Le Moment, Octobre 1937 (Année 5, no. 786-810)

1937-10-14 / no. 797

BUCAREST 5~ ANNEE - R» 797 BUCAREST 15, nie Breæoiaoa Rédaction, Administration Têl. 3.10.40 Direction Téléphone: 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photogra­vure „LE MOMENT-8, rue Arist. Demetriade. Tel. 5.19.91 Di recteurs ALFRED HEFTER Tmté pagê» Awfcawll, r&tnbaü,. X». l47.SSt\19S9 B PACES B un ornent Journal de Bucarest Quotidien illustré d'informations Politiques, Economiques et Sociales  Les derniers mois, le gouvernement de M. Stoyadinovitch a été le cible des attaques vé­hémentes des partis d’opposition ; attaques qui ont trou­vé leur écho dans la presse étran­gère. Pour pouvoir analyser objec­tivement la situation de la politique actuelle de la Yougoslavie, il est né­cessaire de marquer les résultats dans la politique intérieure du pro­blème du concordat ayant donné lieu au déclanchement de ces criti­ques acharnées contre le gouverne­ment actuel. En premier lieu, on pourrait dire que cette lutte engagée entre le gou­vernement et les partis de l’opposi­tion a été utile au parti gouverne­mental lui-même. Ce parti de l’„u­­nion radicale yougoslave“, créé il y a deux ans seulement, n’avait eu l’occasion de faire montre de son emprise sur les masses populaires qu’à l’occasion des élections com­muniales où il avait obtenu des ma­jorités favorables. Mais il ne pou­vait être question d’une affirmation incontestable de sa popularité. Si on tient compte du fait que lorsqu’il s’agit de telles élections, les intérêts locaux jouent un rôle prépondérant, on peut avancer que la vraie lutte pour s’imposer n’a été donnée qu’au moment du Concordat. H n’est plus nécessaire d’ajouter que le parti gouvernemental enregistra alors un premier et incontestable grand suc­cès. Il était tout naturel que le suc­cès gouvernemental fût utilisé par les partis de l’opposition pour en­tretenir dans les masses populaires des agitations sur le même thème, celui du Concordat. D’autre part, cette Opposition unie, formée par l’ancien parti dé­mocrate yougoslave et ayant comme chef M. Liouba Davidovitch, l’an­cien parti agrarien serbe, avec com­me chef M. Jota Iovanovitch et une fraction de l’ancien parti radical serbe, ayant comme chef M. Ata Stanœvitch, ont engagé la lutte contre le gouvernement sur le thème du concordat, dont le seul objectif immédiat était d’obtenir la popula­rité dans les masses du peuple you­goslave. Nantis de cette carte d’identité — représentants naturels du peuple yougoslave — ils ont engagés des pourparlers à Zagreb avec le chef de l’opposition croate, le dr, Vladko Matchek pour établir un front com­mun de lutte contre le gouverne­ment. Ces pourparlers commencés au moment des élections de mai 1935, se sont terminés le 3 octobre 1937. Suivant les affirmations des re­présentants de l’opposition, avec lesquels j’ai eu l’occasion de parler à leur retour de Zagreb, il paraî­trait qu’ils seraient tous d’accord avec M. Matchek et qu’on va rédi­ger un accord appelé a être signé d’ici la fin du mois. Faute de détails plus précis, on ne peut insister sur cet accord. A Belgrade néanmoins, ainsi que dans toute la Yougoslavie, ces négocia­tions ont été suivies avec beaucoup d’intérêt et dans certains cercles même avec sympathie. Ces mêmes cercles sont unanimes à reconnaître que le contact établi entre les partis serbe et croate, dément toutes les informations tendancieuses sur la confraternité serbo-croate. Par conséquent, la réunion de Zagreb peut être considérée comme la plus importante action des partis de l’opposition ces derniers temps. Toutefois il ne peut être question de résultats immédiats en politi­que intérieure, ayant la forme d’une simple démonstration contre le gou­vernement. On doit aussi mentionner l’ac­tion du parti national yougoslave, dirigé par le Général Jifcovitch, ancien dictateur de la Yougoslavie. Ce parti de la dictature, dans l’impossibilité de développer main­tenant une action ouverte et posi­tive dams les masses du peuple, a teinté de profiter à la suite de la lutte engagée entre le gouverne­ment et les partis de l’opposition au sujet du Concordat. Le parti de M. Jifcovitch s’est érigé donc en défenseur acharné de la religion dominante de l’ancien Royaume Serbe. On peut même dire que le quartier général de ce parti est