Revue d'histoire comparée 24. (1946)

1946 / 1-2. szám - Comptes rendus critiques

126 COMPTES RENDUS mettait dans ses rangs de vastes couches sociales et leur con­férait, sans distinction de nationalité, tous les droits dont elle jouissait elle-même, favorisant ainsi la magyarisation de la classe dirigeante non hongroise et l’effacement des autono­mies ; la classe des serfs se forme à peu près de la même façon, sans distinction entre Magyars et non-Magyars. La conquête turque qui s’empara pour plus d’un siècle et demi des deux tiers du territoire hongrois eut pour consé­quence l’établissement en masse de nationalités non hongroises, Roumains, Ruthènes, Serbes et Allemands, qui prirent la place de la population hongroise, décimée au cours des hostilités. Au XVIIIe siècle, les Allemands viennent en masse s’éta­blir en colonies réorganisées, sur les territoires repris aux Turcs. Mais ils ne viennent pas de la même partie de l’Allemagne et, dans un grand nombre de communes, nous en trouvons qui sont originaires des provinces allemandes les plus diverses. Aussi leur dialecte si caractéristique ne se développa-t-il qu’en Hongrie. Bien que le gouvernement impérial, désireux d’affaiblir les Hongrois, prêtât une aide fort efficace à ces colonies alleman­des (leur accordant des excemptions, des faveurs, des bénéfices, une autonomie très large et, dans la plupart des cas, le privilège de ne pas être soumis à l’autorité d’un seigneur terrien), il ne réussit point à les placer sous l’égide d’une organisation unie et autonome. Seule la société homogène des Saxons établis au moyen âge en Transylvanie et dans le comitat de Szepes conser­vèrent vis-à-vis des Roumains et des Magyars une certaine autonomie sociale et culturelle. * Mais depuis la fin du XVIIIe siècle, dans l’Europe car­­pathique comme partout ailleurs, l’évolution générale tend vers la « nation-État », suivant l’exemple français. C’est à ce moment que les recherches détaillées de la seconde étude de M. Szekfû, Le hongrois, langue d’État viennent compléter les grandes lignes de la première. Le XVIIIe siècle ne connaissait pas encore le problème des nationalités au sens moderne du mot. Les rationalistes français considéraient la nation comme une forme administrative de la société — mais souhaitaient, pour des raisons culturelles, que l’enseignement eût lieu dans la langue maternelle. Ainsi, en Hongrie, tandis que Joseph II, partisan extrémiste des théo­ries rationnelles, voulait imposer l’emploi de la seule langue allemande à l’administration d’un empire qui en parlait une dizaine, les écrivains hongrois contemporains multipliaient leurs efforts pour répandre la culture de la langue hongroise et assurer à celle-ci la primauté dans la littérature comme dans l’enseignement. Selon leur conception, la civilisation reste la

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