Le Moment, Novembre 1937 (Année 5, no. 811-833)

1937-11-04 / no. 811

mJGAEESTtr* jSWRSB -- If* Etl B U C A R E 8 I U, rue Brœofena Rédaction, Administration TêL SAO-.40 Direction Téléphona: 4.25.34 I et Ateliers de Photogrow voie »UE MOMENT“ 2, me Arlat. Demetriade. Tel. 5.19.91 Directeur: ALFRED HKU'i'iat A nos abonnés et à nos lecteurs «A« Moment“ a été suspend n ponr cinq jours, du jeudi 28 Oc to. ftre, jusqu’au mercredi S Novembre, sur l’ordre du Ministère de l'Intérieur, pour la raison que la huitième page illustrée du numéro de 25/26 Octo. fers a été imprimée sans, au préalable, passer par la censure. Malheureusement, on avait laissé paraître dans cette page nne gros. Mftre Dante d’impression, dans la légende se référant h une pltotogra-On a pu heureusement établir, par les épreuves originales à l’ap- PWi* que la faute n’était pas due à la rédaction, mais aux typos qui avaient omis de faire la correction mentionnée. Nous croyons toutefois de notre devoir d’exprimer ici nos remercie, ments aux autorités de la censure, pour n’avoir pas été trop sevères, dans la sanction qui nous a été infligée. On a tenu compte, bien en­tendu, de l'état de service de notre journal et de sa scrupuleuse ac­tivité dans le passé. De notre côté nous avons appliqué an typographe responsable de la coquille et a l’employé préposé au service de la censure un sérieux avertissement. A tous les abonnés et lecteurs, qui noos ont manifesté chaleureu­sement leur intérêt et leur sympathie, à l’occasion de ce regrettable incident, nous disons de tout coeur: MERÇI! Le grand prix de composition Michel Jora L’Etat roumain vient . j d'accorder à Michel Jora le grand prix de Jap,IgPlk composition pour son mkf Ha oeuvre musicale. Le même jour lui parvenait la mé­daille d’or conférée par la Fran­ce pour le charmant ballet „Piatza Mare“. Gas deux distinc­tions soulignent non point son ta­lent mais l’étape de ce talent. El­les disent son heure. Il est midi. Il fait soleil dans l’inspiration de Michel Jora. Il aura encore un long après-midi de vie pour moissonner le blé de son talent. Üne récompense nationale est un contrat d’estime entre un peuple et un individu. Il en devient le porte parole par ses qualités de synthèse. Jora représente-t-il sa race et peut-il porter dans son ex­pression musicale, l’âme de son pays? Oui.—Il est issu de boyards roumains enracinés à leur sol au­tant que les arbres de leurs forets, l’out jeune, il chante déjà la mé­laracoüe qui s’évapore de l’horizon large des plaines moldaves et ce sont les six mélodies parues en 1914. L’année suivante, il reçoit le prix Enesco pour une suite d’orchestre. La guerre le porte dans la forge de l’héroïsme. Il jette au feu sa violente jeunesse avec un élan qui l’assure de sa mort. Déchiré par un obus, il reste longtemps collé à ce sol qu’il défendait. Et-ce en ces heures affreuses que Michel Jora ,a perçu le rythme secret de sa terre? A-t-il, en cet espace hors du temps vivant, compris qu’il allait vivre parcequ’il entendait contre son coeur le cirant victorieux de sa nation? Sans doute — car le miracle de sa guérison ne s’explique que par son désir têtu de ne pas mourir. En 1924, il donne les „Paysages de Moldavie“ qui sont une délicate transposition de la couleur d’un site familier. Ensuite se suivent, quartett, choeurs -— mélodies sur des vers de nos meilleurs poètes un ballet „Au grand Marché“. Tou­tes les oeuvres de Michel Jora lui rassemblent. Avec son nez en coup de vent et ses mains fines, son re­gard de charbon et sa chevelure volcanique, Jora tranche dès qu’il parait — par sa seule présence, ne permet pas à la vulgarité souffler mot. Il ne tolère que beau et le juste. Spirituel, il aime la gaité parcequ’elle est une arme contre l’emphase. Lyrique dans ses enthousiasmes, il est courageux deII le dans ses opinions. Sincère — car il est trop vif pour se composer des attitudes — fl va tête haute son chemin, écrasant la broussaille, n’ayant cure des épines, prêt à l’attaque lorsqu’il s’agit d’un ca­marade sans défense: Sa musique a toutes les qualités de cette âme aristocratique. Elle s’impose par son rythme original, tout de suite. Une sève folklorique la traverse, sans lourdeur ni monotonie. Il trouve les modulations caustiques CELLA DELAVRANCEA (Suite page 2) m M. MICHEL JORA Le 3 novembre Choses de France (IV) En jetant une vue d’ensemble sur l’atène politique française, on voit, d’un côté le groupement des forces représentées dans le Parle­ment et organisées dans les cadres des partis, et de l’autre, les forces réfractaires à la vie parlementaire, agissant