Le Moment, Juin 1937 (Année 5, no. 688-706)
1937-06-06 / no. 688
— A Tait pattal* t>at»» directement, taafarmtmaa 1 tapprobation No* 247.592| 1655 der B. IT« It DUCAREST4"* ANNEE - N* 688 15, rue Brezolann Rédaction, Administration Tél. 3.10.40 Direction Téléphone: 4.25.34 BUCAREST Imprimerie et Ateliers de Photogra. vure „LE MOMENT“ 2, rue Arist. Demetriade. Tél. 4.56.61Le Moment Journal de Bucarest Directeur t ALFRED HEFTER Quotidien illustré d’informations Politiques, Economiques et Sociales Les revendications de ( industrie et do commerce roumains Les débats de l'Union des Chambres de Commerce et d'industrie ^ L’époque actuelle T W — trait d’union entre un monde révolu, lequel, par contraste avec le nôtre nous apparaît d’une simplicité presque pastorale, et un monde à venir, un monde d’organisation rationnelle, où malgré la complexité des événements, l’homme, nous Fespérons, parviendra non seulement à les dominer mais aussi à les prévoir — l’époque actuelle, disons-nous, évolue sous le signe d’un rassemblement progressif des forces, lesquelles, éparses, se sont révélées inopérantes. Saisissant, fort à propos, l’esprit du temps, les Chambres de Commerce et d’industrie de Roumanie — lesquelles défendaient, il n’y a pas longtemps, leurs revendications, en formations séparées — se sont fédérées récemment en une Union, qui, abandonnant, heureusement, les désidérata purement professionnels et locaux, élargi résolument le débat jusa qu’aux problèmes de structure. Des assemblées générales périodiques réunissent les membres de l’Union, chacun y apporte les fruits de ses observations et de son expérience. Cette fois-ci encore — car à l’heure ou paraît cet article, les membres de l’Union des Chambres de Commerce et d’industrie, réunis en assemblée générale, sont en train d’épuiser la seconde partie de Vordre du jour des débats — on a examiné les problèmes commerciaux et industriels d’une actualité immédiate, tels: le décalage entre les prix agricoles et les prix industriels; l’opportunité de modifier aussi bien la doctrine que les méthodes du contingentement de l’importation, du régime des compensations ainsi que du contrôle des devises et des accords de clearing; la fiscalité excessive, etc. Lors des débats d’hier, M. C. Osiceanu, président de l’Union, s’est félicité dans son discours d’ouverture du fait que la nouvelle fédération des Chambres de Commerce et d’industrie, commence son activité dans une période de prospérité économique revivifiée. M. Osiceanu est d’avis qu’il faudrait adopter un régime de transition, qui signifiât la liberté réelle pour notre commerce extérieur. A cette fin il conseille une étroite collaboration de l’Etat avec l’Union, Au sujet du décalage entre les prix agricoles et industriels, le président de l’Union demande une étude approfondie des causes qui ont déterminé la hausse de ces derniers, état donné que les prix agricoles ont atteint leur niveau normal. Il faudra, également rechercher quelle est l’influence que les cartels exercent sur îes prix industriels. Quant au régime fiscal actuel, sa réforme s’impose d’urgence. „Certaines catégories de contribuables ne travaillent que pour le fisc” — dit M. Osiceanu. Il demande une plus équitable répartition des charges publiques à savoir; concilier les réalités économiques avec la justice sociale. Il y a aussi le problème des transports, sous ses trois aspects: la politique tarifaire des C. F. R., la suppression des tarifs de stations ainsi que la question des voies de communications en Bessarabie. Au sujet du statut légal du commerçant, M. Osiceanu, opine pour une solution législative qui permette d’exercer un contrôle préalable sur la création des entreprises commerciales. Ce contrôle aura pour but: 1) d’empêcher les Insolvables de devenir commerçants; 2) d’autoriser l’exercice du commerce uniquement par les personnes ayant fait preuve d’une préparation spéciale aussi bien théori. que que pratique; 3) d’empêcher que les commerçants exercent — en même temps •— plusieurs genres de commerce ; 4) de limiter l’accès des étrangers dans l’économie nationale. Quant au problème épineux de la protection du travail national, le président de l’Union, est le partisan d’une solution, qui permette une cohabitation