toujours de l’incom­préhension des mélomanes ankylo­sés. D’ailleurs le créateur digne de ce nom n’écrit jamais en vue du succès et la pitié dédaigneuse des reactionnaires n’est au fond qu’un aveu d’impuissance et, qui sait? un hommage inconscient aussi. MICHEL G. ANDRICQ (Suite page 6)

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