en dehors des institutions constituées, dans la rue, par l’ac­tion directe. # * * Ce qui impressionne le plus, sur­tout Tétranger, c’est le caractère et l’intensité du mouvement des Croix de feu“ (indifféremment de la situation personnelle du colonel de La Rocque) et les très subtils pamphlets, théories, discours, ma­­nifestes et ouvrages de M. André Tardieu, qui reste une des pim frappantes personnalités de la troi­sième république. Entre le foyer intellectuel et de grande autorité de ce dernier et la mobilisation préparée avec achar­nement et fanatisme par les „croix de feu", se dessine la figure très suggestive de l’ancien chef com­muniste Doriot, lequel se trouve à ( la tête de l’action offensive anti­communiste la plus efficace. Il est vrai que la force électo­­raie de tous les trois pourrait n’être que difficilement appréciée, étant donné le caractère anti-par­lementaire de toutes ses organisa­tions et personnalités. A juger d’a­près les dernières élections corn­­munales et cantonales, leur popu­larité est presque nulle, tandis que le parti socialiste et le parti com­muniste gagnent un très grand nombre de sièges, environ deux cents. Au point de vue électoral, les radicaux-socialistes se présentent encore comme le parti le plus fort et le plus répandu, et le cartel de gauche qui gouverne le pays sous le signe du „Front Populaire", reste officiellement maître du pays, gardant une évidente supé­riorité sur les groupements de cen­tre et de droite. Pourtant, le résultat des derniè­res élections n’arrive pas à présen­ter l’image fidèle des courants qui agitent en profondeur toute l’opi­nion publique française. Le mouvement des „Croix de feu" tout en comptant des centai- Après le voyage de M. Stoyadinovitch La Yougoslavie occupe une position-clef en Europe „Si la Yougoslavie devait être rangée parmi les états totalitaires il en résulterait un véritable désastre dont les conséquences seraient incalculables11. Les visites que le Premier Mini­stre Stoyadinovitch a rendues à Pa­rts et è Londres, ainsi que l'unité nouvellement réalisée entre les par­tis de l'opposition en Yougoslavie, méritent attention. La Yougoslavie est un des pays-clef de l'Europe. Son action dans la politique euro­péenne peut être un puissant fac­teur pour sauvegarder la paix parmi les grandes puissances. En Grande-Bretagne, durant guerre, un fort courant de sympa­la thie s'était établi en faveur de la Serbie, qui avait offert une résis­tance héroïque à l'envahisseur, et avait subi de terribles épreuves. C'est avec un vif plaisir que les al­liés victorieux considéraient la créa­tion du nouvel état. Depuis bien des années, nous avions appris avec quelle ardeur les Slaves du Sud dé­siraient leur unité. Ce dessein tant caressé se trouvait finalement réa­lisé et le royaume des Serbes, Croates et Slovènes était fondé. Sa population compte près de 14 mil­lions d'habitants, qui vivent dans l'une des contrées les plus romanti­ques et les plus belles de l'Europe. Ses soldats sont admirés pour leur physique et pour leur allant; ils sont justement réputés pour leur indomp­table ténacité. On avait l'impres­sion que les Slaves du sud avaient enfin acquis ce qu'ils voulaient, et qu'ris allaient vivre heureux et unis par la suite. Les puissances libératrices ne tar­dèrent pas à être désappointées, et leur perplexité fut grande, quand el­les se rendirent compte que le nou­vel état était la proie de cabales et M. WINSTON CHUR­CHILL dont on connaît le grand rôle dans la politi­que britannique a écrit pour „Le Moment" cet ar­ticle sensationnel sur les rapports entre la Grande Bretagne et la Yougosla­vie, dans lequel se reflè­tent les résultats du voya­ge de M. Stoyadinovitch à Londres. Mieux informé, que n'importe quel autre hom­me d'Etat anglais, libre de dire tout ce qu'il sait, M. Winston Churchill laisse sousentendre ici que Président du Conseil You­le goslave a donné au Fo­reign Office des garanties de nature à rassurer le gouvernement anglais — de plus en plus intéressé à ce qui se passe en Euro­pe Centrale — aux inten­tions et à l'action future de la Yougoslavie. de factions. Des sociétés s'agitaient; le sang était répandu au Parlement; finalement un roi bienaimê trouvait la mort sous les balles d'assassins. Les dissensions entre Croates et Ser­bes devinrent apparentes è l'Euro­pe. Une agitation religieuse violen­te a accompagné la tentative de conférer ce qu'on pourrait appeler WINSTON CHURCHILL Membre du Conseil Privé Membre de la Chambre des Communes (Suite page 6) SIR WINSTON CHURCHILL nes de milliers d’adhérents