quiète et un développement de toutes les catégories de citoyens qui vivent légalement en Roumanie. Tels sont — succintement — les grands problèmes à l’ordre du jour des débats. * * * Après le discours de M. C. Osiceanu, c’est M. Valéré Pop, ministre du Commerce et de l’Industrie, qui, prenant la parole à son tour, rappelle dans son allocution les grandes lignes de ses déclarations, faites jeudi à la presse et qui ont été reproduites par notre journal. On trouvera, par ailleurs, le compte rendu des débats. Le 4 juin, 1937 M. Mihalache, ayant lu la lettre apocryphe adressée par M. Vaïda à M. Goga, n’a pas pu résister au besoin de prendre la plume et d’écrire un billet, pour mettre en garde son ancien chef et ami. * * * Mon cher président! Vous savez que je ne suis pas indiscret. Au contraire. Je sais me taire par instinct, puisque je suis paysan, et je sais me taire avec an et science puisque j’ai appris à vénérer les secrets de la terre et du ciel, et j’ai emprunté à leur mystère la force de rester muet. Si j’interviens aujourd’hui dans la discussion, que vous avez entamée avec l’honorable M. Goga, et avec le très pathétique Georges Bratiano, je le fais avec le sentiment de la reconnaissance que je vous porte, pour les longues soirées que vous avez bien voulu pas. ser avec moi, me faisant goûter le bon vieux vin rempli d’un esprit rare, qui est celui de l’humour, mêlé de générosité, d’optimisme et de pardon, récolté sur la terre de nos ancêtres, essence de poésie et d’histoire. Vous vous créez des soucis, et vous vous fatiguez pour présenter à l’opinion publique une irmaiion ministérielle, laquelle devrait constituer une suggestion pour ceux qui disposent, et des solutions pour ceux qui attendent. Et je me demande: „Où se trouve-t-il mon ancien ami Vaïda, entant des révolutions et maître de l’opposition? Derrière ses lunettes et à l'abri de ses sourcils touffus, ses yeux scintillants, n expriment-ils _ plus ce profond doute, qui se répand sur le visage dans un large sourire de méfiance?“ Faut-il que je lui rappele, moi, son humble apprenti dans la science de l’histoire et de la philoso. phie, ce qu’un vieux penseur lui a fait comprendre en des termes si magnifiques? Rappelez-vous, cher président, que Pascal, dans un chapitre consacré à la „prévention induisante en erreur“, a établi la différence universelle et essentielle qui existe entre les actions de la volonté et toutes les autres. Réfléchissez un peu avec moi à chacune de ces phrases séparément: i „Chaque fortune qui nous élève dans le monde, nous éloigne davantage de la vérité, parce qu’on appréhende plus de blesser, dont l’affection est plus utile ceux et l’aversion, plus dangereuse. ,.L'v p’rimes íenv l,' i wJt. éy tüUU' fiijlVt’iVV et hù Wll U';V it'pu'i .ttm, *«> i<i ïiVn étw/.v* cii. L' /.jr'fí ew rßi 'i <e'i t qui et: i r ih' „rad's 'KtU'iti, •' id.«.' /’•V ’a 4'H' ih ft fi**‘ l i'i Oi’ s'î-.Vi' qt .i t\'t\ 'tu l'ifl'A** a'ù't’u riU.'-’x V'oV ii'/î’ j<4’ , fi ‘cl/, du q U 'h ['i'■ v»n>, *.r ulcui. iV n'.iM ji'vb lu: yi’t'i t-V A' i»» tïVQt b.'! 4 tu'i'lCy ’) tïx i èsr: ... ...N’est-ce pas que i’histo-re est riche en exemples, lesquels confit. S6€» De ce fait, la Fiance s’est trouvée à découvert sur sa frontière du Nord-Est. Et elle a perdu confiance dans la garantie des traités signés avec l’Allemagne. Le second point de friction, ce sont les revendications territoriales formulées par VAllemagne en matière de colonies. De fait, la France ressent la menace latente d’une agression contre ses possessions d’outre-mer, auxquelles elle a consacré son sang, son or, son génie, et qui sont devenues pour elle une extension intangible de la patrie. Le troisième point de friction, c’est l’attaque dirigée par l'AUed’apprendre ce que pense de vous, par exemple, votre vieil ami, Goga! Comment ferez-vous ensemble un gouvernement? Et comment le fetez-vous avec MM. lunian ou Georges Bratiano? Je comprends que M. Argêtoiano essaie de réaliser cette union. Pascal l’a bien prévu dans le même chapitre: „L’union qui est entre les hommes, dans ce cas, n’est fondée que sur cette mutuelle tromperie; et peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami, dit de lui, lorsqu’il n’y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion“. Avant