Le Moment, Juin 1937 (Année 5, no. 688-706)
1937-06-11 / no. 691
RTTHARERT 41"0 1NNPP _ W» COI Tait pasiéi/ stiver èlrtcftmenl, conferment tx 1 puuauogi » a ^iw tcr. w oai r«ppToUtlo„ No, 247 msi 1953 ieM P. Tt r. BOtiA BEST; 15, rue Brezolano Rédaction, Administration Tél. 3.10.4Q Direction Téléphone: 4.25.34 Imprimerie et Ateliers de Photogravure ,LK MOMENT“ 2, rue Arist. Üemetriade. Tél. 4.56.61 Directeur : ALFRED tlEFTEK i/j ! ; -----Le Moment Journal de Bucarest Quotidien illustré d’informations Politiques, Economiques et Sociales (Mlle Magda Iorga mettant Paris, juin 1937 Dans les différentes chroniques que j’ai consacrées à l’Exposition et à l’activité des roumains au sein de cette exposition, j’avais donné, comme date probable de l’inauguration du pavillon roumain, celle du 18 juin. J’avais aussi prévenu les lecteurs du „Moment“ que, si des retards dans l’ouverture avaient du être enregistrés, ils n’étaient en aucune façon imputables au Commissariat. Ces retards n’ont été dûs qu’à la mauvaise organisation du travail faite par une entreprise parisienne. Les ouvriers, en l’espèce, taient pas fautifs et ils ne n’édemandaient qu’à donner le coup de collier final, pour que le pavillon puisse être entièrement terminé. _ Aussi, vendredi, le prof. Gusti décida-t-il devant la carence de l’entreprise, qui demandait un quatrième délai pour l’exécution des travaux qui lui avaient été confiés, de faire un coup de force, de rompre le contrat le liant à la Société: „les charpentiers de Paris“, et d’engager individuellement, d’accord avec la C. G. T., des ouvriers français, qui, de commun leurs camarades roumains, avec ont à charge, en travaillant chaque jour, dimanche y compris, de livrer le pavillon dans le temps le plus court. Depuis la décision prise par le Commissariat Général, tout va pour la mieux. Mercredi sans doute, il n’y aura plus un ouvrier plâtrier ou charpentier dans le pavillon, et seuls demeureront encore les aides-monteurs, employés pour ’’organisation et la présentation des différentes sections par les excellents artistes qui les ont conçues. Le prof. Gusti m’a confirmé ce matin, les différentes dates officiellement retenues. Le programme des inaugurations Le 15 juin, à 20 heures aura lieu l’inauguration du restaurant roumain, où déjà le 8 juin, aura été donné un déjeuner intime aux collaborateurs du prof. Gusti. Après l’inauguration, grand dîner de 350 couverts. Le 18, inauguration solennelle du pavillon de la Roumanie, en présence de M. Victor Antonesco, mi-la dernière main a sa fresque) nistre des Affaires Etrangères. Des discours seront prononcés par le prof. Gusti, ancien ministre, M. Edmond Labbé, Commissaire général de l’Exposition, Bastid, Ministre du Commerce, et Victor Antonesco. Le soir aura lieu, à l’Opéra, une reprise d’Oedipe, de Georges Enesco. M. Albert Lebrun, Président de la République, assistera à cette représentation de grand gala. Voici ce qui est prévu pour l’instant. A bientôt le programme auditif des nombreuses manifestations qui viendront corser une ouverture que tout le monde attend: celle de la magnifique Maison de la Roumanie édifiée sous le ciel de Paris. Roger Delpeyrou Dernières retouches à wt panneau mural Le comte Sforza, publiciste international qui s’est spécialisé dans les problèmes de l’Economie mondiale, nous a envoyé l’article suivant, où il analyse et commente certaines tendances qui se manifestent actuellement en Angleterre et aux Etats- Unis, relatives aux commerciales avec les relations autres pays. Nous espérons que ces aspects de la situation économique internationale tracés par le comte Sforza au lendemain de la mission dont M. Van Zeeland a été chargé par le gouvernement français et par gouvernement anglais intéresle seront les lecteurs du „Moment". La paix économique du monde et les responsabilités anglo-saxonnes Que peut représenter au juste — comte symptôme, comme espoir — l’invitation adressée par les gouvernements de Londres et de Paris à M. van Zeeland d’entreprendre une enquête internationale. sur les possibilités de réduire les barrières douanières qui rendent si intolérable et dangereuse la vie économique et morale du monde