Le Moment, Juiliet 1939 (Année 7, no. 1298-1323)

1939-07-22 / no. 1315

BUCAREST 7-me ANNÉE No* 1315 ^ax® aeqoiùe en eapeee-« eenftmttäme«! ' ---- P ordre No 24.457ÍÖ39 delà Direction BUCAREST (15, RUE BREZOIANU Rédaction, Administration TéL 3.10.40 Direction : Téléphone 4.25.34 * Imprimerie et Ateliers de Photogravure „Le Moment" ( f 2, rue Arist Demetriade, T^ël. 5.19.91 DIRECTEUR:c ALFRED HEFTER" -, Propriétaire: Le Moment S. 2ù Inscrit an registre de publication* dtt Trib. d'ilfov, sous le No. 243/1938 Generale P. T. To 4 PAGES 3 LEI u Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D'INFORMATIONS POLITIQUES. ÉCONOMIQUES ET SOCIALES M ROOSEVELT PART EN GUERRE Depuis vingt qua­­tre heures on ne par-À , le que de cela : M. Roosevelt est décidé à VIS' ML faire ia guerre à la Chambre des Représentants par­­cequ’elle a ajourné à l’automne la discussion sur la modification du ,,Neutrality Act”. Les adversaires du Président des Etats Unis présentent en A- mérique et surtout en dehors de l’Amérique, le vote du Conseil comme une défaite de la politique rooseveltienne. Supposant même qu’il en soit ainsi, cette défaite, — il faut bien le préciser, — ne cor­respond pas à une victoire de la politique de stricte neutralité et de l’absolu non-in terven tionisme. En voilà les preuves: 1) Le Congrès n’a pas refusé à M. Roosevelt la modification de la loi sur la neutralité, modification qu’il jugeait encore prématuré, mais seulement le vote, pendant la session actuelle, de cette modi­fication. Un journal qui a toujours fait de l’opposition au Président Roo-* sevelt, le „New York Worldtele­­gramme”, écrit, en effet, à ce su­jet dans son numéro d’hier: ,,Le chancelier Hitler doit se dire, a­­vant de déclencher une guerre eu­­ropéenne, que l’opinion publique des Etats Unis pourrait ramener le Congrès à Washington pour Je­ver l’embargo en moins de temps qu’il faudrait pour s’écrier „Auf Wiedersehen !”. 2) Les adversaires de M. Roo­sevelt estiment que les Etats U- nis doivent se réserver le rôle d’ar­bitre. Ceux-ci assumeraient ce rôle si l’on modifiait tout de suite la loi sur la neutralité dans le sens de pouvoir^ livrer des armes unique­ment aux démocraties. Qu’il faut donc attendre le déclenchement du conflit et ensuite seulement, mo­difier d’urgence la loi. Par conséquent sim l’attitude à prendre si une guerre éclatait — pas de divergence. La divergence existe sur l’attitude à prendre à l’heure actuelle. 3) En troisième lieu, il faut no­ter que parmi ceux qui ont voté pour l’ajournement, il y en a nom­bre qui ont manifesté ainsi des ressentiments provoqués par des causes complètement étrangères à la quéstion discutée. Par exemple, les représentants du „Silver Block” ont estimé que, en votant contre la proposition Roosevelt, ils se vengeraient du fait que le pré­sident leur a refusé de vendre l’argent à un cours plus haut que celui d’aujourd’hui. Il y a, c’est à dire également, comme le disait hier Saint-Brice dans .,Le Journal” — des consi­dérants de stricte politique inté­rieure qui sont intervenus dans le débat mais qui — au moment d’u­ne recrudescence de la crise inter­nationale — ne compteraient plus. „A l’heure H — notait à son tour hier „La République” — tous les Américains se retrouveront comme un seul homme derrière le Président Roosevelt”. ■ Mais le Président Roosevelt ne veut pas attendre l’heure H et ne tardera pas de partir dès main­tenant à la conquête de l’opinion publique américaine et à faire ral­lier tout son pays à son point de vue. Au cours de la matinée de jeudi le président du conseil du Japon, les mi­nistres de la Guerre et des Affaires Etrangères se sont réunis pour discute,r la situation créée par les conversations Arita- Craigie. L’ambassadeur de Grande Bre­tagne a télégraphié à Londres a­­fin de demander les instructions pour l’entrevue fixée au 21 juillet. Ä Malgré la sévère discrétion qu’­on observe dans tous les milieux, le