Le Moment, Juin 1936 (Année 4, no. 385-408)

1936-06-11 / no. 392

BUCAREST 4m# ANNEE -N* 392. DIRECTION, REDACTION ADMINISTRATION, PUBLICITÉ 15, Rue Brezoionu TéléphoneI - Direction 4.25.34 Redaction, Adminiitration i 3.10.40 IMPRIMER ié 2, rue Aristide Demetriade — Tel., 4.36.61 Adr. télégr. Moment Bucarest Directeur : ALFRED HEFTER 8 Pages 3 Lel motion No. 247.902I19S0 dot P. ** \\^ r Le Moment Journal de Bucarest Quotidien illustré d’informations Politiques, Economiques et Sociales 4S0C Les Fondations culturelles royales de Roumanie La communication faite par M. D. Gusti à l’Académie des Scien­ces morales et politi­ques au commence­ment de l’année dernière, vient de paraître dans une élégante bro­chure, enrichie de plusieurs anne­xes, contenant l’organisation et les réalisations pratiques de cette in­stitution. Nous saisirons cette oc­casion pour exposer brièvement, d’après les indications données par M. Gusti, l’activité et les résultats obtenus par l’Union des Fondations royales. Comme toute oeuvre qui tend à embrasser un champ très vaste d’activité et qui se propose d’at­teindre de nombreux buts prati­ques, les Fondations royales sont le résultat d’une organisation pa­tiente, réalisée par étapes succes­sives au cours de nombreuses an­nées. Ce n’est que par degrés, qu’à l’Institution première se sont ajou­tées d’autres, qui étendaient son in­fluence et complétaient le rôle joué par cet organisme culturel. Et c’est ainsi qu’à présent les Fondations Royales embrassent la vie intellec­tuelle et artistique roumaine, con­tribuant d’une façon décisive à en­richir et à approfondir les manifes­tations variées de l’esprit rou­main. Avec une persévérence inlassa­ble et un grand souci pour les des­tinées de notre vie spirituelle, les dirigeants de ces Institutions ont étendu leur activité, suivant les in­dications de S. M. le Roi, de l’or­ganisation d’une bibliothèque pu­blique, destinée surtout aux étu­diants, à l’ensemble des manifes­tations artistiques et intellectuel­les de notre peuple. Ce n’est donc pas une seule catégorie d’intellec­tuels qui en bénéficie, mais égale­ment la classe paysanne, qui repré­sente la majorité numérique de no­tre peuple; ce n’est pas une Insti­tution limitant son domaine à une seule activité de l’esprit, mais une organisation qui les embrasse tou­tes; ce n’est pas, non plus, un en­semble bureaucratique figé dans des cadres étroits, mais une force dynamique, animatrice et vivante; c’est aussi une école, qui s’est as­signée pour idéal, la mise en va­leur des ressources profondes et authentiques de la vie roumaine. Il y a dans cette entreprise de l’enthousiasme et de la jeunesse. Il y a aussi une conviction inébran­lable dans la valeur de l’esprit po­pulaire. Les Fondations royales ne se proposent donc pas d’aider seu­lement les manifestations savan­tes de l’intelligence roumaine, mais accordent une égale attention au folklore et à la vie populaire. La première Fondation royale date depuis quarante ans et a été créée par le Roi Carol I-er. Au com­mencement elle comportait une bi­bliothèque universitaire, une des plus riches du pays. Mais peu à peu son rayon d’activité s’est étendu et, tout en continuant son rôle uni­versitaire, cette Fondation a com­mencé à organiser des recherches dans notre vie sociale. La seconde Fondation royale, créée par le Roi actuel de Rouma­nie, avant son avènement au trô­ne, étendait largement l’action de l’Institution. Une meilleure existence, au point de vue sanitaire et physique, de nos paysans; des améliorations é­­dilitaires dans les villages; une or­ganisation rationnelle du travail agricole, et de toutes les activités économiques paysannes; une oeu­vre d’éducation morale, religieuse et intellectuelle des paysans rou­mains, voilà les principaux buts que se proposait cette seconde Fondation. Les publications pério­diques, les équipes volantes de pro­pagandistes, et les nombreuses