Le Moment, Octobre 1937 (Année 5, no. 786-810)

1937-10-27 / no. 808

BUCAREST F' ANNES - R» 808 BUCAREST 15, rue Brezoiana Rédaction, Administration Tél. 3.10.40 Direction Téléphone: 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photo gra. vure „LE MOMENT« 2, rue Arist. Demetriade. Tel. 5.19.91 Directeur: ALFRED HEFTER ftf* paslÿTe page» êtlmctémtstt, -cpnfprmtmepf* Faprohotle» N». 247.S92\193S des F. T. 8 MOBS 8 Le Moment Journal de Bucarest Quotidien illustré d'informations Politiques, Economiques et Sociales S. M. le Roi parle à Son Fils Mon bien cher Mihaî, Par Ton incorpora­tion aujourd’hui dans ce vaillant bataillon des Chasseurs de mon­tagne, Tu accomplis un acte qui est étroitement lié à la tradition de Notre Maison Rég­nante. Nos ancêtres ont cru — et ils ont eu raison de le croire —­­que le fait de destiner, dès l’ado­lescence, leurs fils à l’armée, c’é­tait cimenter le premier et peut être le plus durable lien entre Eux et la nation. L’armée, c’est dans l’Etat, l’or­ganisme qui, tout en signifiant nne élite, constitue aussi la plus par­faite école d’égalité. Ce n’est pas le point de départ qui compte, mais bien celui où Tu es parvenu par Tes mérites et Ta persévé­rance. Dès les fonts baptismaux Tu as été voué à l’armée, car outre Tes parrains de sang royal, tu as eu aussi comme parrains ces glorieux soldats des troupes de montagne qui T’ont aimé dès le berceau et ont veillé sur Toi. A l’instant solennel où Tu viens de revêtir la tenue d'officier, aip’rès avoir fait Tiens les enseig­nements militaires, Tu ne revêts point une chlamyde de parade, mais la cotte de maille de la foi et du devoir. Hier encore Tu n’étais qu’un en­fant, désormais Tu avances à grands pas dans la vie d’homme. Le Tout Puissant a voulu que Tu sois désigné pour une haute et belle mission, elle comprend plus de devoirs que de droits, dant elle comprend ce droit cepen­su­prême de faire tout ce qui est en Ton pouvoir pour le bien et la prospérité du pays et de Ton peuple. Tu entres dans l’armée de la Roumanie, et ce n’est pas un hon­neur qu’on lui fait à elle, c’est à Toi que l’honneur est fait, et à chaque seconde de Ta vie Tu dois t’en rendre digne. L’armée est une des grandes é­­coles de la nation et c’est à cette école de tous les fils du pays que je Te confie aujourd’hui avec tendresse et confiance. Pour qui est destiné à régner sur les hommes,. il n’est de plus haute, de plus exemplaire école que celle dans laquelle Tu entres. Dès le premier instant on prend un contact des plus étroits avec les hommes de toutes les couches de la société, auxquels on doit en­seigner leur métier de soldats, c’est eux qu’on doit diriger, et dont on doit savoir gagner l’obéissance et la confiance. La carrière d’officier est un a­­postolat, parsemé de difficultés et de sacrifices que l’on ne saurait vaincre qu’à force de hautes ver­tus morales. Etre soldat, veut dire servir et servir c’est le suprême devoir de tout citoyen pénétré de ses engage­ments envers la Patrie et l’Etat. Toi, plus que tout de Tes ca­M marades, Tu dois apprendre que servir est le premier de tons Tes devoirs et n’oublier jamais la de­vise, qui depuis des siècles régit Notre Famille : Sois le premier ser­viteur du pays. Comme Roi et comme Père, Mon amour et Ma sollicitude T’accom­pagneront toujours. Sache Te montrer digne de l’ha­bit que Tu portes et par le serment que Tu as prêté aujourd’hui de­vant Dieu, sur le drapeaiu, symbole de la Patrie, sois un exemple de fidélité. Après que la Grand Voivode Mihai eut prêté serment de Sous-Lieutenant, S. M. le Roi Lui épingla Lui-même le galon de Sous-Lieutenant et Lui adressa les paroles suivantes: LE VERITABLE OBJET OE LA DIPLOMATIE EOROPEENNE Concilier les intérêts avant et non après la guerre M. HENRY BERENGER, pré­sident de la Commission des Af­faires Etrangères du Sénat fran­çais, un des diplomates