disci­plinés, fanatiques et même prêts au sacrifice, reste très vague, très nébuleux. Le voilà: — Lutte contre le matérialisme qui a dégradé l’homme jadis tendu vers les hautes sources de la spi­ritualité. ALFRED HEFTER (Suite page 3) TOURTE) PAGE 4 LA DEBACLE DE WALL STREET PAR SIR ARTHUR S A LTE pi DE L’UNIVERSITE D’OXFO RD fEUPf 4 NOVEMBREW97 UN #i> PAGE g PATRIOTISME par D. I. Suchiano €1# MIN F*Ti: <br E 13: „Ni fermer les yeux, ni consen­tir à tout*' par Louis Marin »P * >> >v * t >V >1» * » A LA BOURSE Le Comité de non-intervention a nouvellement ajourné ses travaux et tiendra séance aujourd’hui. (Les journaux) UJN SPECULATEUR: Combien cotent aujourd’hui les actions Ut la nun-int.ervenuoi» • L’AUTRE: Elles cotaient hier encore, mais elles ne comptent plus. Chronique littéraire Les itinéraires de la litté­rature roumaine contem­poraine*) Ce livre de portraits paraîtrait fragmentaire, si nous ne le précé­dions d’un bref exposé chronologi­que des principaux courants litté­raires de notre époque. On pourra ainsi avoir une vue d’ensemble sur les différentes tendances qui se sont entrecroisées dans notre mouve­ment littéraire et situer en même temps chaque écrivain dans le ca­dre plus large d’une école ou d’une famille d’esprits. Oette introduc­tion strictement chronologique sup­pléera au manque de présentation méthodique des écrivains, tout en respectant l’individualité propre de chaque auteur et tout en n’kn­­posant au lecteur aucune classifi­cation arbitraire. Nous aurons ainsi tous les avantages d’une histoire littéraire, sans en avoir les incon­vénients que nous nous sommes at­taché à souligner plus haut. * * * La littérature roumaine du XX-e siècle est le prolongement du mouvement littéraire du siècle pré­cédent: les tendances idéologiques générales, tracées par Eminesco, Kogâlniceano, Maioresco, etc., se retrouvent amplifiées. Notre siè­cle n’est pas seulement redevable à ces devanciers de générale de la plupart l’orientation des écri­vains; la langue littéraire est éga­lement tributaire des formes et des expériences linguistiques du siècle passé. Avec une sûreté et une in­tuition géniales Les écrivains du XlX-ème siècle et notamment E- minesco ont pétri et ont coulé no­tre langue littéraire dans un mou­le nouveau. La littérature de no­tre siècle portera donc l’empreinte de l’influence durable des grands maîtres, qui ont donné aux écri­vains contemporains à la fois un instrument d’expression et une o­­rientation idéologique. La première manifestation litté­raire, cohérente et soutenue, réa­lisée à la fois comme formule théo­rique et comme littérature couran­te, fut „Sämänätorul“ (Le Se­meur) sous la direction de M. Ior­­ga. La doctrine défendue par le théoricien de ce mouvement peut être résumée en quelques mots: tra­ditionalisme, nationalisme et orien­tation des écrivains vers la couche paysanne. La source d’inspiration des écrivains de cette école fut es­sentiellement rurale. Dans un paya où la grande majorité de la popu­lation est formée par les paysans, le rôle assigné à l’écrivain était de développer les virtualités populai­res. Apparenté à ce courant littérai­re, mais relevant en même temps d’une conception humanitariste et socialiste, se fait jour l’école ,,po­­poraniste“ soutenue par la revue „Viaja Romäneascä“ et ses direc­teurs, Stere et Ibràileanu. L’attitude purement esthétique, affirmant même la séparation to­tale de la personnalité humaine de la personnalité créatrice de l’écri­vain, fut défendue par M. Drago­­miresco dans sa revue „Entretiens critiques“. Le modernisme fut représenté pendant l’époque de l’avant-guerre, par plusieurs chapelles littéraires, dont nous mentionnerons „La li­gne droite“ de M. M. Demetmi3 et Arghezi, et „La vie nouvelle“, pu­blication qui avait fait connaître en Roumanie le mouvement poéti­que français commencé vers 1880. En une iongue suite d’articles, dans de nombreuses conférences et dans des études recueillies ou non en volume, le savant philologue Densusianu, en même temps poète et critique, avait déployé une ac­tivité des plus fécondes, consacrée au mouvement moderniste çais. Outre ces deux revues, fran­ont pullulé un grand nombre de publi­cations d’avant-garde ayant, comme il se doit, une existence éphémère de deux ou trois numéros, mais re­présentant autant de signes avant­­coureurs d’une nouvelle orienta­tion poétique. ION BIBER! *) Fragment de la préface de notre ouvrage „Etudes sur la littérature con­temporaine” qui paraîtra sous peu aux Editions Corymbe. (Suite page 2)

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