donc d’arranger votre ronde autour du banc ministériel, rappelez-vous ce que vous m’avez dit un jour, en résumant la pensée de ce mémoraliste incomparable de „Port Royal“ : „L’homme n’est que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et, envers soi-même, et à l’égard des autres. Il ne veut pas qu'on lui dise la vérité; il évite de la dire aux autres; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur“. Je m’arrête ici, et avant que vous ne souffriez de nouvelles désill usions, permettez-moi ds vous dire: que c’est vtaiment une chose déplorable de voir tous les hommes, ne délibérer que des moyens, et point de la fin!... Comprenez-moi donc, et revenez chez nous, chez vous. Mihalache Pour copie conforme Alfred Hefter ALLEMAGNE ET FRANCE ___________—___________________ nL'avenir franco-allemand reste aussi incertain que l’avenir européen lui même“. Paris, juin 1937 Faut il espérer un effet substantiel de la mission que vient de remplir à Paris, le ministre allemand de l’Economie Nationale? Allons-nous assister à un rapprochement franco-allemaad plus efficace que les essais antérieurs de Briand et de Stresemann, de Laval et de Bruning? Certes, le docteur Sehacht a été fort bien accueilli à Paris, où il s’est efforcé de n’apporter qu’un langage sympathique à la France. Son séjour a coïncidé avec le règlement d’un traité commercial qui, avant son arrivée, se traînait en mille difficultés. Ce sont là résultats non négligeables et qui, à eux seuls, justifieraient la visite de M. Schacht. Tout ee qui contribue à éclaircir les rapports entre l'Allemagne et la France mérite d’être encouragé. Tout ce qui associe ces deux nations dans les oeuvres de la paix mérite d’être applaudi Un bon voisinage franco allemand reste la condition première de toute tranquilité européenne. Mais il serait imprudent de forcer le sens de la visite ainsi faite. Après elle, comme avant elle, de redoutables points de friction subsistent entre l'Allemagne et la France. Il serait vain, et même dangereux, de se les dissimuler on de les dissimuler à autrui. Il faut, au contraire, les mettre en lumière, les préciser, pour essayer d’en mieux réduire la virulence. Le premier de ces points, c’est la suppression effective «lu traité de irtjcanio qu'a réalisée l’Allemagne en réoecupant unilateraler ment la zone rhénane démilitariment d’une façon absolue la profonde pensée de Pascal, qui n’est qu’une réponse de la raison splendide et de la morale chrétienne, au cynisme génial de Macchiavel?... Continuons à réfléchir ensemble, à ce qui suit. „Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes; mais les moindres n’en sont pas exemptes, parce qu’il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi, la vie humaine n'est qu’une illusion perpétuelle ; on ne fait que s’entte-tromper et s’entre-llatter. Personne ne parle de nous en notre présence, comme il parle en notre absence". Pensez à tout ce que vous dites dans votre intimité, de vos chers correspondants actuels, et tâchez Au cours de sa visite à Paris le Dr. Schacht a prononcé des paroles permettant d'espérer la prochaine rentrée du Reich dans l'organisation de Genève, et la France toute entière s'en réjouissait déjà. Mais la mission du Dr. Schacht semble avoir été limitée au domaine économique, et M. Henry Bérenger, après une „analyse réaliste des véritables conditions d'une paix franco-allemande", conclut que, „seule une entente entre toutes les puissances sera efficace ef durable" parce qu’elle mettra un terme définitif à tous les différends politiques, assurant la collaboration européenne sur la paix indivisible et la sécurité collective. magne contre les amitiés de la France en Europe Centrale et O- rientale, notamment contre le pacte franco-tchécoslovaque et le pacte franco-russe. Ces pactes sont doublement sacrés pour la France, car ils garantissent à la fois sa sécurité et l’équilibre de l’Europe. Tant que ces trois points de friction n’auront pas disparu, aucun progrès sérieux ne pourra être réalisé dans la collaboration effective de la France et de l'Allemagne. On pourra, sans doute, signer des traités de commerce, des accords douaniers, plus ou moins avantageux pour l’une ou pour l’autre nation, suivant le talent