Le Moment, Decembre 1938 (Année 6, no. 1136-1160)
1938-12-01 / no. 1136
/ R_j * J BUCAREST 6“® ANNÉE—-No 1136 *' portafaaBnatce «a ««p&om a* forSSBSît à. l’ordre No. 217.582/935 IttOAUl T de la Direction Générale P, X, X, , 13. RUE BREZOIANO Rédaction, Administration Tél. 3.10.40 Direction : Téléphone 4.25.34 EVIPFTMEIUE et Ateliers de Photogravure ..Le Moment" 2, rue Arist. Demetriade. Tél. 5.19.9 IJ DIRKCTKÜR I ALFRED HEFTER Propriétaire : „Le Moment*' S. A. Inscrit au registre de publications du Trib. d’Ilfov, sous le No. 243/1938 Pages 3 Lei* Le Moment Journal de Bucarest QUOTIDIEN ILLUSTRÉ D'INFORMATIONS POLITIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES Les grandes interviews du „Moment" z/La Roumanie a trouvé ce qu'il faudrait à tous les pays aux moments critiques: UN GRAND CHEF U NOUS DÉCLARE M. WARD PRICE, LE CÉLÉBRE JOURNALISTE ET ÉCRIVAIN ANGLAIS _ M. Harold Nicholson disait, il n‘y a pas AlA longtemps dans xme de ses conférences publi- ^ w ques, que les Anglais souffraient d'hypophrénie. Si c'est vrai Mr. Ward Price marque un exception éclatante. M. Ward Price a le type international par excellence. A son physique on le prendrait pour un oriental. C'est un éminent journaliste, qui fait depuis longtemps partie de la rédaction du „Daily Mail“ et il est en même temps l'auteur de plusieurs livres, dont le dernier paru il y a deux ans porte dans l'édition française le titre de ,,/e connais ces dictateurs", M. Ward Price amplifiera ce dernier ouvrage dans une nouvelle édition et il l'intitulera de manière suggestive: „L’année des comptes”, en y ajoutant ses impressions sur les derniers événements de cette année. M. Ward Price a assisté pendant sa riche carrière de journaliste à tous les événements internationaux; il s'est entretenu avec tous les dictateurs de l'Europe actuelle. A son retour des funérailles d'A- taturk, M. Ward Price fait un petit séjour à Bucarest. J'essayerai de rendre ici notre entretien qui a roulé d'abord sur les rencontres et décisions de Godesberg et Munich. — „Evidemment les journées de Septembre dernier — nous déclare M. Price — furent des plus critiques. les moments décisifs de Godesberg „Je me rappelle ce fameux échange de lettres entre M. Chamberlain et Hitler, alors que le premier anglais se trouvait à l'hôtel Petersberg. J'y étais aussi, eh! bien je vous assure que c'était loin d'être gai! M. Hitler était en train de mettre en pratique des plans conçus depuis longtemps. „Le Fuehrer était convaincu de la nécessité d'annexer les Sudètes. Même le risque d'une guerre n'aurait pu le faire renoncer à cette intention. Il espérait toutefois que les autres puissances ne s'y décideraient pas. Lorsque je fus reçu le 17 septembre dernier par M. Hitler, je m'étais permis de lui exprimer mon avis que ce qui faisait une différence nette entre l'Angleterre et l'Allemagne ce n'était qu'une question de temps”. „En effet( les Allemands avaient depuis longtemps réfléchi au problème sudète tandis que nous autres Anglais ne l'avions pas étudié. C'est pourquoi le gouvernement britannique ne pouvait pas accepter si vite le point de vue allemand. D'autre part l'Allemagne avait hâte de trancher ce problème car l'hiver approchait. Si la crise avait éclaté au printemps elle n'êut pas été aussi aiguë. De plus, le rapport de Lord Runciman était en faveur des Sudètes. Cette partie d'Egger que je connais, et où Wallenstein a été assassiné est en vérité profondément allemande“. Hitler et Mussolini „Le Chef de l'Allemagne actuelle n'est pas évidemment un homme ordinaire. Il est plutôt un instinctif qu'un raisonneur. Tout à fait l'antipode de M. Mussolini“. L'entretien avec M. Price est une ©ourse aux dictateurs. Après Hitler, un rapide portrait du Duce: ü— t,J‘ai une grande admiration. pour son intelligence, son talent; il a un sens de l'humour très raffiné. Avant Mussolini, l'Italie manquait d'une bonne organisation gouvernementale. Il a créé un nouveau standard de vie, un nouvel esprit. En Angleterre on prétendait au début de son régime qu'il est poseur; cela n'est pas exact. Il est nécessaire en Italie de parler comme il le fait, (Suite page 6) Le 29 novembre 1938 „Ilustrowany Kourjer Codzienny”, journal de Varsovie, publie aujourd’hui un article sur la politique extérieure polonaise. On peut y lire les lignes suivantes: „La „Pologne poursuit une politique „d’équilibre. Pour l’opinion publique polonaise, il ne peut pas y ,avoir de surprises