Filológiai Közlöny – V. évfolyam – 1959.

1–2. szám - A Turóczi-Trostler József emlékszám anyagának folytatása (1–84. l.): - Radó György: Petőfi chez les Russes (XXe siécle)

un rôle comparable à celui de Pouchkine dans la nôtre. Il représente incon­testablement l'apogée de cette littérature. Pendant bien longtemps presque toute la poésie hongroise appartint à l'école de Petőfi : seuls le modernisme et le futurisme apportèrent une sorte de déviation. Ils firent naître une espèce de LEF hongrois,1 mais plus tard nombre de poètes en revinrent aux traditions de Petőfi ; ainsi on constate chez nous un retour analogue à celle de Pouchkine. Néanmoins Petőfi n'était pas un gentilhomme cultivé appartenant à la couche supérieure de la société, comme Pouchkine et Lermontov ; son père, moitié paysan, moitié commerçant, se ruine et finit par entrer dans l'armée révolutionnaire de Kossuth. De ce point de vue on pourrait rapprocher Petőfi de Chevtchenko, mais la carrière du premier fut imcomparablement plus brillante que celle de son contemporain ukrainien. Car on a souvent à propos de Chevtchenko l'attitude qu'avait eu Tolstoi à l'égard de Gorki, pour le blesser. «Après tout, avait-il dit, c'est un écrivain populaire très habile.» «Ecrivain populaire», c'est-à-dire un talent issu du peuple, un auto­didacte un peu rude, à qui il faut pardonner beaucoup de choses. En réalité Chevtchenko2 n'était point un écrivain de ce genre. Comme Gorki, il s'éleva bien haut au-dessus de sa classe et il aurait pu faire honneur à n'importe quelle couche de l'intelliguentsia non seulement par son talent et son aspect moral mais encore par sa culture. On peut encore mieux appliquer cette thèse au cas de Petőfi. Celui-ci, sans avoir fait d'études supérieures et sans avoir remporté beaucoup de succès à l'école secondaire s'acquit «ne culture très vaste, de caractère éminemment littéraire. Il s'enthousiasma pour Horace et Tacite qu'il lisait dans l'original et il étudia très à fond des poètes comme Schiller, Heine, et Lenau (pour les deux derniers, ses contemporains, il les consi­dérait comme des génies très semblables à lui-même) ; il connaissait aussi Béranger, Shelley, Shakespeare et Byron. En dehors de son oeuvre poétique, étonamment riche, on connaît de Petőfi d'excellentes traductions : il traduisit Heine, Matthison, Béranger, Shelley, Shakespeare et il mit au point la traduction de plusieurs drames de Schiller.3 A comparer la littérature hongroise à la littérature ukrainienne, on s'aperçoit aussitôt d'une différence essentielle. La littérature ukrainienne n'existait qu'à l'état embryonnaire, il n'est pas étonnant de voir que le génie extraordinaire de Chevtchenko la domine d'une manière royale. Par contre, la littérature hongroise s'est enrichie depuis Petőfi d'oeuvres de grande valeur et la place centrale que ce jeune poète, mort à la fleur de l'âge, y occupe a une importance toute particulière1. Enfin il est une autre circonstance très importante qui s'oppose à un classement aussi simple de Petőfi. Ce poète fut un révolutionnaire décidé, un représentant de l'extrême-gauche. Il est vrai qu'il a participé, avec toute l'ardeur de son âme, à une révolution de caractère nationale et que même aujourd'hui la bourgeoisie, oubliant les rapports peu glorieux qui la rattachent aux héros nationaux, aime ériger des monuments à la mémoire des hommes comme Garibaldi, Mazzini, Danton et Kosciuszko. Mais dans cette révolution Petőfi prit une attitude manifestement «anti-bourgeoise» ; on est tenté de 1 LEF : Lévy Front Iskousstva = Le Front Gauche des Arts, tendance futuriste, qui fleurissait dans la littérature soviétique après 1920. 2 Tarass Chevtchenko (1814 — 1861) fut le plus grand poète ukrainien. 3 C'est une erreur de fait : Petőfi n'a traduit aucun drame de Schiller.

Next