Revue de Hongrie 17. (1916)

1 Janvier - I. Pro Nihilo, par M. Albert de Berzeviczy, ancien Ministre, Député, Membre de la Cour permanente d'arbitrage international a la Haye

PRO NIHILO. Un des phénomènes les plus regrettables de cette guerre, c’est le zèle passionné avec lequel la France fait, dans l’intérêt de l’Entente, des sacrifices hors de proportion avec les résultats qu’elle peut encore espérer de cette lutte. Constatons d’abord qu’à part la Belgique et la Serbie qui ont, pour le moment, cessé d’exister comme Etats, aucun des pays coalisés contre nous ne fait, en proportion de ses forces, d’aussi gros sacrifices dans l’intérêt commun que la France. Sans parler du Japon pour lequel cette guerre est une affaire tout à fait secondaire, ni de l’Italie déjà rudement punie de son parjure, mais qui n’a rendu jusqu’ici aucun service appréciable à ses nouveaux alliés, on ne saurait mettre en parallèle les sacrifices consentis par la France avec ceux de la Russie et l’Angleterre. En raison de son étendue et de ses grandes réserves en hommes, la Russie peut bien plus facilement supporter des pertes en territoire et réparer celles que l’ennemi fait dans les rangs de ses soldats; l’Angleterre se ressent encore moins de la guerre, car elle n’a pas encore le service obligatoire, de sorte que ses pertes en hommes ne frappent point toutes les couches de la population; sa posi­tion insulaire la met à l’abri des invasions; de plus, les Anglais s’entendent admirablement à mettre toujours et partout leurs alliés en avant; quant à eux, leur rôle se borne de dresser les plans de campagne et à fournir l’argent. Par contre, on est frappé de l’énormité des sacrifices que la République a faits et continue à faire pour cette longue guerre. Pour en calculer l’étendue d’une manière tout approxi­mative, il faut considérer avant tout que la population française était déjà stationnaire avant la guerre, qu’elle avait REVUE DE HONGRIE. ANNÉE IX, T. XVII, 1916. 1

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