quant à notre „activité diplomatique. Celle-ci „est au, contraire, pleine de logique. Nous avons toujours mené „une politique qui a eu comme „seule devise la raison d’Etat”. * * * 11 est plus qu'évident que cet article, sans doute inspiré, est destiné à être mis sous certains yeux qui se sont grandement ouverts à la lecture du communiqué de samedi soir, annonçant une reprise cordiale des relations entre Varsovie et Moscou. Il qu’a tend à dissiper l’étonnement provoqué dans les milieux habitués aux jours qui se ressemblent, ce demi-tour du colonel Beck. Et il cherche à l’expliquer par la logique et par la raison d’Etat. La raison d'Etat! En l’occurrence, on pourrait s’écrier à l’instar des faiseurs de bons mots: „la raison d’Etat a des raisons que la raison ne connaît pas!”. Quant a la logique, certes! elle ne se trouve guère en querelle avec la nouvelle action diplomatique de notre alliée du Nord. A preuve que, aussitôt après l’arbitrage de Vienne, et notamment le 7 novembre, notre directeur écrivait ici-même les lignes suivantes, qui auraient, risqué d’être qualifiées de prophétiques, si elles n’avaient pu s’expliquer par un raisonnement de pure logique. Citons : „N’ayant pas obtenu de succès „pour ce qui est de la frontière „commune avec la Hongrie, crai„gnant V irrédentisme ukrainien „protégé par les chefs du mouvement de la Russie Subcarpa„thique, connaissant la situation „toujours plus compliquée de „Danzig, ment de prévoyant le développel'action entreprise à „Memel, M. Joseph Beck pourrait „se tourner d’un AUTRE COTÉ, „même si sa nouvelle politique internationale devait surprendre et „étonner le monde entier”. „L’histoire ne fait pas montre „de trop de fantaisie. C’est depuis „mille ans le sort de la Pologne, „de jeter les regards tantôt du „côte de l’Allemagne, tantôt du „côte de la Russie, non sans toujours savoir que la sincérité à son „égard est tout aussi relative à „Moscou qu’à Berlin”. ___ Ce que l’Angleterre veut aujourd'hui: des alliances Londres, novembre 1938 La récente visite du Premier Ministre et du Ministre des Affaires Etrangères britannique à Paris doit concentrer sur le Ministère des Affaires Etrangères d’Angleterre l’attention du monde entier. A l’heure actuelle, de la politique étrangère de la Grande Bretagne dépend beaucoup plus que L’avenir de l’Angleterre. C’est pourquoi non seulement ce pays, mais le monde entier a le droit de savoir sur quels principes cette politique est basée. Une curiosité excessive ne doit pas être encouragée et des débats parlementaires répétés sur les affaires étrangères causent plus de mal que de bien. Le mécanisme de la diplomatie est d’une extrême délicatesse. Quand le gouvernement aura déclaré sur quelles bases il est décidé à agir, quelle route il a choisie et vers quel but il tend, alors si l’opinion publique est satisfaite de voir que les principes généraux sont sains, elle se contentera d’en attendre patiemment les résultats. Avant la guerre, chacun comprenait parfaitement que les amis de l’Angleterre en Europe étaient la France et la Russie, que son M. DUFF COOPER, ancien Premier Lord de l'Amirauté britannique, expose dans cet article envoyé au „Moment" le choix qui s'offre au gouvernement Chamberlain après les conversations de Paris : le retour à l'isolement, ou le développement des alliances. Il insiste sur la nécessité de définir rapidement les principes de la politique étrangère britannique, dont l'intérêt dépasse singulièrement le cadre national anglais. allié en Extrême-Orient était le Japon et que, si elle ne nourrissait aucun dessein d’agression sur quelque continent que ce soit, et qu’elle était disposée à consentir des concessions considérables aux revendications des Puissances qui ne considéraient pas leurs ambitions coloniales comme satisfaites, tout le monde n'en pensait pas moins qu’avec de tels amis et un pareil allié, l’Angleterre pouvsüt affronter les plus terribles circonstances avec sérénité. Cette politique avait reçu l'approbation générale de tous les partis. Après la guerre, on crut que les relations entre Etats allaient être gouvernées par une loi nouvelle. Toutes les nations devaient être membres d’une Société, toutes les querelles devaient être réglées par L’arbitrage, et tous les accords séparés devaient être rendus publics et leur conclusion ne serait définitive que s'ils bénéficiaient d’une approbation générale. Si un Etat osait être assez fou ou insensé ou assez