établi 'au sein de l’église, et cherche à entretenir la situation tendue entre le gouvernement et le culte orthodoxe. L’amendement proposé pair le gouvernement de M. Stoyadinovitch et adopté à l’occasion du vote du Concordat, a eu le pouvoir d'anni­hiler l’action des partisans de M. Jifcovitch, en établissant un armis­tice entre le gouvernement et l’é­glise orthodoxe. (Suite page 6) Le 12 octobre 1937 Dans le journal „la Noce“ pa­raissant à Rio de Janeiro, nous avons vu une photo représen­tant deux camions chargés de trou­pes africaines, à casques coloniaux et très bien équipées, saluées, par une foule énorme d’enfants et de femmes de couleur, le bras levé. La légende qui accompagnait cet­te photo était la suivante: „Des troupes nationalistes quittent le Maroc pour renforcer les armées du général Franco. * * * Un professeur espagnol bien con­nu, le docteur Grégorio M à van on, a fait il y a quelque temps, la dé­claration suivante pout un jour­nal parisien: „Franco et ses généraux sont Es­pagnols. En conduisant a la victoire les troupes d’Afrique, ils continuent l’antique tradition“. „C’est avec des soldats africains — a ajouté le prof. Maranon — que le Cid Campéador a chassé les Mau­res et quTsabelle la Catholique a conquis Grenade. Aujourd’hui, les espagnols africains contribuent une fois de plus à la délivrance du pays“. Ces mots du savant espagnol mé­ritent toute notre attention. Ils po­sent la grave question des rapports entre l’Espagne et VAfrique et par là, le problème plus grand de l’Eu­rope vis-à-vis de l’Islam. Il serait erroné de croire que l’apologie de l’Africain „Sauveur“ de rEspagne ne soit qu’un joli pa­radoxe du professeur Gregorio Ma­ranon. Ces déclarations, il les a faites après une étude approfondie du problème hispano-africain. Tous ses mots il les a pesés, choi­sis, ce sont de termes propres. Il a parlé par exemple d’„africains“ et non pas d’„arabes“. Cela veut dire que ce n’est pas le souvenir de la civilisation raffinée de Damas que le Dr. Gregorio Maranon re­grette. C’est d’une façon précise l’aide berbère qu’il désire pour l’Es­pagne. A la lecture de ces lignes on a l’impression, que suivant la pensée de cet homme de sciences, l’Afrique doive commencer aux Pyrénées. U ne faut pas que cela nous éton­ne outre mesure. L’histoire nous apprend que l’Espagne arabe elle­­même, a subi des invasions afri­caines et fut africanisée à point tel qu’à certain moment les descen­dants des seigneurs arabes d’Anda­lousie se virent forcés de cacher leur noble origine asiatique. D'autre part, le général Franco — on se le rappelle très bien — a parlé dans un discours de la fra­ternité espagnole-africaine. Nous ne doutons pas qu’il ait été sincère. On évalue généralement à 8 ou 10 millions les espagnols qui portent aujourd’hui encore l’em­preinte ethnique des „almoravides“ et des „almohades“ — sectes afri­caines enfantées par le Maroc, l’At­las et le Sénégal. Aussi n’est-il aucunement exagéré de voir, d’une part, des espagnols faire parade de leur communauté de sang avec l’Islam, et d’autre part, de voir ces troupes d’africains se rendre en Espagne pour „déli­vrer“ — comme a dit le Dr. Mara­non — le pays. Belgrade, octobre 1937 lettre de Belgrade Le front de Zagreb et le cabinet Stoyadinovitch (De notre envoyé spécial) L y* L'Extrême Orient, carrefour des intérêts mondiaux Les Etats-Unis, l’Angleterre, la France, l’Allemagne et bien d’autres puisrances encore voient leurs inté­rêts menacés par le conflit sino-japonais. Le feu qui allume les grands In­cendies mondiaux couve, souvent Inaperçu, dans les coins les plus re­culés du globe. Jusqu'ici les Bal­kans étaient la terre d'élection des conflits qui menaçaient l'Europe. Le triomphe du machinisme, et l'aviation, ont rétréci le la radio globe. L'Extrême-Orient, qui tend à se substituer aux Balkans comme sour­ce de conflits, ne menace pas seu­lement l'équilibre asiatique, d'autant qu'une tempête se prépare depuis longtemps au sein du Pacifique, tempête qui risque de jeter le mon­de entier dans un dangereux cata­clysme. Le seul grand rival des Etats-Unis en Amérique du Sud est le Japon. Le Japon, après avoir vu la Cali­fornie se fermer devant ses émi­grants, a dirigé leur flot sur les cô­tes occidentales de l'Amérique du Sud. L'oeuvre panaméricaine de Roo­sevelt, que