entier? La personnalité du Premier Mi? nistre belge permet d’espérer. Le sentiment de sa propre valeur, de sa dignité personnelle, l’empêcheront de considérer l’enquête comme les vieux renards de tant de Parlements considèrent toutes les enquêtes: un moyen élégant de ne rien décider tout en jetant de la poudre aux yeux. Au surplus, M. van Zeeland est un économiste belge; et les Belges savent trop bien que leur pays ne peut pas vivre i ans un monde s’éloignant de plus en plus du libre échange qui fut à l’origine et à la base de la. fortune industrielle de la Belgique. Le Président du Conseil français, de son côté, ne peut pas ne pas se rendre compte que si la plupart des prétendus „désordres” français sont l'invention de gens qui préfèrent leurs intérêts à leur patrie, il est autrement pour ce qui est de la constante augmentation des prix de détail à travers toute la France: ce phénomène constitue un vrai danger; danger potentiel, si l’on veut, mais qui peut devenir formidable. C’est dans cette pensée que M. Blum trouvera pro-’1 babiement la force de s’imposer à une administration française dont les habitudes mentales sont nouvelles, et même le roman nécessaire pour bien présenter un journal de matin! N’était-on pas heureux et très fier, (il n’y a pas longtemps de ça) d’annoncer qu’un autre journal à grand tirage, publiait des romans à succès, et que ces romans étaient l’oeuvre de la collaboration de 12 rédacteurs qui écrivaient chaque jour un autre chapitre! Romans à suivre. Palpitants. Sensationnels. Un jour, c’était un reporter chargé des faits divers, qui menait les héros dans les bouges des plus tristes faubourgs, pour assister aux crimes ou pour participer aux jeux des apaches de Varsovie. Un autre jour, c’était le rédacteur politique qui conduisait les héros dans les milieux des chefs de parti, dans les salons des diplomates ou dans les réunions publiques, pour dévoiler aux lecteurs les coulisses si variées et si pittoresques de la vie des hommes d’état. Et le chapitre écrit par le rédacteur de la rubrique commerciale, de la finance et de l’industrie, révélait aux cutieux, le mécanisme de la bourse, les portraits encore loin de s’eu rendre compte. Tandis qu’en Angleterre, au contraire, c’est le public qui pourrait aisément être amené à admettre une réduction des tarifs britanniques, si artificiellement gonflés en 1931, parce que cette réduction contribuerait à assurer plus de bien-être et de paix au monde entier; mais ce sont les gouvernants qui, à Londres, entravent le généraux mouvement de conversion prêt à se dessiner dans tous les rangs du peuple. U en a été ainsi, d’ailleurs, tous ces derniers temps, pour nombre de problèmes internationaux, grands et petits, où le cabinet Baldwin ne marcha qu’à la dernière minute, poussé par une vague d’opinion publique; hier encore — pour ne prendre qu’un petit exemple épisodique, — M en fut ainsi pour le pseudo-blocus de Bilbao: le gouvernement était prêt à s’incliner devant les rodomontades de Franco, tandis que le fier vieil esprit de la marine anglaise sentait d’instinct qu’il ne fallait pas tenir compte de recommandations inspirées par une craintive prudence sans exemple dans les annales de l’histoire navale anglaise. Ceux qui — comme l’auteur de ces lignes — ont eu l’occasion de causer avec de hauts fonctionnaires britanniques du problème con fié à M. van Zeeland ne peuvent pas ne pas avoir été surpris par un fait: ces messieurs donnent l’impression de n’être disposés ou autorisés à encourager de la part d’autres nations, l’abaissement de restrictions douanières ou la sup- Comte Sforza (Suite en page 4) Le 9 juin, 193? Après la visite de Son Excellence le Président de la République Polonaise, tous ceux qui s’intéressent à la politique intérieure de notre grande amie et voisine, se demandent lequel est au juste, le „spiritus rector“ de la Pologne. Est-ce le général Smigly-Rydz? Est-ce le colonel Koc? Est-ce le président Moscicki? Est-ce le colonel Beck? Est-ce le colonel Kowalewski, secrétaire général du Front National Polonais? Est-ce le président du Conseil, M. Skladowski? 