Revue de Hongrie 19. (1917)
15 Janvier - I. La Lutte pour la Vérité, par M. Albert de Berzeviczy, ancien Ministre, Député, Membre de la Cour d'arbitrage international de La Haye
18 REVUE DE HONGRIE ne luttons pas seulement pour notre bon droit et notre existence, mais que nous avons la sainte mission de faire triompher, par nos armes, la cause de la vérité sur la conjuration du mensonge, de l’hypocrisie et de la calomnie. La complaisance avec laquelle la majeure partie de l’opinion publique des pays neutres accueille les fallacieuses suggestions de nos ennemis a diverses causes, dont quelques-unes sont faciles à discerner. Nous n’ignorons pas qu’il y a des intérêts matériels en jeu, comme il est certain que les profits que cette guerre procure à telle ou telle catégorie de personnes contribuent à la prolonger ; et c’est un fait significatif que l’inclination pour ainsi dire instinctive de ces milieux pour l’Entente ; on dirait qu’ils savent que c’est la volonté de nos ennemis qui s’oppose au rétablissement de la paix. Et puis, il faut tenir compte du rôle fatal à la cause de la vérité que joue dans de pareilles conjonctures la célèbre balle d’or ou d’argent qui tue les consciences. Mais n’y eût-il pas contre la vérité cette conspiration des intérêts, qu’il resterait sur son chemin un autre obstacle des plus sérieux. Il faut le dire, la disposition générale des esprits, à notre époque, n’est pas favorable à la diffusion du vrai. C’est un fait remarquable que, dans un temps où la science a fait de si grandes conquêtes, de si merveilleuses découvertes, où elle a détruit tant d’idées fausses, où elle a frayé une voie si large à la vérité, l’amour et le respect du vrai semblent avoir plutôt fléchi. La vérité reste ou plutôt elle est plus que jamais la fille des dieux que peu aiment à rencontrer et qui n’est guère connue : on est beaucoup trop disposé à sacrifier ses convictions à ses intérêts, à renier une vérité importune en faveur d’une fausseté profitable. L’affaiblissement du respect pour la vérité est un phénomène qui date d’avant la guerre ; peut-être la suggestion continuelle exercée sur les masses par les organes de publicité, dont la puissance s’est si démesurément accrue et que dominent si fortement les préoccupations mercantiles, n’est-elle pas étrangère à ce fâcheux phénomène. La campagne passionnée en faveur de doctrines manifestement fausses, dont s’accompagne la guerre actuelle, a achevé de tuer l’amour de la vérité. Quand cette guerre sera finie, et que les esprits auront recouvré leuxtranquillité, une grande et ui-gente tâche s’imposera aux nations cultivées et sollicitera leur commun effort : ce sera de