couronna le grand con­grès de Buenos-Aires, a été surtout dirigée contre l'afflux des Japonais et le dumping japonais. Si l'Améri­que est décidée à fermer le conti­nent américain à la pénétration pa­cifique du Japon, elle doit réagir d'autant plus fortement contre sa continuation quand elle adopte une forme militaire. A cet égard, le Japon n'est pas dangereux aujourd'hui pour l'Amé­rique. Car le Japon malgré l'occupation de d'aujourd'hui, la Mand­chourie, est encore un pays qui doit se fournir de matières premières à l'étranger. Sa situation est compa­rable à celle de l'Allemagne et de l'Italie en Europe. A l'instar de l'Al­lemagne et de l'Italie, qui exercent une forte pression sur l'Angleterre et sur la France — les deux Etats européens les plus riches en matiè­res premières — le Japon, en dé­clenchant sa dernière action contre la Chine, a entrepris la lutte pour s'assurer ses propres sources de ma­tières premières. Et il s'agit de sour­ces de matières premières se trou­vant, en grande partie, aux mains de l'Amérique et de l'Angleterre. De plus, si les Américains ont in­vesti des capitaux considérables, L'Extrême - Orient, qui tend à se substituer aux Balkans comme source de conflits, ne menace pas seulement l'équilibre asia­tique, d'autant qu'une tempête se prépare depuis longtemps au sein du Pa­cifique, tempête qui ris­que de jeter le monde en­tier dans un dangereux ca­taclysme. dans la Chine du Nord, si Wall­street a acquis des concessions mi­nières et financé la construction de voies ferrées, si la Standard Oil a équipé des postes de pétrole, c'est que des intérêts stratégiques se trouvaient aussi en jeu: on a occupé économiquement un territoire riche en matières premières afin d'enle­ver au Japon toute possibilité de l'utîlîser contre l'Amérique. C'est pourquoi il est évident que l'action engagée par le Japon en Chine du Nord menace les intérêts améri­cains. > Néanmoins, il né faut pat oublier que la politique économique de l'A­mérique en Chine du Nord devait servir surtout à couvrir les Philippi­nes et qu'entre-temps l'intérêt pour les Philippines a considérablement diminué en Amérique. L'Amérique possède aussi actuellement une ex­portation non négligeable au Ja­pon. En cas d'intervention, ce mar­ché lui serait fermé. D'autre part, on ne peut pas concevoir non plus que Wallstreet et les trusts aban­donnent si facilement les capitaux qu'ils ont placé ici. D'ailleurs, l'avis des chefs de la défense nationale américaine pèse, lui aussi dans la balance en face de l'opinion foncièrement pacifiste du „Keep out" d'une grande partie du peuple américain. Car si actuelle­ment il n'en est pas encore question, à l'avenir, le continent américain peut se trouver menacé par un Ja­pon renforcé, possédant ses propres sources de matières premières, sans compter que, d'ici peu, le Japon est susceptible de quitter le marché a­­méricain, en tant qu'acheteur de matières premières. Une victoire du Japon en Chine du Nord infligerait ainsi à Wall­street des pertes considérables. Les capitaux investis par la Cité de Londres en Chine du Nord sont beaucoup plus considérables que ceux de Walstreet. Ils sont répartis pour plus des deux tiers dans la ré­gion de Shanghaï et dans le sud de la Chine. En outre, ces capitaux ne servent que pour une part minime des buts défensifs, pour autant qu'ils couvrent, à Hong-Kong, et indirec­tement è Shanghaï, la voie maritime en direction dé l'Australie. • * • Il ne faut pas oublier non plus que le Japon a pris tout d'abord son essor en tant qu'allié de l'An­gleterre; cette alliance date de 1902 et elle était dirigée contre la Russie. Les intérêts de la Cité au Japon, bien que moindres que ceux qu'elle possède en Chine, son! ce­pendant loir, d'être négligeables. (Suite page 6) IvlRE IPTIOIE 5; L’ALLEMAGNE CRAINT LE QUATRIÈME FRONT, LE FRONT INTERIEUR Les allemands, maîtres dans T art de tirer le plus de profit possible de l’alchimie raciste, ont vite fait de s’appercevoir combien cette pa­renté pourrait servir leur plan de diviser l’Europe, de diviser les co­lonies de la Métropole, de diviser l’Islam de la France, de diviser le Nord de T Afrique du Sud de l’Eu­rope. Aussi ces derniers mois, tous leurs efforts, aussi bien en Epagne qu’au Portugal, ont-il eu ce but pré­cis: encourager dans la péninsule un