oeu­vres techniques réalisées dans les villages, ont contribué d’une façon efficace à améliorer les conditions générales de vie du paysan rou­main. La Fondation Ferdinand I, ayant son siège à Jassy, était destinée surtout à l’éducation de la jeunes­se et à la publication des collec­tions et des documents concernant notre passé. La Fondation suivante, créée par le Roi Carol II peut être considé­rée, en quelque sorte, comme un ac­te de justice sociale envers la po­pulation de Transylvanie. C’est un Institut de recherches scientifiques, ayant son siège à Cluj. Ces Institutions, se partageant si méthodiquement le champ de la vie spirituelle du pays, devaient être réunies sous une Direction u­­nitaire, dans un seul organisme co­hérent. C’est ce qu’on a fait en 1933, quand, avec la création d’une dernière Fondation, toutes ces In­stitutions furent fondues en une Union. Une analyse même superficielle de la variété des sections de cette Union, du nombre des Collections publiées, des travaux littéraires, scientifiques et philosophiques qui ont paru grâce aux soins de cette Institution, peut donner une vue assez exacte de l’importance de son activité. Par le rattachement aux Fondations de l’Observatoire astronomique de Dubosarii-Vechi (Bessarabie) et par l’administra­tion de l’orchestre Philharmonique roumain, les Fondations étendent davantage leur rayon d’action, em­brassant la totalité des manifesta­tions culturelles roumaines. Par leur organisation, par leur esprit, par la méthode de travail qu’elles poursuivent, et surtout à la suite de l’encouragement direct et personnel de S. M. le Roi, les Fondations royales, représentent la plus vivante et la plus féconde de toutes nos Institutions cultu­relles. lATiüN'r­ L’Amérique prépare ses élections A la Convention de Cleveland, Landon part grand favori (De notre envoyé spécial permanent) New-York, juin 1936 La Convention républicaine pour la nomination d’un candidat prési­dentiel s’ouvrira le 9 juin à Cleve­land (Ohio). A mesure que l’heure de la réu­nion approche les chances du gou­verneur Landon (Kansas) aug­mentent et l’on prévoit qu’il pour­ra être désigné dès le second bal­­lotage. Ce n’est pas à l’activité du can­didat lui-même qu’il faut attribuer cette augmentation de ses chances. Le gouverneur Landon persiste en effet à se tenir coit et à laisser ses agents et les circonstances travail­ler pour lui tandis qu’il continue tranquillement à se balancer dans son rocking-chair sur le porche de sa maison de l’Indépendance. Le fait nouveau est le désiste­ment officiel de l’ex-président Hoover, qui était le chef des for­ces opposées à la nomination de Landon que les républicains ultra­­conservateurs considèrent comme trop libéral. Hoover a déclaré qu’il ne serait point candidat. Reste donc comme adversaire, sérieux le sénateur Borah, mais les primaires révèlent que si grande que soit sa popularité auprès de ses partisans, il n’a aucune chan­ce de se concilier les Etats de l’Est et surtout pas Wall Street. Borah est un des hommes les plus émi­nents de l’Amérique. Son prestige est considérable, mais il fait peur par son indépendance d’esprit et par sa forte personnalité. Les ré? publicains venlent an candidat aus­si terne que possible quitte à dire, lorsqu’ils l’auront choisi, que c’est un nouveau Washington. Sur les 1001 délégués qui se ren­dront à Cleveland 171, ont déjà pris l’engagement de voter pour Lan­don, mais les agents de Landon dé­clarent qu’ils sont sûrs de 318 voix au premier tour. plus compactes, la loi de 1929 leur donne les moyens et la liberté d’en­seigner leur langue maternelle, en même temps que le serbe, considé­ré comme une matière spéciale. Pour mieux connaître le senti­ment du peuple, nous reproduisons les sages paroles de ce même vieux musulman, qui parle à peine le serbe, mais qui, néanmoins, est pro­fondément rallié à l’idée yougo­slave: „Pour vivre, un pays a besoin d’une forte unité