'X* vr -X* Après la mort du chef suprême et vénéré de la Pologne ressuscitée, le maréchal Pilsudski, le pays, tout en gardant les cadres d’un système totalitaire et autoritaire, se sent dominé par un grand nombre de personnalités, dont lès qualités exceptionnelles sont tout aussi marquantes que leurs ambitions et leur volonté de servir la nation, de la rendre heureuse. En effett la Pologne peut se permettre le luxe d’une nouvelle expérience sociale et historique. Elle a le courage de faire valoir devant l’humanité un modèle d’Etat dans lequel la dictature n’implique pas un dictateur, un seul. Pourquoi ne pourrait-on réaliser sur le principe de la discipline, de la hiérarchie, de l’autorité et du nationalisme intégral, un état totalitaire qui serait gouverné ou plutôt administré, par plusieurs têtes, sous le signe d’une volonté unique et d’un idéal absolu, représenté par la mémoire d’un chef, en l’occurrence, par la mémoire de Pilsudski? Ce qu’exemplifie la Pologne d’aujourd’hui, ce n’est pas le produit du hasard ou d’une fantaisie. On fait continuer l’oeuvre gigantesque d’un auteur, par une douzaine de disciples aussi qualifiés que fidèles, à l’esprit du maître. La psychologie de la nation se prête très bien à ce genre de collaboration dont la caractéristique principale est le mélange d’héro'isme réaliste et de patriotisme mystique. Qui a été surpris d’apprendre un jour que le journal „5 heures du matin“ est rédigé en entier par une seule personne? On était content de pouvoir dire qu’un seul homme, propriétaire et directeur d’un quotidien, pût fournir continuellement et tous les jours, tous les articles, tous les reportages, les , fâcheusement protectionnistes. D’autres personnalités, dont le Premier Ministre néerlandais Colijn, ont déjà manifesté dans d’importants discours, l’intention de coopérer sérieusement à une guérison économique de l’Europe. Mais que peuvent ces forces éparses sans l’appui sincère du monde anglo-saxon? Or, pour le monde anglo-saxon, nous assistons à cet étrange paradoxe: le Président Roosevelt est convaincu, ainsi que ses ministres de la nécessité de faire machine arrière sur la voie du protectionnisme, mais une partie trop importante du public américain semble si étranges de ceux qui dirigent dans l’ombre mystérieuse des banques, les prix du marché, le coût de la vie et les lois très compliquées de l’offre et de la demande, des échanges commerciaux!... On palpitait d’émotion dans l'attente de lire le lendemain le chapitre écrit par le rédacteur sportif ou par le chroniqueur mondain, ou celui rédigé par le philosophe feuilletonniste. Un roman à douze auteurs, et qui gardait son unité, son intérêt, sa continuité, son but. Le climat était le même. Le style variait à peine. Et le succès en était retentissant. Quel était le secret de ce succès? Le roman écrit par douze auteurs, tout comme le quotidien confectionné en entier par un seul journaliste, portait la marque d’une volonté unique, dominante, et s’appuyait sur un public tenu constamment en éveil par le tonique savant de ceux qui ont hérité les formules magiques du héros sorcier, du mort qui parle, qui ordonne et qui dispose. L’histoire, l’épopée polonaise, continue dans le même esprit qu’il y a dix ans, bien qu’à la place d’un seul chef, il y en ait douze aujourd’hui, qui achèvent, chapitre par chapitre, l’oeuvre initiale. Aujourd’hui, c’est M. Smigly Rydz qui apporte sa contribution. Demain ce sera M. Koc qui complétera son chapitre. Et dans l’ombre, c’est M. Kowalewski qui prépare le sien, et, parallèlement avec eux, c’est le colonel Beck, qui continue son travail, c’est le président Moscicki qui préside avec autorité, son oeuvre à lui. Nous nous trouvons devant un pays multicéphale. Un pays fort de sa fierté, et fier de son originalité. Il ne craint jamais de se singulariser, et se réserve l’honneur et le courage de réaliser un état, autoritaire et totalitaire avec autant de chefs qu’il en faut. Nous étions heureux de saluer chez nous le savant président de la république voisine, laquelle ne cessera jamais d’offrir au monde des exemplaires d’humanité des plus rares et des plus pittoresques. Alfred Hefter « UNE RENCONTRE HISTORIQUE S. Ex. M. Moscicki, Président de la République