des plus en vue de l’Europe, expose ici pour les lecteurs du „Moment“ le véri­table objet de la diplomatie qui a toujours été de concilier les inté­rêts et d’arranger les difficultés et non pas de précipiter la guerre. Selon M. Bérenger il est possible, en reconnaissant les intérêts réci­proques, de rapprocher les deux blocs opposés en Europe et d’or­ganiser la paix avant qu’une guerre éclate. * * * Paris, Octobre 1937 Aussi longtemps que les guérillas espagnoles garderont le caractère aigu d'une querelle internationale, il sera impossible d'envisager un rè­glement sérieux des difficultés euro­péennes. La première condition de ce rè­glement serait d'en finir avec l'in­trusion armée des „volontaires é­­trangers en Espagne" et de rétablir le statu quo ante en Méditerranée occidentale. La Conférence de Nyon, qui sem­ble avoir mis fin à la piraterie mé­diterranéenne, fut un premier suc­cès. Mais ce ne pouvait être qu'un succès limité à son objet. Toute la question est maintenant de savoir si le Comité de non-intervention montrera assez d'autorité pour fai­re accepter par certaines puissan­ces étrangères leur départ simulta­né de la péninsule ibérique et de ses dépendances baléares et maro­caines. L'Italie et l'Allemagne, d'une part, la Russie soviétique de l'autre, se­ront-elles assez sages pour opérer ce départ à temps? Il faut non seu­Il n’est pas utile de faire s’en­tretuer vingt millions d’hommes pour en accorder ensuite trois cents millions. Mieux vaut faire F économie d’atrocités de cette nature. Mieux vaut faire travail­ler les cerveaux que les canons. L’idéal dernier de l’Olympe n’est pas l’extermination des dieux par eux-mêmes. L’heure n’a-t-elle pas sonné de réunir enfin un Con­grès des Puissances européen­nes, de toutes les Puissances, qui règle les difficultés pendantes du Rhin, du Danube, de la Médi­terranée, et rende à l’Europe son rôle de direction en rétablissant sa prospérité? lement l'espérer, mais il faut aussi le leur faciliter par tous les moyens. Ce doit être là le véritable objet de toute diplomatie européenne digne de ce nom. Personne ne doute qu'il serait plus facile à chacun de se canton­ner dans des intransigeances exas­pérées par des rancunes. II y a des responsabilités pour tout le monde dans le guêpier espagnol, mais ce n'est pas en les étalant qu'on avan­cerait la reconciliation européenne. On ne ferait que rendre inévitable la plus affreusement stupide des guerres de demain. » Une diplomatie belliqueuse est, dans chaque pays, à la portée du premier imbécile venu. Fanfaron ou capon, il n'en est pas moins un im­bécile. La véritable diplomatie s'est toujours proposée des buts plus complexes et plus relevés, je veux dire L'ARRANGEMENT AMIABLE DES DESACCORDS ET LA CON­CILIATION RAISONNABLE DES INTERETS. Tout le monde sait bien qu'on ne supprimera jamais les mégalomanes et les sectaires. On ne peut même pas les renvoyer dos-à-dos car ils sont d'importantes parties prenan­tes au règlement à intervenir. Mais on doit pouvoir dégonfler les méga­lomanes et freiner les sectaires. N'est-ce pas là le principal office des conversations d'ambassadeurs et des conférences de ministres? Si les uns et les autres gardent constamment dans l’esprit que paix de l'Europe — une paix précé­la dant la guerre et non la suivant — reste le but essentiel à atteindre, il est vraisemblable que la situation générale s'éclaircira rapidement. Tant qu'une possibilité de négocia­tion susbsîstera entre l'axe Rome- Berlin et la coordonnée Paris-Lon­dres, chacun doit viser à transfor­mer cette possibilité en réalité. Nul n'oserait proposer, — tout au moins ouvertement, — de faire de l'Euro­pe un champ de massacres sous des gaz asphyxiants. Bien au contraire, tous les dictateurs et tous les démo­crates proposent d'en faire un champ de moissons sous un ciel de renaissance. Il faut alors prendre