sans laquelle il se briserait en tribus, rapidement hostiles entre elles. Nulle part cette unité ne se crée sans heurts, sans violences peut-être. 11 était difficile qu’il en fût autrement chez nous, où l’histoire a dressé l’une contre l’autre des races diver­ses, ou bien les a séparées chacune en tronçons isolés, dont les aspira­tions ont divergé. Mais le senti­ment des intérêts communs d’a-Les délégués des Etats de l’Est observent une réserve prudente mais il est probable qu’ils se ral­lieront à la candidature Landon aussitôt que sa force se sera ma­nifestée. Cela représentera 228 voix supplémentaires soit 548 en tout, 45 de plus qu’il n’est nécessaire pour constituer la majorité. Comment, dira-t-on, peut-on fai­re des calculs aussi précis? Simple­ment parce que les délégations ont l’habitude de voter en bloc et que la discipline est en général très stricte. Dès que la délégation d’un Etat quelconque a décidé de don­ner ses voix à tel ou tel candidat, tous les délégués sont tenus de vo­ter pour lui. Le programme républicain Ce programme est toujours né­buleux. Etant donné la personna­lité de Landon, ou plutôt ce qui semble être son absence de person­nalité, les idées qu’il peut avoir lui-même n’entrent pas en ligne de compte pour le moment. II a du reste eu soin de ne se déclarer sur aucune question importante et les quelques discours qu’il a prononcés sont des chefs-d’oeuvre d’ambi­guïté. Concernant la question épineuse des finances, par exemple, voici ce qu’à dit M. Landon: „II faut que nous ayons une mon­naie saine et un système financier stable. Nous ne devons pas dépen­ser au delà de nos moyens. Il faut que nous réduisions nos dettes et fessions d’en créer de nouvelles”. Tout le monde y compris M. Roosevelt est d’acord sur ce pro­gramme. La question est de savoir comment atteindre ce but. M. Lan­don ne paraît pas plus enclin à se prononcer sur ce point que ne le sont les autres républicains. Sur les autres problèmes, chô­mage, lois sociales, réglementation bord, ensuite l’établissement d’une égalité entière entre les membres de la communauté retrouvée, cré­ent peu à peu une unité indisso­luble“. Il ne faut pas prêter l’oreille aux bruits répandus par les agences intéressées, qui persistent à annon­cer publiquement que la politique de centralisation brutale étouffe la manifestation des traditions loca­les, et que le mécontentement des nationalités et des divers groupe­ments ethniques offrirait un ter­rain favorable à une action de dis­corde et à un mouvement qui pour­rait menacer l’unité de l’Etat. On sait très bien, en Autriche comme en Allemagne, que le destin de la Croatie est étroitement lié à celui de la Yougoslavie, et que la perspective d’un avènement des Habsbourg, loin de faire envie aux jeunes croates, les pousse au con­traire, à se solidariser de plus en de l’industrie etc. M. Landon est tout à fait vague. La difficulté pour les républi­cains consiste à établir un pro­gramme qui emprunte au New-Deal un grand nombre de ses traits es­sentiels, mais qui soit en même temps contre le New-Deal. Il s’agit également d’éviter avec soin tous les problèmes vraiment graves, mais cela ne sera sans doute pas très difficile, car les démocrates sont résolus à en faire autant. Le conflit sera donc d’essence purement politique. Ni les républi­cains ni les démocrates n’ont la moindre envie de lever des lièvres. A Washington Dans l’entourage du gouverne­ment on est de plus en plus calme. M. Farley grand imprésario des dé­mocrates, est aussi sûr du résultat que le pourrait être le manager de Joe Louis à la v.eille d’un combat contre le nonagénaire John D. Rockefeller. M. Farley va jusqu’à prétendre que Roosevelt sera réélu par une majorité plus forte qu’en 1932. Il exagère, sans doute, car si les adversaires du Président ne sont ni très bien organisés, ni très sûrs d’eux-mêmes, leur haine contre M. Roosevelt personnellement ne s’at­ténue