Le Moment, Avril 1940 (Année 8, no. 1523-1545)

1940-04-01 / no. 1523

■,y% BUCAREST 8-me ANNÉE Nk>. 1523 j BUCAREST 2, rue ARIST. DEMETRIADE Rédaction, Administration Tét 5. i 9.91 • ■ .. „J Imprimerie et Ateliers de Photogravure „Le Moment" 2, rue Arist. Demetriade. Tét 5.19.91 • I DIRECTEUR: ALFRED HEFTER Propriétaire i Le Moment S. A. Inscrit au registre de publications du Trih. d’Ilfov, son* le No. 243/1938. AU SEUIL DU HUITIEME MOIS DE GUERRE m M. Sumner Welles St rentré jeudi en A- mérique, après sa ournée d'un mois en Europe. Il a aussi­tôt pris le train pour Washing­ton, a vu le Président Roosevelt: une première fois, puis une se­conde fois. A la suite de ces deux entrevues avec son envoyé special, lie Président des Etats Unis a con­voqué les journalistes et leur a fait cette déclaration formelle „R n'existe pas, pour le moment, trop grand espoir d’arriver à établir unis paix stable en Europe". C'est la déclaration que nous annonçait, il y a quelques jours le „Washington-Post”, comme étant destinée à faire connaître au mon­de les résultats de la mission du sous-secrétaire d'Etat américain en Europe. Les lecteurs du „Moment” sont à même de constater maintenant combien nous avons eu raison d e­­crire dans le numéro du 14 février de notre journal, c'est à dire aus­sitôt connue la nouvelle de 1 en­voi sur le vieux continent d’un messager du Nouveau Monde, les lignes suivantes: „M. Sumner Welles vient voir si des proposi­tions de paix auraient une chance en Europe. De telles propositions, faites avant même que de véritables hostilités aient commencé, n'ont plus de chance d'aboutir que celles faites par le chancelier Hitler en octobre, par l’entremise du Duce, à la fin du mois d'août, par les Souverains de Belgique et de Hol­lande, en septembre, par les Rois du Nord, en novembre ou par le Pape, peu de temps avant la guerre". Et nous ajoutions: „L'enquête de M. Sumner Welles ne” doit engendrer d’espérances (puisqu’elles se révéleront vaines), ni faire croire à des résultats im­médiats (puisque la question de la paix en Europe est une question d’avenir lointain) . . . Nous connaissons maintenant, ' grâce à la déclaration „formelle du Président Roosevelt, avec que - le impression M. Sumner Welles est revenu d’Europe après y avoir vu le Pape, le Souverain d’Italie, M. Mussolini, le comte Ciano, e Fuehrer, M. von Ribbentrop le maréchal Goering, le President L - brun, M. Daladier, le Souverain de Grande Bretagne, M. cha^ber1^111- Lord Halifax, M. Churchill et tous les hommes d’Etat, ayant voix au Chapitre dans leurs pays respec-ÜfAprès sept mois de guerre les chances d’établir une pam stable en Europe sont encore très ré­duites, pour ne pas dire inexis­tantes. „ On veut guérir 1 Europe par l’homéopathie. Pierre Kropotkme, s’il vivait encore, dirait: „vous. vo­yez que je n’ai pas eu tort décrire qu’il y a des époques dans la ne de l’humanité, où le nécessite d une secousse formidable, dun cata­clysme, qui vienne remuer la socie­­téY presque dans ses entrailles, 77 a ces époques, tout hom­me raisonnable commence a se nue les choses ne peuvent plus al- S ainsi qu’il faut de grandes e­vénements qui viennent rompre le fil de l’histoire, jeter J »onde hors de formiere ou il s est bourbe et le lancer sur des voies nouvelles, pour lui faire retrouver e°cidÎdêal a été formulé par les franco-britanniques dans le com­muniqué du Conseil suprême mter­­a’iié de guerre: „L-berte de* P pis. Respect dos lois. I» stable et durable". , uitî_ Nous savons, par tan cours qui ont été prononces depuis septembre, ce que ces devises si-StiuÎc,boaiss.ns d-autre^part. ,a 77 rencontre lie Brennero, VAgence D* N- D* pubbstt un com­muniqué officiel où elle était au­torisée à déclarer que „la dernière offre de paix fut celle que le Fueh­rer a faite le 6 octobre 1939. A une autre offre, les Alliés ne doi­vent pas s’attendre. La devise al­lemande est; combat Jusqu’à la victoire”. Dans ces