au mot les dictateurs comme les démocrates. Il faut ne pas se lasser de rappro­cher ceux qui se sont apposés ~ et rassembler ceux qui se sont séparés. Une telle tâche diplomatique est difficile, mais elle n'est pas impos­sible. HENRY BERENGER Président de la Commission des Affaires Etrangères du Sénat français (Suite page 6) Le 25 octobre 1937 Choses de France (l) Est-ce vrai que la France soit devenue marxiste et que la majo­rité du peuple continue et conti­nuera à „voter gauche“? Est-il vtai que la France ait perdu au point de vue internatio­nal toute initiative, faute de grandes personnalités et d’un ré­gime autoritaire? * * * Depuis quatre siècles toutes les générations ont suivi le rythme de l'intelligence française qui met­tait l'accent sur la civilisation oc­cidentale, pour pouvoir connaître et deviner, les grandes tendances de l’humanité, la force de ses ins­titutions sociales, les aspects de la vie culturelle et économique. Le révolutions de la France, toutes ses révolutions, ainsi que ré­volution de son esprit et de ses attitudes envers la vie, la société, Vindividu, envers Dieu et 1e mon­de, ont tracé pour tous les autres peuples du continent, les lignes es­­sentielles d'un programme, à sui­vre, à réaliser ou à combattre. Ses expériences ont épargné au monde d’innombrables efforts et sacrifices et avec son propre sang, avec son élan et son génie, la Gaule a pu servir, de laboratoire à l’humanité tout entière, tandis que son sol a été voué aux recherches les plus téméraires que l’homme ait imaginées. Le phénomène français ne doit être jugé que sous l’angle de l’uni­versalité. Il rapporte les évène­ments s’y déroulant, à l’histoire de l’époque, à F avenir de la ci­­vilisation. En analysant les lois qui ré­gissent l’histoire de ce peuple, Mi­chelet a caractérisé comme suit le gén te de la France: „Le génie de la France, c’est une logique pas­sionnée dans les esprits supérieurs, de la réthorique dans les talents secondaires“. Pour avoir une vue d’ensemble d.e la France de nos jours, il faut avoir le moyen et le courage de plonger avec force dans F océan très mouvementé de sa vie so­ciale, pour sentir sous les vagues superficielles, les courants pro­fonds qui déterminent le mouve­ment général auquel nous assis­tons. Il faut saisir la logique de ces forces supérieures. Il ne faut pas se laisser influencer par la ré­thorique des „éléments secon­daires“. Il faut que ce pays vérifie de nouveau sa force de création, la validité de son titre de champion de l’humanité, dans une atmos­phère de troubles et de fièvre gé­nérale. Reconnaissons donc que les ex­­périences que se permet aujour­­d’hui le peuple français intéres­sent directement le monde entier. Vous constaterez avec nous, com­ment ont évolué sous les yeux d’une seule génération les lois sociales, le rapport entre le capital et le travail, les institutions de crédit, la formation de capital, la forma, tion des prix, Forganisation de l’idée du droit individuel. Pourquoi ne pas admettre que sous un régime bourgeois et à l’abri d’une constitution capitaliste la fonction du crédit ait disparu petit à petit, étant donné que le capital produit toujours moins d’in, térêts? ALFRED HEFTER (Suite page 6) LE JOUR DE LA SAINT DEMETRE Ce 26 octobre, jour de la Saint Démètre, on déménage. (Sur une feuille de calendrier) LE CONCIERGE DU PALAIS CANTACUZENE— Faut.il mettre les malles dans le camion, Monsieur le Président? M. TATARESCO.