Revue de Hongrie 32-33. (1925)

15 mars - En Mémoire de Jókai, par M. le Dr. Georges de Lukács, député, ancien ministre des Cultes et de l'Instruction Publique

KN MÉMOIRE DE JÓKAI Tout comme dans la cinquantaine du dernier siècle, les fêtes commémoratives de Kazinczy et de Berzsenyi, célébrées dans tout le pays, ont fait renaître l’espérance et la force à la nation abattue et découragée, de même aujourd’hui la Hon­grie si éprouvée puise un espoir et un courage nouveaux dans ces centenaires qui, de nos jours, se succèdent de si près. Comme le centenaire de Schiller avait suscité, chez les Allemands, l'idée de leur union, ainsi l’idée et la volonté de la résurrection hongroise s’inspire aussi des fêtes commémoratives de nos grands hommes — de Petőfi, de Madách, de Jules Andrássy l’aîné, d’Arnauld Ipolyi et de Maurice Jókai. Une nation pouvant se vanter d’avoir eu d’hommes aussi supérieurs que ceux doni nous venons de célébrer le cente­naire dans le court délai de deux années, doit-elle jamais désespé­rer ? Chacune de ces fêtes ne fait que mieux ressortir l’in­justice criante qui fut commise à notre égard par les vain­queurs de la guerre mondiale. Injustice qui consiste à avoir subordonné la culture à la barbarie. Lequel de nos oppresseurs, des soi-disants Etats successeurs peut-il énumérer une telle série de génies, comme notre nation en avait déjà produits il y a cent ans, pour le bien de la civilisation entière ? Ose-t-on nommer pauvre une nation dont le passé abonde en trésors intellectuels qui brillent comme ceux des plus grandes nations de l’Occident? Une nation qui a produit des colosses pour le bien de toute l’humanité, peut-elle se perdre ? Est-il permis qu’elle se résigne, qu’elle abdique et qu’elle suc­combe aux coups de l’infortune? Une nation qui est à même de puiser dans de sources intellectuelles aussi riches ne saurait être anéantie. Une telle nation doit vivre et prospérer ; une telle nation est appelée à l’action, à la production. Elle n’a qu’à vouloir fermement.

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