conditions, vu le con­flit aigu d’intérêts qui s'entre­croisent, vu la contradiction fla­grante des buts poursuivis par les deux groupes de belligérants, vue l’intransigeance manifestée d‘un côté comme dans l’autre, vu l’abî­me qui sépare les régions et les idéologies qui se combattent et veulent imposer leur loi, que peut­­on espérer et quel pronostic peut­­on faire au seuil de ce huitième mois de guerre? Espérer que la paix pourrait né­anmoins surgir comme un ,,deus ex machina” et s’instaurer à l’im­­proviste, du jour au lendemain, dans une Europe en armes et ou chaque belligérant est sûr sur sa victoire ? Certes ! Espérer est un droit na­turel que la loi laïque n'enlève et n’interdit point et que la loi mo­rale, au contrarie, accorde et con­seille. Mais, si on écarte du jugement, l’optimisme et le pessimisme, la foi dans les miracles et le penchant au fatalisme, et on se limite à e­­xaminer les choses, à froid, à la balance de pharmacien sans inten­tion aucune de provoquer la pani­que ou de semer dans les âmes in­génues des illusions, — le seul pro­nostic, basé sur les faits tangibles, sur les réalités évidentes, sur la logique et la raison que l'on sérait tenté d'avancer, le voici: la guerre continuera, ou plus exactement: la guerre qui n’a pas encore com­mencé, commencera. Elle sera â­­pre—comme l'a dit M. Bürgin, mi­nistre de l’Approvisionnement de (Suite page 6) Le 30 mars 1940 Le Parlement — issu de la nou­velle constitution et de la nouvelle loi électorale — a commencé ses travaux le 7 juin dernier. Il a dis­cuté et voté, entre temps, nombre de lois, dont F initiative a exclusi­vement appartenu au pouvoir exé­cutif. Le premier projet de loi d'i­nitiative parlementaire a été dé­posé jeudi à la Chambre. Il hono­re le Parlement. Il s'agit de l'ou­verture d’un crédit extraordina­ire de 10 millions de lei destiné à la reconstruction d'un des villages turcs, parmi les nombreux qui ont été détruits par le catastrophique tremblement de terre du fin dé­cembre. Ce village sera construit, entièrement par l’Etat roumain, ! dans la région de la Turquie qui a été dévastée. La Chambre a pris ce projet en considération avec une unanimité qui, elle aussi, ennoblit la nation dont les représentants élus ont été si heureusement inspirés, en pre­nant cete initiative. Non seulement c’est un geste d'humanité et on sait que l’huma­nité est dans l'homme la seule ver­tu vraiment sublime. Mais c'est encore un geste qui exprime avec une éloquence unique les senti­ments, de sincère et profonde a­­mitié que le peuple roumain éprou­ve pour oe peuple loyal et brave qu'est le peuple turc. On voit maintenant combien les déclarations officielles de nos hommes d’Etat concernant notre attachement à la Turquie, corres­pondent aux sentiments intimes de la nation roumaine toute enti­ère, 1 -”-r—■ AUÜITM3 r 8 PAGES ILII |Tazo postale aequitée on espèces conformément l’ordre No. 24.457/939 de la Direction Générale P. T. T. La position de l'Armée de l'Orient VIE DE FRANCE I. — La croissance magique de l'armée d'Orient com­porte des précisions techniques et des dé­tails pitoresques. II. — Mais pour qu'une action se déclanche, il faut que tous les jeux soient faits, ce qui demande du temps. III. — Cependant au bout de 7 mois, les positions des trois camps en présence, les alliés, les ger­mano-russes et les neutres, sortent de la nebuleuse. Une étude récente sur l’Entente asiatique connue sous le nom Pacte de Saad-Abad se terminait de par ces mots: „Les peuples de l’En­tente asiatique sont entrés dans le cycle de la civilisation industrielle- Il se peut qu’ils puissent rester en dehors de la guerre. Mais une ère a commencé où la Pacte de Saad- Abad sera mis à de rudes épreuves". Ce jour est venu plustôt qu’on ne pensait. Une armée est maintenant à pied d'oeuvre dans cette région. Elle donne lieu à des commentaires aussi passionnés que quotidiens. Il s'agit de démêler tant bien que mal