—• Pas encore! Je pense renouveler le bail. MERCREDI 27 OCTOBRE 1957 L’encyclopédie Française Tome IV. La vie Voilà longtemps que je n’ai ouvert un pareil livre, où les problèmes les plus spéciaux, intéressant au premier chef les hommes de métier, soient discutés avec la même pénétration et compétence que les questions d’ensemble, celles qui doi­vent retenir l’attention de tout homme cultivé. Le dernier volume de l’Encyclo­pédie Française, consacré à l’étude de la vie, réussit à intéresser au plus haut de­gré les intellectuels authentiques, qui sont à juste titre également rebutés par les ouvrages de vulgarisation et par les tra­vaux destinés aux spécialistes. Rarement on rencontre une synthèse plus harmo­nieuse et plus équilibrée entre la tendan­ce des savants de fouiller de plus en plus profondément le domaine des faits, et le besoin d’idées générales des hom­mes qui s’en tiennent aux grandes lignes des progrès de la science. La première difficulté qui s’opposait à une pareille réalisation était constituée par la divergence de vues et d’orientation des collaborateurs de l’ouvrage. Car, mê­me dans une discipline scientifique, il y a des éléments personnels qui donnent aux travaux des hommes de science un cachet original. Il s’ensuit que bien des ouvrages écrits en collaboration présen­tent un caractère quelque peu hybride, dépourvu d’unité. La documentation de totale, mais plutôt à un assemblage dis­parate de contributions brillantes, tes, mais dépourvues de cohérence. cer­Le quatrième volume de l’Encyclopédie Française échappe à cette objection. M. André Mayer a su choisir ses collabora­teurs, assigner à chacun sa part de con­tribution et coordonner les études spé­ciales par de courtes et substantielles no­tes et introductions de chapitres. On re­trouvera ainsi, le long de ce volume si riche de faits et d’aperçus, de théories et de vues d’ensemble, l’intervention tou­jours présente et efficace du directeur de l’ouvrage. De la sorte, le volume acquiert de la cohérence. Ç’eût été vraiment difficile pour un seul savant d’écrire un pareil traité. Au­jourd’hui la réalité n’est plus divisée par des disciplines spéciales; les sciences col­laborent les unes avec les autres pour approfondir le plus simple des phéno­mènes. Aussi, dans le présent traité, phy­­sique, chimie, biologie, thermodynami­que, etc., s’éclairent mutuellement et se prêtent réciproquement appui. Le plan de l’ouvrage minutieusement étudié, comporte surtout l’examen dé­taillé des grands problèmes que pose la vie. C’est en premier lieu la constitution et le maintien de l’individualité biologi­que qui intéresse les auteurs. Une con­ception à la fois fonctionnelle et syn­thétique domine tout le traité. Les fonc­tions de la vie ne sont pas seulement é­­tudiées en elles-mêmes, mais aussi sous le rapport de leur convergence supérieu­re dans l’individualité totale de l’être. L’individualité exprime ainsi une syner­gie fonctionnelle des plus étroites et des plus profondes. Tous les chapitres de ce traité s’occuperont donc des processus de régulation et des coordinations des fonctions. L’organisme animal et végétal n’est pas considéré ni comme une unité anatomique, ni comme un assemblage de fonctions, mais surtout comme une in­tégration de rythmes fonctionnels très variés, qui concourent tous à l’harmonie générale de la vie. Cette conception est donc essentielle­ment dynamique et fonctionnelle. C’est la perspective qui domine la science ac­tuelle et qui a occasionné bien des dé­couvertes et des précisions décisives dans le domaine de la biologie. Or, c’est sur­tout le rôle de M. André Mayer d’in­sister à chaque reprise, inlassablement, et avec de nouvelles précisions et re­marques, sur l’adaptation fonctionnelle des rythmes organiques et de leur inté­gration dans l’échafaudage de l’orga­nisme. Par cette constante préoccupation de synthèse et par la mise en évidence de cette perspective centrale de l’étude des phénomènes vitaux, le présent traité of­fre une des contributions scientifiques les plus remarquables des dernières an­nées, et qui intéresse à des titres divers le monde savant et les intellectuels dé- Ion Biberi (Suite page 2) il# 4<RN PAGE 3 î Les grandes cérémonies de Sinaïa

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