mal intetionné pour violer L’arrangement conclu pour le bénéfice de tous, alors tous les autres allaient infliger au troubleur A. DUFF COOPER Membre de la Chaftibre des Communes Ancien Premier Lord de l’Amirauté (Suite page 6) „M. Beck aurait voulu sortir de „ce dilemme fatidique et millénaire. La frontière hungaro-po„lonaise présentait un échappatoire. Mais les négociations viennoises ont produit à Varsovie un „certain malaise. Les manifestations de Danzig et de Memel intimeront à la Pologne de procéder à une nouvelle et sérieuse révision de sa politique internationale”. Et voilà, en effet, que vingt jours après 1“apparition de cette „Boite aux Lettres”, la Pologne fait connaître par un communiqué j „la politique d’équilibre”, mais personne de ceux qui sont au courant de Thistoire diplomatique polonaise de ces derniers dix-sept ans ne se trompe: il s’agit bel et bien d’un retour à l'action de Patek et à la position qu’avaient l'un vis-à-vis de l'autre, Moscou et Varsovie, en 1932. Ce retour est tout à fait dans la logique des choses et peut admirablement s’expliquer par le rapport de cause à effet. C’est pourquoi le journal de Varsovie, que nous citions tout à l’heure est parfaitement sincère lorsque, s’adressant à ceux qui ont montré de Vétonnement devant la tournure qu'ont prise d’un jour à Vautre, les rapports polono-soviétiques, il leur dit: „Vous avez tort d’être surpris”. INTÉRIM DANS LES RUES DE ROME Le 10 Janvier M. Neville Chamberlain sera Vhôte de M. Mussolini à Rome Que lui préparez-vous donc comme surprise à M. Chamberlain? > Du beau temps pour qu’il n’ait quoi faire de son parapluie»«« ■‘A • téPtteCEMBRE 1938 M. JOSEPH KENNEDY ambassadeur des Etats-Unis à Londres, vient de faire d'importantes déclarations sur le commerce mondial THÉÂTRE ALHAMBRA 1000 ANS DE PAIX REVUE EN DEUX ACTES ET 57 TABLEAUX DE N. N. VLADOIANO. MUSIQUE DE ION VASILESCO Avec chaque nouvelle revue Ig Théâtre Alhambra peut compter! d'avance sur un fort regain de curiosité, d'autant plus qu'un spectacle de revue peut, d'ores et déjà, compter sur l'intérêt du plus grand public, chez nous. L'oeil et l'oreille y sont sollicités pour des raisons que la raison laisse aux bons soins et à la bonne fantaisie des librettistes, des compositeurs, des scénaristes, des chorégraphes, des peintres et des costumiers. Il y a là un libre champ pour tout ce qui est mirage de lumière et de faste, d'harmonieusesi utopies et d'aromes musicaux. En bref, il y a place même pour l’art. Et la légèreté, son côté irtiprévu et amusant trouvera toujours dans la qualité son compté le meilleur. A ce point de vue, M. Vladoiano, l’animateur de ce genre, plus d'une fois populaire, nous prouve de nouveau combien il a l'oeil juste et l’ouïe fine. Son état major se prévaut de champions d’excëllente souche — ne s’agirait-il que de M. Ion Vasilesco, et de M. Oleg Danovsky. Les absents — ont-ils tort — so laissent, il est vrai, difficilement oublier, tel Groner. Mais les rangs se resserrent et M. Nicolaide qui a de la verve et de l'humour pour deux se porte vaillamment en avant avec un succès bien mérité. Le peintre Siegfried et son art agréablement aérien laissent un vide non encore comblé. A cela près, voici une avant dernière recrue, M. Vasiliu Birlic, qui acquiert de plus en plus de l'aplomb et se fait fort bien à son nouvel état. Parmi les vieilles connaissances voici encore les deux charmantes soeurs Marga et Didona Radulesco qui rentrent au bercail et l'acueil chaleureux du public leur donne grandement raison; enfin, MM. Stroe et Vasilache, enfants prodigues sur le retour, font sensation. Disons encore que Mlle .Mórica Demion fraîchement promue étoile de première grandeur avait d'anciens droits et tous mérites à ce titre. Une fois mentionnés les héros de la soirée — héros bien pacifiques comme il se doit, — voyons les, maintenant, combattre, parfois de haute lutte, pour la victoire de cette revue. Un Slow Fox „Merci", de Ion Vasilesco, dans la scène de la petite pâtisserie, ouvre le feu. Mais ce feu, qui se joue des larmes si pures de Mlle Virginica Popesco, se transmet à la salle et e'est déjà un succès. Un autre, qui revient à la gracieuse Mlle Margueritte Marian dans „les Porcelaines de Sèvres" se voit agrémenté de costumes d'une audacieuse réussite; félieitons-en l'inventeur. Malgré tout et tant de pacifiques promesses de la part de la Revue, nous voici tout de même „A la EUGENE CERNATESCO (Suite page 21