correspondant de l’agence Ha­vas croit savoir que les conver­sations anglo-japonaises n’ont fait aucun progrès et que la discus­sion est restée stérile. Il parait que l’ambassadeur bri­tannique s’est borne à répéter qu’il lui est impossible de se laisser entraîner dans des discussions en dehors du cadre de la question concernant Tien-Tsin. L’ambassadeur britannique au­rait observé amicalement que l’Angleterre ne reste pas aveugle devant les changements dans l’Ex­trême Orient et qu’elle serait elle-même disposée, à l’avenir, à discuter à l’amiable avec le Ja­pon, pour adapter sa politique à l’état des choses existant, mais il a ajouté qu’une pareille discussi­on est impossible tant que l’affai­re de Tien-Tsin n’est pas soluti­onnée. M. Arita aurait demandé à l’Angleterre de reconnaître l’état virtuel de guerre entre la Chine et le Japon, formule qui parait plus conciliante que celle qui pré­tendait à la collaboration de l’An­gleterre avec le Japon en vue du nouvel ordre en Extrême Orient. Par contre, on fait ressortir que cette formule est dépourvue de clarté et qu’elle pourrait soulever de nombreux problèmes. Le 20 juillet 1939 Nous lisons sous la signature d’un grand économiste : pourquoi parle-t-on tant de la „guerre des nerfs” ei accorde-t-on moins d’im­portance aux „nerfs de la guerre”, aux finances des nations totalitai­res et des nations libérales qui sont aux prises, dans la prépara­tion de l’offensive et de la défen­sive? Ne voit-on donc pas que plus encore que les „nerfs” des gouver­nements et des gouvernés, l’ar­gent est mobilisé dans les deux camps: • * • Oui ! c’est vrai. Ce ne sont pas seulement la patience et le sang­­froid des peuples qui sont aujourd’­hui mis à l’épreuve. Une autre gu­erre d’usure se déroule, sous nos , yeux, sous l’étiquette de la paix: le combat financier, imposé par la course aux armements. Machiavel avait combattu dans ses „Discorsi”' l’opinion, attribuée à Curtius Rufus, comme quoi l’ar­gent serait le „nervum rar um”, le nerí de la guerre. Mais c’était un machiavélisme. La réalité a été exprimée par le maréchal Jean-Jac­ques Trivulzioi lorsque Louis XII lui demanda combien de victuailles seraient nécessaires pour la con­quête du duché de Milan: „Sire — répondit le maréchal — pour cette conquête, comme pour toute autre, il faudrait trois choses: de l’ar­gent, de l’argent et encore de Far­gent”. Et, en effeti depuis que les puis­sances occidentales se sont mises à organiser leur déiense et à se préparer à toute éventualité, on ne parle que d’argent. Elles ont re­noncé à la norme budgétaire, elles ont transgressé les principes de la stricte orthodoxie, elles font tout pour se procurer de l’argent. Mais la question d’argent ne se pose pas seulement pour elles. Elle se pose aussi impérativement pour les puissances totalitaires. Si l’cn ramène donc la question de la guerre à un problème de fi­nancement il est bien de se de­ LONDRES, 20 (Rador). — Ce matin, le ministre des affaires é­­trangères a reçu un long rapport de sir Robert Craigie, ambassa­deur de Grande Bretagne à To­kio, sur la deuxième conversati­on préliminaire qu’il a eue avec M. Arita. Les milieux diplomatiques an­glais affirment que le gouverne­ment adressera aujourd’hui mê­me ses instructions à l'ambassa­deur britannique de Tokio, afin qu’il les reçoive avant l'entrevue qu’il doit avoir demain avec le ministre des affaires étrangères du Japon. Un navire de guerre japo­nais a sombré LONDRES, 20 (Rador). — Un communiqué officiel chinois man­de qu’un navire de guerre japonais a sombré lundi dernier, au large de Tchéuen, surpris par un typhon. Les autorités japonaises ont pris des mesures pour que le navire sont remis à flot. a demandé aux tierces puissances de comprendre le but véritable que le Japon poursuit en Chine et a pré­cisé que son pays veut le maintien de l’ordre en Extrême Orient, par la collaboration avec la Mandchourie et la Chine. „Le