guère. On continue à voir en M. Roosevelt une sorte de monstre hybride représentant à la fois le communisme et le fascisme. Avec une entière bonne foi, beau­coup de gens fort intelligents con­sidèrent que s, occupe la Maison Blanche, pendant quatre autres années, la ruine et la révo­lution dévasteront les Etats-Unis. Un Bostonien, fort riche, me dit: — Ne me demandez pas d’expli- Jacques Fransales (Suite en page 6) Le 9 juin 1936 Les résultats de la réunion des Chefs d’Etat de la Petite-Entente, apporteront certainement de la joie à tous ceux gui désirent la paix, et qui manifestent la volonté de la défendre, et au besoin, de l’im­poser. • » * Le caractère d’homogénéité de la manifestation des trois pays, qui s’est déroulée à Bucarest, peut ser­vir de leçon à tous ceux qui fo­mentent, surtout en Yougoslavie, les mouvements irrédentistes. De plus, ceux-là pourront ap­prendre quel est le point de vue du peuple yougoslave envers le ré­gime actuel. A Bucarest, a parlé au nom de son pays le Prince Régent Paul. Le même jour, un vieux musulman d’Herzégovine, assis auprès d’une antique fontaine à vasque, sur une dalle de marbre, a déclaré à un re­présentant de la France, M. Raoul Labry. „Sous l’Autriche, comme sous les sultans, nous n’étions, nous, hommes de la terre ou marchands, que des gens de rien. Toutes les faveurs allaient aux seuls beys, ac­capareurs de terre. Aujourd’hui nous avons une pleine égalité de droits avec nos frères orthodoxes ou catholiques. Nos fils, comme les leurs, peuvent être officiers, profes­seurs, ingénieurs, fonctionnaires. Un des nôtres est ministre des tra­vaux publics. Notre religion jouit des mêmes privilèges que les au­tres: droit d’association, soutien financier de l’Etat pour l’entretien des mosquées, si les biens vakoufs n’y suffisent pas. Quant à nos cou­tumes, elles sont respectées par tous, et vous voyez nos femmes fré­quenter sans aucune crainte maga­sins et promenades des giaours. Nous restons nous-mêmes sans être parqués hors de la vie commune. Aussi sommes-nous sujets fidèles de la monarchie yougoslave. Notre attachement est absolu. La mort du roi Alexandre a été pour chacun de nous un deuil personnel, comme elle l’a été pour les paysans de la Vieille-Serbie“. En Yougoslavie, il est fort diffi­cile d’introduire le racisme. La force du pays, son unité et son existence, résident dans l’applica­tion du principe de la tolérance confessionnelle, à l’égard de tous les peuples qui cohabitent sur son territoire. Quelle que soit la race ou la religion des différents grou­pements ethniques, ceux-ci jouis­sent de toute leur liberté. Les Turcs et les Albanais peuvent par­ler et cultiver leur langue, et, là où ces populations habitent en masses plus avec leurs frères de Belgrade. C’en est fini avec le miroitement do la monarchie dualiste. L’unité yougoslave est indissoluble, et le pays tout entier, au sein de la Pe­tite-Entente, ne manquera pas de donner, s’il le faut, les preuves de sa volonté de rester indestructi­­blement lié à la cause de la liberté et de l’indépendance nationale, ga­ranties par les traités, et renfor­cées par les Pactes régionaux. La Roumanie a le droit d’être fière que de Bucarest, soit parti un nouveau message de paix, signé so­lidairement par les trois Chefs d’Etat, message ayant comme ga­rantie le sentiment unanime des trois peuples, décidés à garder à ja­mais et à tout prix les libertés et les droits acquis après plusieurs siècles de souffrances, de sacrifi­ces et d’héroisme. Alfred Hefter LA RECEPTION A LA LEGATION DE TCHECOSLOVAQUIE S. M. le Roi Carol n, S. A. R. le Prince Régent Paul de Yougoslavie, M-me Georges Tataresco, M. Nicolas Titulesco assistant au dîner offert par M. Jan Seba en l’honneur du Président Bénès, qu’on voit sur notre cliché, de dos, ayant à sa gauche S. M. le Grand Vqévode Mihai 1 I,’( J3UH H J J M 1935 [ Ën page: 3 5 Après la catastrophe de Cotroceni I En page 4i I Le