des négociateurs. Mais ces arrangements ne seront pas des rapprochements. Le docteur Schacht s’est d’ailleurs fort prudemment défendu d’avoir été chargé d’une mission politique auprès de la France. Il n’y est venu, a-t-il répété, que pour inaugurer le pavillon allemand à l’Exposition et pour hâter la signature de l’accord commercial en suspens. Force est d’en déduire que le Reichsfuhrer Hitler n’a voulu confier au Président de la Reichsbank aucune négociation générale en ce qui concerne les trois points ei-dessus énumérés. Les choses restent ainsi les mêmes qu’auparavant. Le traité de Locarno ayant été rompu, P Allemagne ayant réoccupé et fortifié la zone rhénane, quatorze mois déjà s’étant écoulés Henry Bérenger Président de la Commission des . Affair'*« français (Suite en page 4) SOUS LE SIGNE DU CHATEAU CANDÊ M. VAEDA-VOIVODE.re, que je le fais!... On parle toujours avec plus d’insistance d’une fusion Vaîda-Goga et d’une autre entre le maréchal Averesco et M. Georges Bratiano. (Les journaux) je me marie, sachez que c’est pour vos beaux yeux, Monsieur le mai- J. DIMANCHE 6 JUIN 1937 C EN PAGE 3i L’action de M. Titulesco i EN PAGE 6: Notre interview avec le colonel Jules Voncken Hnil'.'«„1lll ,<tul'll|>iil|1 l'ii.l"»lul" ******* Chronique plastique Eugène Dragutzesco: Illustrations pour Arghezi, Bacovia etc... L’idée d’illustrer les vers des poètes par des formes et des cour leurs a ses côtés heureux, voire merveilleux, mais en même temps elle peut être inutile, comme elle peut courir le risque de ne pas réussir. Nous connaissons les interprétations de Picasso des vers d’Eluard, et celles de Picabbia aussi, et qui sont loin d’être bonnes. Elles sont tout à fait séparées de la poésie et du rêve du poète,, même si elles sont empreintes d’un lyrisme qui leur est propre. Le dessin a conservé naturellement un charme particulier, une marque de spontanéité et d’inspiration. La pureté du trait, la justesse de la forme, la plasticité suffisante, la composition, les ombres transparenteis, etc. sont des qualités propres à l’art du dessin, mais elles sont un autre plan que celui de la poésie. Ce sont peut-être des qualités parralèles et égales, mais séparées par leur ambiance et leurs moyens différents. Le premier effort du dessinateur (voire de l’interprète) est d’imagination: il cherche à rendre visibles et actuelles les images qui correspondent aux mots de la poésie. Il est possible que ces mots soient très loin de l’optique et qu’ils appartiennent pim à la musique et même que leur but ne soit nullement de créer des images, mais de la sonorité pure, du langage transparent, sans contingences par rapport à un lieu ou à un objet quelconque. L’attention du lecteur doit nécessairement être prête à capter cette intention et non à créer d’images mensongères. Par manque d’attention et de compréhension on crée des images qui ne sont pas le résultat même de l’émotion, mais qui sont produites par des associations d’idées ou par un vulgaire acte de copie. Le dessinateur ne doit pas traduire les images de la poésie par d’autres moyens que celles que cette dernière lui impose: C'est l’émotion qu’il doit copier. L’expression de son dessin réside dans l’accord parfait et quasi miraculeux des images qu’il emploie et de celles que suggère le poète. Dans cette méthode de l’illustration des poésies par le dessin, nous pouvons distinguer les premiers éclairs du surréalisme. Serait-il indiqué que le peintre fît un effort de parfait mimétisme, en lisant les vers des poètes, ou bien qu’il restât toujours luimême, insouciant? Le peintre peut inventer des choses irréelles, mais qui soient suffisamment éloquentes, donc suffisamment plastiques, endiguées de manière à ce qu’elles soient visibles et utiles. Pourquoi étaler des qualités de dessinateur en marge des poésies, en illustrant le rêve d’un autre, quand on a le sien? Ce qu’il faut: c’est de l’émotion, une juste .et merveilleuse émotion; Comment illustrer ,,1’épique“ de la poésie, ce poids mort, quand toute son essence en est dans, l’effort d'une énergie qui ne laisse pas de traces dans le visible; la réaction confuse, le lyrisme' qui n’est pas dans l’image. (Suite en page 2) Hin Illustration de Dragutzeasoo pour une poésie de Tudor Arghezi 'I J