les faits connus, peu nombreux, des interprétations tendancieuses, dans une situation qui se modifie de jóm­én jour. On a d'abord parlé par toute l'Europe d'un „corps expéditionnaire français en Syrie", placé sous le commandement du général Wey­­gand. Puis on a dit que la France et l'Angleterre avaient concentré „des masses imposantes de troupes en Syrie, en Palestine, dans l'Irak et en Egypte". Le corps expédition­naire est devenu alors ,,l'armée d'Orient". La. presse étrangère com­mence à donner des chiffres vers le milieu de décembre. Elle dit que le général Weygand est à la tête de 200.000 hommes. Ce nombre est porté peu après à 300 000. A la fin de l'année, l'armée d'Orient devient une „armée impériale" sous le com­mandement des généraux en chef Weygand et sir Archibald Wavell. Ses effectifs passent à un million d'hommes- Est-ce assez? Pas encore. Au commencement de janvier 1940, la presse étrangère de grande in­formation fait savoir que l'armée impériale compte déjà plus de 500.000 hommes, „de toutes peaux et de toutes couleurs" en Syrie et dans le Liban, que les recrues et les volontaires affluent de toutes les parties du monde, que les effectifs de cette armée grandissante seront bientôt de quinze cent mille à deux millions, et que cette armée impé­riale est épaulée à l'armée des Indes de lord Chatfield, dont la première Une étude récente sur Entente asiatique connue sous le nom de Pacte de Saad-Abad se terminait par ces mots: „Les peuples de l'Entente asiatique sont entrés dans le cycle de la civilisation industrielle. se peut qu'ils puissent res­Il ter en dehors de la guerre. Mais une ère a commencé où la Pacte de Saad-Abad sera mis à de rudes épreu­ves". v ^ division vient de paraître en Egyp­te. » La croissance magique de l'armée d'Orient s'accompagne dans les des­criptions de détails pittoresques et de précisions techniques. Voici les guerriers du Soudan et du Sénégal. Des Arabes, Kurdes, Albanais, Ar­méniens auraient été engagés com­me instructeurs. Un grand nombre d'officiers polonais, tchèques, autri­chiens auraient été incorporés dans l'armée en formation. Des officiers des anciennes armées tsarîstss se se­raient engagés en Syrie. Et cuis il paraît que 34 ingénieurs angla:s snnt arrivés à Beyrouth e* que le général Weygand, accompagné du capitaine Sasser, venant de France, a eu un entretien très cordial d'une demi-heure avec le maréchal Halo Balbo, à l'escale de Tripoli. Nous sommes au pays des mira­ges, en pleine légende, mais toute légende n'a-t-elle pas son fond de réalité? Il importe peu qu’un plus ou moins grand nombre de faits particuliers puisse être contesté. L'essentiel est que l'armée dite d'O­rient soit à pied d'oeuvre, prête à toute éventualité. Avant de lui prê­ter des objectifs probables, possi­bles ou imaginaires, on constate qu'el­le a sur place des intérêts régionaux à défendre et que sans avoir à intervenir elle a déjà joué un rôle non contestable par le seul fait de sa présence au point sensible de liai­son entre les Balkans et le Proche Orient. Ceux qui ont lieu de redou­ter une agression s’en sont trouvés réconfortés. Les neutres hésitants, s'il en est, ont compris qu'il fallait compter avec cette force disponible. Au delà de l'effet moral qui ré­sulte de sa présence, il tombe sous le sens que l'armée d'Orient peut avoir deux ou trois objectifs déter­minés, par le lieu même choisi pour son rassemblement. En parlant ainsi, on simplifie bien entendu à l'extrême les problèmes très complexes de trans­port, de ravitaillement et autres qui peuvent se poser. Mais pour qu'une action se déclenche, il faut que tous les jeux soient faits, ce qui demande du temps- Dans l'intervalle, c'est le jeu des hypothèses qui a la grande vogue. Les intérêts des belligérants et des neutres pris un à un sont d’une grande diversité dont le temps de paix s'accommode, non pas le temps de guerre. Même des pays étroite, ment unis peuvent avoir