Japon ne pense pas à écarter de Chine les droits et les intérêts des tierces puissances, — a affirmé le premier ministre nippon. TOKIO, 20 (Rador). — 'Au­jourd’hui, l’amiral Oïoumi et le général Terauchi se sont embar­qués à Yokohama pour se rendre à Naples et ensuite à Nuremberg, où comme représentants du Ja­pon, avec le grand financier japo­nais Takashi Isaka, ils assisteront au congrès du parti national-so­­* cialiste. EN EXTRÊME ORIENT Le gouvernement anglais a adressé de nouvelles instructions a son ambassadeur a Tokio M. Hironouma ne veut pas léser les droits des tier­ces puissances en Chine TOKIO, 20 (Rador). — M. Hi­­r&nouma, président du conseil, a. pro­noncé aujourd’hui un discours* l’occasion de l’inauguration des tra­à vaux du comité de direction du bu­reau des affaires relatives à la Chine. L* orateur a préconisé l’application intégrale du pacte antikomintern. Il SÉANCE MOUVEMENTÉE AU SÉNAT AMÉRICAIN La loi sur la neutralité fait l’objet de vives controverses WASHINGTON, 20 (Rador). — Le correspondant de l’Agence Ha­vas mande: Selon des renseignements re­cueillis dans les couloirs du Con­grès, la conférence de Mardi à la Maison Blanche a été orageuse et il y a eu une vive discussion en­tre M. Roosevelt et Hull, d’une part, et le sénateur Borah, d’au­tre part. M. Roosevelt et Hull ont fait un exposé sur la situation euro­péenne, et puis M. Borah, en pre­nant la parole, a décrit tout au­trement la situation en Europe. Les leaders démocrates et ré­publicains ayant déclaré qu’ils ne peuvent demander au Sénat de revenir sur sa décision, le Prési­dent Roosevelt a exprimé son dé­sir que M. Barkley, chef démo­er aie, fasse une déclaration, l’o­bligeant à reconnaître en séance publique, que le Sénat assume toute la responsabilité dans la question de la neutralité. M. Borah est intervenu en pro­testant et a affirmé que: „Le Sé­nat est responsable parce que nom ne sommes pas conduits par M. Hitler”. Le président Roosevelt a an­noncé son intention de discuter le problème publiquement, et le sé­nateur Borah a répondu qu’il re­lève le défi. Un violent échange de mots s’en suivit entre M. Hull et Borah le secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères ayant déclaré que cer­taines réflexions de M. Borah sont de nature à porter atteinte à son prestige. mander aussi qui, sur ce terrain, qui en commande tant d’autres, a plus de possibilités de résistance, plus de réserves, plus de ressour­ces? Est-ce l’axe Paris-Londres? ou bien l’axe Rome-Berlin? Loin de nous l’idée de prendre parti pour l’un ou l’autre de ces deux axes, dans ce débat ! Aux lec­teurs de le faire, si cela leur dit quelque chose. Nous exposerons seulement quelques chiffres et quel­ques données, puisés dans les sta­tistiques officielles: Aux Communes, sir John Simon, chancelier de l’Echiquier, a indi­qué Vautre jour le coût du réar­mement britannique : le budget de 1939—40 lui consacrera 750 milli­ons de Livres, soit 135 milliards de francs et en Lei roumains, un chiffre qui ne compte pas moins de douze zéros. Le Trésor britannique est sûr de trouver cet argent sur son mar­ché monétaire sans devoir en cré­er, par voie d’inflation. Les capi­taux existants auront concouru, d’eux-mêmes, à le prouver. On dit que l’Etat français a é­­gaiement une tâche facile, — pour trouver les milliards qu’il lui faut. Si Von vent maintenant voir quelle est la situation dans l’autre camp, on constate que Berlin et Rome manquent d’or et de devises et on paie les fournisseurs avec des Bons d’impôts. Ils ne recourent pas à l’emprunt puisque les res­sources sont, sur le marché inté­rieur, restreintes et doivent aug­menter, autrement, la circulation fiduciaire. Le dernier bilan de la Reichsbank accuse, en effet, une progression de la circulation des billets assez notable: de 6.440 mil­ lions au 30 juin 1938, elle est mon­tée à 8.731 millions au 30 juin 1939. Ceci dit, si nous donnons raison à