problème moné­­# J taire et le cabinet Blum ï En page 6: | Notre interview avec I Mme Suzanne Lacore ! Sous-sécretaire d’Etat à la % Protection de l'Enfance % ................................... L’école des jeunes mariées „La France est comme une jeune mariée qui attend”.. L. B. C’est la fin d’un de ces maria­ges civils carillonnés comme on en voyait tant parmi la noblesse ré­publicaine dans les années 80 du dix-neuvième siècle, et qui sem­blent tout à fait hors de mode: de nos jours, les conjoints qui se pas­sent du sacrement et s’en tiennent à la bénédiction municipale reçoi­vent celle-ci dans la plus stricte in­timité. Il faut cependant croire que les héros de la fête d’aujourd’hui sont des personnages d’une exception­nelle importance; car la cérémo­nie laïque a eu lieu dans ce palais qu’on appelle encore Bourbon (scandale verbal, par parenthè­ses, avec lequel on finira bien par en finir) tout Paris a défilé devant eux dans une salle immense à côté de laquelle on leur a réservé un petit salon intime. C’est là mainte­nant qu’ils se trouvent, tête à tête, pour la scène à faire. Les derniers retardataires leur ont adressé les compliments d’usa­ge et se sont éclipsés discrètement ; mais on entend au lointain l’Inter­nationale qui remplace les tziga­nes de jadis. Lui, ne sachant trop que dire fredonne le duo de Lohen­grin, et d’Eisa, qui est de circon­stance, mais dont les paroles s’ac­cordent mal avec le poème d’Eu­gène Pottier, et la musique avec celle d’Adolphe Degeyter. Il mur­mure, d’une voix aimablement fausse: „Nous sommes seuls tous deux pour la première fois... Viens respirons ces senteurs embaumés“, etc... Et la réponse est, à la canto­nade: Debout! les damnés de la terre, | Debout! les forçats de la faim La raison tonne en son cratère... Lui et Elle sont beaucoup trop artistes pour ne pas souffrir ex­trêmement quand on leur corne aux oreilles que la raison tonne en son cratère. Du passé faisons table rase... Elle sourit. j C’est la lutte finale... Il soupire. Oui, le moment est venu de marcher, et peut-être a-t­­il montré jusqu’ici trop peu d’em­pressement. — Chère amie, dit-il d’un ton mal assuré, je devine votre impa­tience et aussi vos appréhensions... Elle ne peut cette fois s’empê­cher de rire franchement. — Je crains, dit-elle que vous ne fous fassiez sur mon compte des illusions un peu... bourgeoises, et !a loyauté la plus élémentaire m’ordonne de les dissiper sans plus attendre. Avant de devenir mon seigneur et maître, que vous êtes depuis une demi-heure à peine, vous avez été mon maître au sens de professeur. J’ai lu votre livre sur le mariage, vos idées sont les miennes et je les ai mises en prati­que. J’ai enterré ma vie de jeune fille, comme vous votre vie de garçon; mais, avant de l’enterrer, je l’avais menée... comme vous. N’est-ce pas votre doctrine? Lui. — Oui... oui, sans doute. Elle. — De quoi donc serais-je impatiente, et de quoi serais-je in­quiète, puisque vous ne pouvez me procurer aucune surprise ? A moins que vous n’ayez inventé un frisson nouveau. Mais je n’ose pas l’espé­rer. Pourquoi prenez-vous cet air déconfit? Pensez-vous avoir épou­sé une de ces jeunes filles bien é­­levées d’autrefois qui, le soir des noces, disaient à leur mari, quand il prétendait exercer son droit: „Mais monsieur, vous êtes fou?“. M’avez-vous trouvée tout à l’heu­re en conversation chuchotée avec ma sainte mère et sollicitant d’elle les conseils suprêmes? Pauvre dame ! C’est plutôt moi qui pour­rais lui donner des leçons... grâce aux vôtres, et, entre nous je crois qu’elle n’en reviendrait pas. Ce n’est pas vous, je suppose, qui me reprocherez d’avoir fait des expé­riences avant de faire une fin? C’est assez rassurant pour vous en un sens. Comme j’ai maintenant essayé toutes les constitutions de tous les gouvernements... Abel Herment de l’Académie Française (Suite en page 61 I

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