Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 18. (1976)

1976 / 3-4. szám - Sőtér István: Vörösmarty Mihály (1800–1855)

Sőtér, I. ne rehaussons nullement les trois sommets les plus élevés, si nous rabaissons leurs compagnons. Cependant, la vie de l’homme et de la nation ne se compose pas unique­ment de poésie, les mesures de l’époque des réformes ne sont pas établies par l’exceptionnelle portée littéraire d’un Katona, d’un Berzsenyi, d’un Kölcsey. Les pays arriérés sont toujours les pays des vastes contradictions aussi. Dans les décennies d’avant 1848, la Hongrie voit la réalisation d’entreprises qui honoreraient même les pays les plus civilisés. On jette, de la rive de Pest à celle de Buda, le Pont suspendu; il y a la naissance de notre Académie; Pál Vásárhelyi aménage le cours du Bas-Danube et prépare les plans pour disci­pliner la Tisza; il y a la dynamo de Ányos Jedlik, il y a les recherches finno­­ougriennes de Antal Reguly, les débuts de notre archéologie, la construction du Théâtre National, du Musée National. Et tout cela est réalisé sans le soutien du pouvoir politique — contre son gré même ! L’intérêt de ce pouvoir est que le pays reste un grenier à vivres abondant et bon marché; plus la civilisation de la Hongrie laissera à désirer, plus Metternich sentira que son régime est sûr. Effectivement, aussi bien sur le plan économique que culturel, la Hongrie compte parmi les territoires les plus retardataires de l’Europe; et ce n’est pas le Pont suspendu avec sa masse de pierre et de fer qui en est le symbole adéquat, mais le pont de barques qu’il est venu remplacer. Ce qui a été créé à cet époque n’était pas dû à l’Etat — au sens moderne du terme, nous ne pouvons même pas parler, alors, d’État —, mais au public, plus précisément encore: à une petite cohorte d’hommes géniaux et désintéressés, passionnés du progrès et de la patrie. Nous devons compter parmi eux Vörösmarty qui n’est pas seulement poète, qui œuvre aussi pour la langue hongroise en colla­borant au Grand Dictionnaire de l’Académie, à l’élaboration de notre ortho­graphe, au recensement des termes des métiers; au profit du théâtre national, il est dramaturge, traducteur, il développe une théorie de jeu scénique. Pour bien comprendre le rôle et la place de Vörösmarty, il nous faut voir, derrière lui, l’époque du Pont suspendu en construction, l’époque de l’inauguration des Portes de Fer. Ce sont des gens dont le talent ne pouvait, certes, se mesurer à celui de Vörösmarty, mais à l’attitude humaine et sociale proche de la sienne qui ont, de retardataire, de barbare, de féodal, de rural qu’il était, transformé le pays en un autre, moderne, civilisé, bourgeois et sur la voie de l’urbanisation. Ce sont des gens semblables au poète, des intellectuels venus de la noblesse qui ne vivent plus de leurs terres, mais de leur plume, de leur profession: régisseurs, avocats, prêtres, professeurs, instituteurs, médecins, ingénieurs. Ce que, de nos jours, on désigne sous le terme d’engagement, s’appelait alors amour de la patrie; et combien de carrières imprégnées de ce sentiment ont pris leur essor, dans le comitat de Fejér aussi, dans de modestes foyers de régisseur, dans des manoirs aux murs de pisé, là où Vörösmarty a vu le jour, a passé une Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 18,1976

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