Revue de Hongrie 32-33. (1925)

15 mars - En Mémoire de Jókai, par M. le Dr. Georges de Lukács, député, ancien ministre des Cultes et de l'Instruction Publique

92 REVUE DE HONGRIE Voyez Petőfi, ce grand génie, auquel toute l’humanité a rendu hommage ; tout le monde reconnaît que son esprit national est des plus ardents, et que ses dons poétiques le rangent à côté d’Homère et de Dante. Même nos ex-adversaires, à l’exception des trois Etats dits successeurs, s’inclinent devant la grandeur de son talent. Il en est de même de Madách dont l’esprit poétique et philosophique, embrassant tout l’univers, a forcé non seulement l’admiration de ses compatriotes, mais aussi celle des autres pays. A son époque, Jules Andrássy l’aîné sut assurer à la Hongrie un rang convenable, dans le concert des nations. Et si jamais nous devions lui en être reconnaissants, c’est de nos jours, lorsqu’il s’agit de reconquérir, parmi les nations euro­péennes, une digne place à notre pauvre patrie mutilée et pour ainsi dire excommuniée. L’évêque Arnauld Ipolyi, qui eut pour devise : « Deus et Patria » et déploya une activité féconde dans tous les do­maines intellectuels et scientifiques, fut une personnalité si supérieure qu’on pourrait le désigner le produit exceptionnel d’une culture dont seules les grandes nations civilisées peuvent se vanter. Voici maintenant Maurice Jókai. Jókai est le conteur immortel de la nation hongroise. Mieux qu’aucun écrivain il sut s’emparer de l’âme hongroise dans ses œuvres qui charment, enchantent et restent toujours belles. Il est l’écrivain hongrois le plus connu, le plus popu­laire et le plus lu ; ses œuvres sont répandues par millions dans tout le pays. Non seulement dans notre pays, mais aussi à l’étranger, car il a été traduit dans toutes les langues civili­sées. Le fait que la critique étrangère l’accueillit très favora­blement prouve que Maurice Jókai, tout en étant avant tout un écrivain hongrois, s’était élevé à une hauteur universellement humaine, circonstance qui lui assigne aussi une place éminente dans la littérature européenne. Le rayonnement mondial des œuvres de Jókai nous inté­resse non seulement parce qu’il s’agit du succès d’un écrivain hongrois, mais parce que, dans ses écrits, c’est l’âme de la race hongroise qui parle au lecteur, en chantant sa gloire et sa grande mission. Il est bien vrai que si les traductions

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