Nouvelles Études Hongroises 9. (1974)

Relations franco-hongroises - La Passé - Jean Marcenac: En l'honneur de Sándor Petőfi

En i'honneur de Sándor Petőfi Ne prêtons point à la poésie de plus grands pouvoirs qu’elle ne possède. Et puisqu’il m’est donné cet honneur de prononcer devant vous les brèves pa­roles inaugurales qui préluderont à la haute parole de Sándor Petőfi, laissez-moi d’abord me mettre en garde et nous y mettre tous contre les facilités de l’en­thousiasme et du pathos, qui semblent si naturellement de saison lorsqu’il s’agit du poème. Tenons ferme ici à la sévère sagesse, à l’expérience de Rimbaud, lorsqu’il nous dit : Poète ! ce sont des raisons Non moins risibles qu’arrogantes !... Ne croyons donc pas, comme on l’assure trop fréquemment, qu’il existe quelque obscur miracle, dont jaillirait, incompréhensiblement, cette lumière de Petőfi qui, comme le pinceau tournant d’un phare, éclairerait le passé, le présent et l’avenir hongrois. J’en ai quelque regret, songeant au facile discours que je pourrais tenir et à la rhétorique assurée sur laquelle je n’aurais qu’à prendre appui. Il me suffirait d’accepter de demeurer à la surface des choses. C’est ainsi que, parmi toutes les plaisanteries bien françaises, il en est une qui consiste à considérer le hongrois comme une langue incompréhensible. Traduit du hongrois c’est traduit du martien, et ceux qui nous ont révélé vos romanciers, vos poètes, vos essayistes, ceux qui ont pénétré dans la profondeur de la culture hongroise pour en ramener la clarté, nous apparaissent toujours comme de singuliers astronautes miraculeusement revenus d’une fantastique planète. N’étant juste linguiste que ce qu’il faut pour n’être point aujourd’hui anachronique, je ne sais ce qu’on doit penser de ces arcanes de la langue hongroise, mais étant homme je sais ce qu’on doit penser de ces arcanes de la langue hon­groise, mais étant homme et me voulant tel, je sais parfaitement, en revanche, ce que la terre entière doit de très compréhensible à ce chant en lui-même incompréhensible et qui, traduit, nous donne sans défaut le plus clair et le meilleur de l’homme. Certes, il n’y a rien d’étonnant à ce que des écrivains, des philosophes portés par l’élan d’une langue conquérante, comme l’anglais, l’espagnol, le français, le russe, l’allemand, accèdent sans peine à l’universel. La langue de * * Disc ours prononcé le 14 avril 1973, à la Maison de la Chimie de Paris, à 1 occasion d une soirée or­ganisée en 1’ honneur du 150e anniversaire de la naissance de Petőfi.

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