provisoire­ment, pendant cette période d'ex­pectative, des vues différentes sur l'importance relative de certains objectifs à atteindre. Cependant au bout de sept mois, les positions des trois camps en présence, les Alliés, les Germano-Russes et les neutres, sortent de la nébuleuse. * * La position des Soviets est simple dans sa complication apparente. Après une longue éclipse, le déve­loppement d'une grande industrie a réveillé la vieille aspiration d'accé­der à la mer. L'U.R.S.S. cède à une poussée d'impérialisme faite d'or­gueil primaire et de crainte, avant d'avoir consolidé les assises du nou­veau régime intérieur. Par la propa­gande révolutionnaire, la corruption et le chantage, elle menace les Etats qu'elle croit trop faibles pour lui résister sur la Baltique et au sud du Caucase. Là elle se heurte à un voisin sérieux avec lequel il faut compter. C'est pourquoi elle tient à son traité d'amitié avec la Turquie. i*iW! (Suite page 6) LA DÉLÉGATION YOUGOSLAVE DEVANT LA TOMBE DU SOLDAT INCONNU M. Andres, entouré des membres d e la délégation yougoslave et des représentants des autorités roumaines l 11m ti (*»' W| % IM ^ ^ '■ t w! ' î 7 LUNDI 1 AVRIL 1940 M. WINSTON CHURCHILL, Premier Lord de l'Amirauté, qui a prononcé hier un important discours sur la politique de guerre de la. Grande Bretagne. Une grandie in— mention roumai­ne en matière de tir antiaérien La conférence du comdt, L Bungesco, Le commandant I. Bungesco, a fait mardi, dans l’amphithéâtre de la Faculté des Sciences, une con­férence sur „Une invention rou­maine en matière de tir antiaérien”* Etaient présents, le général G. Popesco, de nombreux officiers de toutes les armes, les professeurs de la Faculté des Sciences et une assistance très nombreuse. Le commandant Bungesco —« dont l'autorité en matière de antiaérien est bien connue en oc­cident — est arrivé à exposer, dans une conférence extrêmement intéressante, les principes directe? urs qui ont conduit à la grande victoire roumaine „l’appareil cen­tral de préparation des tirs" dama la méthode du tracé de l’avion. L’histoire de cette invention commence en 1926, lorsque le ca* pitaine Bungesco — rentré d'un voyage d’études spéciales en Fran­ce — a reçu l'ordre de travailler intensément pour trouver un ap* pareil qui puisse être adapté aux batteries Skoda. Partant d'une idée tout à fait originale, il construisit, en 1926, un premier appareil, auquel d'an­tres firent suite en 1928 et 1935, toujours mieux mis au point pour en .arriver, en 1938, à ce fameux „appareil central" à commande é* lectrique — appareil qui présenta toute une série d’avantages sur ceux dont sont munis les canons modernes des fabriques Vickers* Armstrong. Il nous suffira de dire que cet appareil permet de tirer, de jour et de nuit avec une grande précisi­on et quelle que soit la vitesse de l'avion et l’ialtitude, — de l’hori* zontal à 10.000 m. En outre, il dis­pose de correcteurs spéciaux pour l'action du vent ainsi que de cor­recteurs balistiques. Le conféren­cier nous donne une image réelle, sur une planchette, du trajet suivi par l’avion dans l'espace, pour mieux nous expliquer les très grands avantages de cette inven­tion. Ayant la possibilité de placer l'appareil central même à 2 k des canons, et réalisant malgré tout la piécision du tir par une comman­de automatique, cette méthode se place au premier plan de toutes les autres méthodes, nommées a* maiytiques. Le lieutenant G. Téodoresco,un bon officier de TA. C. A., aide-de­­camp du commandant Bungesco, a projeté un série de clichés qui ont donné aux personnes présentes la possibilité de constater „de visu’* l'exposé du conférencier. Aux tirs exécutés l'automne der­nier, cet appareil central a donné des résultats excellents, ce qui nous permet de nous enorgueillir de l'invention du commandant Sungesco dont l’invention porte la marque du génie créateur roumain*

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