Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 13. (1971)

Fekete Sándor: Petőfi et Dumas

Artu Litteraria Ac.ademiae Scientiarum Hungaricae Turnus 13 (1—4),pp. S3—100 (1071) Petőfi et Dumas Par Sándor Fekete (Budapest) A une occasion, Petőfi a nettement exprimé que c’était «pour une grande part» à Dumas qu’il devait la modification de sa philosophie. Notre poète a si rarement parlé des auteurs, des penseurs qui ont déterminé sa vision du monde, qu’il ne nous est pas permis de laisser dans l’ombre, comme jusqu’à Itrésent depuis cent vingt années déjà —, cette révélation peut-être la plus étonnante et la plus intéressante parmi celles qu’il ait faites. Voyons donc de plus près cette confession souvent rappelée, mais jamais examinée de plus près. Dans le XVIIIe morceau des Úti levelek (Lettres de voyage), daté du 14 octobre 1847, à Költő, Petőfi rend compte de sa lune de miel. Nous apprenons qu’en plus de son travail littéraire il a surtout fait de l’équi­tation et lu, avant tout, des romans de «George Sand, Boz et Dumas». Après avoir fait l’éloge de George Sand et de Dickens, il s’étend bien plus longue­ment ! à Dumas. «Avec Boz, écrit-il — c’est Alexandre Dumas qui est mon romancier préféré. Nul n’a, effectivement, plus d’esprit que lui. Il y a bien, en nombre, des écrivains plus grands que lui, mais aucun n’est plus charmant, plus aimable. Et c’est le principal. Ne pas se faire admirer, mais se faire aimer! — du moins, c’est là mon désir, ma volonté. D’ailleurs, pour ce (jui est de Dumas, il ne dépendait que de lui de devenir un grand écrivain. La nature en a fait un génie, mais lui disperse, gaspille les trésors de son esprit et, au lieu de porter des habits splendides, rutilants, comme il pourrait le faire, il en a de simples, parfois même de rapiécés. Que lui importe ! — son but est de régaler les autres, non de s’enrichir. Nul ne connaît mieux le cœur humain (jue lui. Il y eut un temps, où j’ai été follement misanthrope, à tel point que la terre me semblait un énorme tas de fumier sur lequel les hommes grouillent comme des milliards de vers répugnants; si je me suis guéri de cette maladie, c’est non pas entièrement, mais pour une grande part à Dumas que je le dois, c’est lui qui m’a aidé à enlever mes lunettes d’un jaune-vert de fiel, c’est-à la suite de sa lecture que j’ai commencé à prendre conscience que, peut-être, le monde est beau.» Arrêtons-nous ici, dans cette citation, pour copier encore les paroles finales du passage: «. . . Alexandre Dumas est un homme digne d’être aimé ... ce n’est pas pour rien qu’il se prénomme comme moi.»1 G* Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae IS, 1071

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