système d’idées „africaines“ dont la pointe serait dirigée vers le Nord. Les résultats immédiats de ces „activités“ ont été une agitation dans tout le nord de T Afrique. La France, qui pense déjà à ou­vrir la frontière des Pyrénées, pour assurer à l’avenir la sécurité de ses voies de communications, la ver­rons-nous bientôt obligée, pour rétablir l’ordre dans l’Afrique du Nord, de répéter le geste de Char, les Martel à Poitiers? Car, quoiqu’on en dise, P histoire ne se lasse pas de se répéter, en se renouvelant. INTERIM LES PROUESSES DU PRESTIDIGITATEUR Le danger d’Espagne est passé en Extrême-Orient et voilà qu'il repasse en Espagne. (Les journaux) LE PRESTIDIGITATEUR: Et voilà!.­ JEUDI 14 OCTOBRE 1957 ## •» ; EN PAGE 3: * ♦ Le centre droite ♦ % et notre politique J extérieure * Kiy PAGE 6f Les manoeuvres royales Chronique plastique Une exposition d’art polonais contem­porain (Salle Dalles) Pour comprendre le caractère tout 1 fait particulier et naturellement très dif­­férert de notre sensibilité, de l’art des peuples nordiques, y fompris les Polo­nais, il faut connaître fut-ce vaguement, leur paysage, ce qu’il a de fortement spé­cifique et déterminant, et ensuite avoir pu se faire une idée du caractère de leur psychologie mûrie au milieu de ce pay­sage. Naturellement, on n’oublie pas cette sorte de parti-pris théorique valable pour tous les arts, qu’ils soient du Nord, ou du Midi, d’Europe ou d’Afrique. Mais il y a dans leur art quelque chose de particulier, qui, s’il ne nous échappe pas, peut nous sembler hostile. C’est l’attachement à l’atmosphère (l’atmosphère littéraire anecdotique) dans les arts plastiques, qui mène irrésis­tiblement en peinture à une décoration un peu fllustratoire, en sculpture à l’allé­gorie, et dans la grande décoration ma plus merveilleux esprit théâtral. C’est donc tout le contraire de nous autres les Roumains, qui sommes plutôt, attachés au sens plastique pur, à la ma­tière, à la sensation, à la mélodie. Remarquez, dans cet ordre d’idées, que l’impressionnisme en peinture a abouti en France, et aussi chez nous, à l’analyse abstraite de la couleur, à une sorte de musicalité chromatique gratuite, cepen­dant qu’en Pologne il n’a réussi qu’être une méthode à la portée de l’attitude en­vers la réalité. Les Polonais ont employé l'impres­sionnisme comme une manière et com­me un renouvellement de l’analyse an­cienne des sujets où ils s’efforçaient de fixer le caractère du paysage de leur pays et de leur vie. Leur attention est pour le thème don­né qu’ils aiment d’un amour un peu lit­téraire et où ils poussent leur inspira­tion pour la création artistique. Donc, un parti pris dans toute oeuvre plastique : le thème et non le pretexte cher à nos peintres. Pensez alors aux déterminantes et aux conséquences psychologiques et prati­ques de façon d’agir. Le paysage polonais — la nature avec le soleil, l’ombre et les accessoires de la flore est d’un aspect différent de notre paysage, toujours ensoleillé, jamais criard dans la couleur, mais infiniment varié pour ce qui est des tonalités, rares et joyeuses pour la plupart, puis très divers d’aspect et de motifs. Le paysage polonais n’offre pas de grandes variations de motifs: une cam­pagne infiniment verte, une campagne qui ondule sans cesse, dont le vert et la netteté régulière vous obsèdent. On est entraîné plutôt vers la méthaphysique que vers la peinture. Comme point de repaire, pour votre oeil, vous trouverez les maisons régulières et peut être rou­­ges-cramoisies d’un village, et autour, des saules. Les paysans qui y travaillent silen­cieux, semblent entraînés à ce rythme qui s’infiltre dans notre pensée. Leur travail semble en même temps une suite traditionnelle; au-dessus : le ciel complè­te le paysage, morne ou pur. Dans ce milieu, ce qui compte et ce qui crée le caractère, c’est le geste et non pas l’analyse de la superficie illu­minée. Pour aboutir à cette réalité, il faut suivre le motif et l’inspiration qu’il dégage et non pas l’analyse chromatique, — cette mélodie silencieuse. La montagne polonaise est plus joyeu­­se, elle offre plus de variation de ligne et l’invitation à la construction, à l’archi­tecture et aussi à la lumière. IG. ILIU (Suite page 3) **** ♦ ♦ * Mme BEREZOWSKA „Arlequin“ Í

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