Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 18. (1976)

1976 / 3-4. szám - Sőtér István: Vörösmarty Mihály (1800–1855)

1* Mihály Vörösmarty 239 partie de sa vie comme précepteur, comme juriste stagiaire, pour gagner ensuite son pain à Budapest comme rédacteur et, après la défaite de 1849, se retirer de nouveau au pays natal et venir encore une fois dans la capitale, pour y mourir dans un immeuble qu’on a démoli, il y a quelque temps, dans la rue Váci . . . Modicité de l’existence et exaltation: les deux ont caractérisé la société de l’époque de Vörösmarty. Des comtesses se jetaient à ses pieds, dans la poussière de la promenade de Balatonfüred, mais les orphelins qu’il avait laissés ne durent leur éducation qu’à une quête nationale et, sur un appel de Ferenc Deák, cette souscription se développa en manifestation politique contre l’absolutisme impérial autrichien. Vörösmarty n’a pas seulement été un phénomène hongrois, il a aussi fait partie d’un vaste mouvement littéraire déferlant par toute l’Europe, le romantisme. Cette grande entreprise de la poésie et de l’art en général — le romantisme — a porté à la place du sentiment de vie révolu de l’ancien monde l’expression du neuf, une esthétique et une philosophie nouvelles, la notion de nation élevée bien haut, le culte de l’histoire, le réveil de l’âme si signifi­cative des paysages, le romanesque et encore la découverte d’un domaine inconnu, la poésie folklorique. Plus d’un condamne le romantisme qui cherchait refuge dans le passé, dans les rêves. Si le rêve est le succédané de l’action, le romantisme sera effectivement un poison, non un remède. Mais ce sera tout le contraire, si le passé et le rêve nous ramènent notre Moi. C’est avec l’aide du passé et des rêves que le romantisme hongrois a récupéré le présent d’alors en perdition; et il ne fait pas de doute que Vörösmarty s’est risqué fort loin en avant parmi les paysages hauts en couleur, à l’orientale d’un univers onirique. C’étaient les paysages imaginaires de l’histoire hongroise, sous des cieux dignes des îles du Sud, sous des arcs-en-ciel enjambant la vallée des fées, et — selon les paroles de son critique à l’époque, Ferenc Toldy — « imprégnés de la chaleur du Levant », soufflant « les senteurs de tous les épices de l’heu­reuse Arabie ». Sa poésie est une musique de la nuit qui semble annoncer celles, nocturnes, de Bartok, surtout dans la strophe finale du Csongor et Tünde: Éjfél van, éj rideg és szomorú Gyászosra hanyatlik az égi ború, Jőj kedves örülni az éjbe velem, Ébren maga van csak az egy szerelem. (C’est le milieu de la nuit dure et triste, Lugubre, la mélancolie céleste s’abat, Viens, très chère, te réjouir avec moi dans la nuit Où ne veille que l’amour unique en personne.) Cependant la véritable issue, le sauvetage du rêve est le réveil. Ce n’est qu’éveillés que nous savons que nous avons rêvé et que le rêve nous a récom­pensé. Tel fut le réveil de Vörösmarty aussi de ses rêves orientaux, épicés, puisque, autour de lui, tout le pays se réveillait petit à petit. C’est à ce réveil Acta Liiteraria Academiae ScierUiarum Hungaricae 18, 1976

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