Machiavel, nous devons convenir que tous ces chiffres ne peuvent nous conduire à aucune conclusion. Mais si c’est le maréchal de Louis XII qui, par hasard, se trouvait dans le vrai, il est plus qu’évident que ces derniers chiffres acquiè­rent une éloquence telle, que point n’est plus besoin d’y ajouter une autre réflexion quelconque. INTÉRIM LA FÊTE DES AILES ROUMAINES " -*S. ' „ .. S. M. le Roi, entouré des membres du gouvernement, écoute le discours du général aide de­­camp Paul Teodoresco. Ministre de l’Air et de la Marine. SAMEDI 22 JUILLET 1939 LE PRÉSIDENT ROOSEVELT vient d’ouvrir une vive campagne en faveur de la modification de la loi sur la neutralité américaine. LETTRE DE PARIS Chaleur et mode — L'Ex­position et le retour des ballets russes — Le triom­phe des oratorios — Les fêtes de la Révolution — On attend un Shakespeare À Paris, juillet 1939 La première vague de chaleur est passée sur Paris, puis repartie. Une fois de plus, à cette occasion, on a pu noter l’anomalie de notre mode, comme de toute mode civi­lisée : Tout Parisien (même petit com­merçant même ouvrier) a un équi­pement parfait contre la chaleur; pantalon de toile fine, chemise ou­verte à manches courtes perméa­bles, chaussures légères et aérées. Par malheur, le protocole interdit tout à fait le port de ce costume à Paris même. Il faut donc que le Parisien prenne, selon sa fortune, son automobile, sa motocyclette ou son tandem, et aille se mettre en tenue légère hors de Paris> dans la „banlieue verte” ou sur l’eau. Pa­ris, en effet, est baigné par quatre rivières et entouré d’une ceinture de forêts. Même dans les parcs de la rille, il n’est pas encore admis qu’on puisse ôter son veston ou dé­nouer sa cravate. La femme, plus heureuse que l’homme, a droit à la robe légère. Une offensive a été tentée par elle pour se dispenser du bas, dès qu’il fait chaud, mais cette abstention est encore une au­dace. La seule vraiment réussi, offensive qui ait c’est l’attaque masculine contre le gilet. Car le gi­let est un cache-bretelles, et les jeunes générations portent la cein­ture. On n’a pas encore songé à uti­liser, contre la chaleur, les tran­chées de la défense passive, bien enfoncées dans le sol, et recouver­tes de gazon. La plupart des pro­menades actuelles de Paris sont d’anciennes fortifications; le mot réel de boulevard veut dire fortifi­cations. Souhaitons qu’un jour les tranchées actuelles n’aient plus à servir que contre la canicule et se transforment, l’été, en délices d’ombre et de fraîcheur. • * » Nous avons pu voir, à la fois, l’exposition des Ballets Russes et leur reprise. Ces Ballets Russes é­­taient, autrefois, une lutte brillan­te contre la tradition classique re­présentée par l’Opéra. Aujourd’hui, par un retour des choses, qui est bien français, ils se sont incorpo­rés à cette tradition même. Qu’ap­portait l’esprit russe dans les fa­meux Ballets ? Sa fantaisie, son exubérance, un sens vif de l’orne­ment et de l’arabesque. Que leur a donné l’influence de l’esprit fran­çais, de la critique et du public parisien ? Sans doute la pureté du style et le goût. Le goût parisien n’est pas hos­tile à ce qui est très différent des productions naturelles du génie français. Depuis un siècle, il a a­­dopté l’art japonais, les ballets rus­ses, la plastique nègre. Mais dans chaque genre, même étrange, il ne veut ni recommencement, ni rebâ­­chage, ni mélange de deux esprits différents. L’une des exigences les plus particulières, les plus intrai­tables de ce goût, c’est que le dé­cor ne fasse que servir l’oeuvre. Il doit se présenter comme un préli­minaire. Et on exige aussi que la fin d’une oeuvre en soit la partie la plus belle. Telle fut la part de l’esprit français dans les Ballets Russes. Ceux qui présidèrent aux décors furent si heureux d’ailleurs, que cette exposition échappe presque au démodé. / JEAN PREVOST (Suite page 2,

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