polonaise, S. M. le R oi et S. A. R. le Grand Voévcde Mihai à la Legation de Pologne VENDREDI 11 JUIN 1957 ............... EN PAGE 5» Le jour des héros La troisième journée du Président Moscicki I Echos de Belgrade # Chronique de l’écran Les films de la semaine Dans „Theodora goes wild“ Id traducteur, membre de la très res« pectable S. S. R. (société des écrivains roumains), s’est de nouveau adonné à des interprétations per» sonnelles dans l’appréciation dü sens des paroles. A un moment donné, dans ld film, on parle de gâteaux et pâtisseries diverses. Cela s’appelle en anglais „cookies“. Trop de cookies“ — dit l’un des personnages. „Trop de cocktails“ — traduit bravement le sieur écrivain syndiqué roumain. Il a cru que cookio est tm diminutif, le petit nom „câlinatif“ de cocktail (qui, lui, serait, le vrai substantif, complet et sérieux). Il y a là plus qu’une banale in*» becillité. En effet, l’erreur du translateur prouve, d’abord, qu’il connaît beaucoup mieux cette boisson qui s’appelle cocktail que le verbe ta cook, pourtant bien usuel, qui signifie: préparer à manger, cuisiner (ce qui prouve, en subsidiaire, que le translateur possède une belle ignorance de la langue anglaise). Enfin cela prouve que le procédé employé par l’intellectuel roumain, syndiqué, conscient et organisé lorsqu’il veut apprendre une lan* gue étrangère n’est ni la méthodq du professeur ni celle du livre, mais bien celle du bonheur, du hasard, de la bonne petite circons* tance favorable. Et comme les cire constances ont voulu que ledit intellectuel roumain allât plus souvent chez le bistro qu’à la cuisine, le mot très exceptionnel cocktail a été appris, tandis que la très élémentaire notion de „cuisine“ es« restée pour lui un troublant mystère. Lorsque j’étais au collège j’avais un camarade qui m’impressionnait énormément, car il publiait dans des revues des articles d’esthétique. Aujourd’hui, à quarante ans (je l’ai constaté avec stupeur) iü est persuadé que „Le bourgeois gentilhomme“ est de Shakespeare. Cela ressemble beaucoup à This. tőire de la plupart de ces pseudo« écrivains, membres du syndicat et rien que cela, professionnels de la professionals — si j’ose dire — et vivant de prébendes imméritéesi, La traduction des films est justement un de ces scandaleux pourboires qu’ils reçoivent par voie de mendicité (je choisis cette hypothèse comme la plus honorable J car d’aucuns prétendent que lea sommes énormes que les seséristea encaissent ainsi ne sont pas mendiées humblement, mais extorquées par voie de chantage. En effet, un film, paraît-il, ne peut obtenir la visa de la censure s’il n’a pas déjà payé cet impôt bénévole aux parasites de la S. S. R.). Comme cette société contient beaucoup de vrais écrivains qui tous ignorent certainement ces procédés, nous croyons rendre service aux gens de lettres en leur conseillant de se défendre. Sans parler du service que nous rendons au public de cinéma, dont lea plaintes contre les mauvaises traductions sont de plus en plus fréquentes. Le spectateur considéra ces fautes de roumain comme des délits contre la dignité de son pays. Et il n’a pas tout à fait tort. Depuis un certain temps, les mots de slang américain sont traduits par de l’argot roumain, pan des expressions d’appaches bucarestois. Contre cela aussi on proteste, dans le public. On est offensé de voir sur l’écran des mots vulgaires, qu’on voudrait ne jamais entendre. Enfin, autre manifestation linguistique de ces curieux grammairiens. Il leur arrive de s'indigner contre tel idiotisme anglais et veulent créer des mots roumains ad hoc. Ainsi, l’un de ces géniaux Wörterschöpfer a trouvé dernièrement qu’il était temps qu’on cessât d’employer l’expression horrible de „flirt“. Cela peut convenir à us Français, «ont la langue est laide et pauvre. Mais en roumain oni doit tout de suite trouver un correspondant indigène. Et ledit traducteur de la S. S. R. en a justement inventé un. C’est le mot parfaitement inexistant de „glumici“. „Glumä“ veut dire plaisanterie. Et „ici“ est la désinence des noms de famille russes ou serbes. Vous voyez tout de suite l’étroit rapport avec la notion du flirt. j D. I. Suchianu (Suite en page 6)